Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2012, présentée pour la société en nom collectif Invest OM 175, ayant son siège social 5, rue Saint-Pantaléon à Toulouse (31000), par MeA... ; la société Invest OM 175 demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200207 du 25 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant au remboursement d'une somme de 488 016 francs CFP au titre du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait à l'expiration du 1er trimestre de l'année 2011 ;
2°) de prononcer le remboursement de ce crédit ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 180 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des impôts de la Polynésie française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2013 :
- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Invest OM 175, dont le siège est à Toulouse, a pour objet l'acquisition, la location et l'exploitation, directe ou indirecte, de tous matériels destinés à des entreprises situées dans les départements et territoires d'outre-mer, entrant dans le cadre des activités visées par l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont les dispositions ouvrent aux contribuables domiciliés en France un droit à une réduction d'impôt sur le revenu à raison de certains investissements productifs neufs réalisés outre-mer ;
2. Considérant que la société Invest OM 175 a déclaré exercer en Polynésie française, notamment, au cours des années 2008 à 2011, une activité, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, de location d'un camion à l'entreprise Papara Terrassement ; qu'elle a procédé, en application des articles 345-4 et 345-20-1 du code des impôts de la Polynésie française, à la déduction, au titre du quatrième trimestre de l'année 2008, du quatrième trimestre de l'année 2009 et du quatrième trimestre de l'année 2010, de plusieurs fractions de la taxe ayant grevé le prix d'acquisition de ce bien auprès de l'entreprise Papara Terrassement elle-même ;
3. Considérant que le service des contributions de la Polynésie française a, d'une part, à l'issue d'une procédure de redressement contradictoire, remis en cause les déductions ainsi opérées par la société Invest OM 175 et assujetti celle-ci à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période couvrant les années 2008 à 2010, et, d'autre part, rejeté la demande de remboursement, au titre du premier trimestre de l'année 2011, d'un crédit de taxe d'un montant de 488 016 francs CFP, présentée le 13 avril 2011 par le représentant fiscal de cette société en Polynésie française ;
4. Considérant que la société Invest OM 175 relève appel du jugement en date du 25 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Considérant, en premier lieu, que, pour confirmer le refus de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, les premiers juges se sont fondés sur le caractère fictif de la facture établie par l'entreprise Papara Terrassement au titre de la vente à la société Invest OM 175 du camion litigieux ; qu'en se fondant également, pour rejeter la demande de la société requérante, sur un motif qui n'était pas invoqué par le service des contributions de la Polynésie française et qui n'était pas d'ordre public, tiré de ce que les opérations effectuées par la société Invest OM 175 en vue de permettre à ses associés de bénéficier de réductions d'impôt sur le revenu en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts " rel[evaient] d'un montage excluant tout risque financier, dont le but [était] exclusivement fiscal et [étaient] ainsi révélatrices d'une fraude à la loi ", les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité dès lors que ce motif était surabondant ; que, pour le même motif, ne peut qu'être écarté le moyen tiré par la société Invest OM 175 de ce que les premiers juges ont entaché d'irrégularité le jugement attaqué en retenant d'office ce moyen sans avoir préalablement procédé à l'information des parties exigée par les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
6. Considérant, en second lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société Invest OM 175 n'aurait pas été " débitrice nette de TVA ", est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
7. Considérant que la circonstance que la première page de la demande de la société Invest OM 175 indique que le litige est présenté " contre la direction des impôts et des contributions publiques représentée par sa directrice " est sans incidence sur la recevabilité de cette demande, qui tendait au remboursement d'une somme au titre d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société requérante s'estimait titulaire et qui devait être regardée comme ayant été présentée contre la Polynésie française, représentée par son président ; que la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française ne peut dès lors qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 340-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti " ; qu'aux termes de l'article 345-4 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-10 de ce code : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures " ; qu'aux termes de l'article 345-22 dudit code : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pas pu être opérée peut intervenir sur demande de l'assujetti ou de son représentant fiscal dûment accrédité. / (...) " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités du code des impôts de la Polynésie française, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
9. Considérant que le service des contributions de la Polynésie française, qui a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture n° PPTOM175-03 établie le 10 avril 2008 par l'entreprise Papara Terrassement, inscrite au registre du commerce de Papeete et assujettie à la taxe, et qui a, par suite, refusé de rembourser à la société Invest OM 175 le crédit de taxe litigieux, fait valoir que cette facture ne mentionne pas le numéro de série du camion ; que, toutefois, cette facture désigne de façon suffisamment précise le bien vendu ; que si l'administration fait également valoir que la société Invest OM 175 ne justifie pas avoir versé des sommes à l'entreprise Papara Terrassement, il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté qu'elle a acquis le bien en cause, d'une part, grâce à un crédit-vendeur remboursable par compensation avec les loyers dus et, d'autre part, grâce au versement du solde au fournisseur de l'entreprise Papara Terrassement, l'entreprise Orovini Parking, qui avait préalablement vendu à celle-ci le véhicule en cause ; que les circonstances que le contrat de vente conclu entre la société requérante et l'entreprise Papara Terrassement - lequel, au demeurant, désigne clairement le bien en cause - n'aurait pas été respecté en l'absence d'authentification de la vente par huissier ou par la mairie et qu'il existerait des incohérences entre la facture adressée par l'entreprise Orovini Parking à l'entreprise Papara Terrassement ou l'attestation d'assurance versée au dossier par la société requérante, d'une part, et la demande de certificat d'immatriculation qui aurait été présentée au titre du véhicule en cause, d'autre part, ne sont pas de nature à établir que la facture établie par l'entreprise Papara Terrassement serait fictive ou de complaisance ; qu'en se bornant à se prévaloir de ces circonstances, l'administration n'apporte aucun élément suffisant permettant d'établir que la facture en cause serait fictive ou de complaisance ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Invest OM 175 est fondée à soutenir que c'est à tort que le service des contributions de la Polynésie française a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette facture et, partant, a refusé de lui rembourser le crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 488 016 francs CFP dont elle était titulaire au titre du premier trimestre de l'année 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Invest OM 175, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Polynésie française demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à la société requérante de la somme qu'elle demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1200207 du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 25 septembre 2012 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la société Invest OM 175 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 488 016 francs CFP au titre du premier trimestre de l'année 2011.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la société Invest OM 175 devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel, sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 12PA04368