Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 2012, présentée pour la société en nom collectif Invest OM 178, ayant son siège social 5, rue Saint-Pantaléon à Toulouse (31000), par MeA... ; la société Invest OM 178 demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200208 du 25 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant au remboursement d'une somme de 583 006 francs CFP au titre du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait à l'expiration du 1er trimestre de l'année 2011 ;
2°) de prononcer le remboursement de ce crédit ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 180 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des impôts de la Polynésie française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2013 :
- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Invest OM 178, dont le siège est à Toulouse, a pour objet l'acquisition, la location et l'exploitation, directe ou indirecte, de tous matériels destinés à des entreprises situées dans les départements et territoires d'outre-mer, entrant dans le cadre des activités visées par l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont les dispositions ouvrent aux contribuables domiciliés en France un droit à une réduction d'impôt sur le revenu à raison de certains investissements productifs neufs réalisés outre-mer ;
2. Considérant que la société Invest OM 178 a déclaré exercer en Polynésie française, notamment, au cours des années 2008 à 2011, une activité, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, de location à l'entreprise Tamanu Terrassement d'une remorque et d'une pelle hydraulique ; qu'elle a procédé, en application des articles 345-4 et 345-20-1 du code des impôts de la Polynésie française, à la déduction, au titre du quatrième trimestre de l'année 2008, du quatrième trimestre de l'année 2009 et du quatrième trimestre de l'année 2010, de plusieurs fractions de la taxe ayant grevé le prix d'acquisition de ces biens auprès de l'entreprise Tamanu Terrassement elle-même ;
3. Considérant que le service des contributions de la Polynésie française a, d'une part, à l'issue d'une procédure de redressement contradictoire, remis en cause les déductions ainsi opérées par la société Invest OM 178 et assujetti celle-ci à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période couvrant les années 2008 à 2010, et, d'autre part, rejeté la demande de remboursement, au titre du premier trimestre de l'année 2011, d'un crédit de taxe d'un montant de 583 006 francs CFP, présentée le 13 avril 2011 par le représentant fiscal de cette société en Polynésie française ;
4. Considérant que la société Invest OM 178 relève appel du jugement en date du 25 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 6 septembre 2011, que le service des contributions de la Polynésie française a initialement rejeté la demande de remboursement, au titre du premier trimestre de l'année 2011, du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 583 006 francs CFP, présentée le 13 avril 2011 par le représentant fiscal de la société Invest OM 178, au motif qu'il n'était " pas en mesure de pouvoir vérifier la qualité de biens neufs des investissements et la sincérité du prix facturé " à elle par l'entreprise Tamanu Terrassement pour l'acquisition de la remorque et de la pelle hydraulique ; qu'à l'occasion de la réponse aux observations du contribuable du 31 octobre 2011, le service des contributions de la Polynésie française s'est également fondé sur l'absence de " documents probants justifiant la réalité des matériels vendus " à la société Invest OM 178 par l'entreprise Tamanu Terrassement ; que, pour justifier le refus de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, le tribunal s'est, pour sa part, fondé sur un autre motif, différent de ceux invoqués par l'administration, tiré de ce que les opérations effectuées par la société Invest OM 178 en vue de permettre à ses associés de bénéficier de réductions d'impôt sur le revenu en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts " rel[evaient] d'un montage excluant tout risque financier, dont le but [était] exclusivement fiscal et [étaient] ainsi révélatrices d'une fraude à la loi " ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a procédé à une substitution de motifs sans y avoir été invité par l'administration ; que le jugement attaqué est dès lors irrégulier et doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la société requérante, être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Invest OM 178 devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
7. Considérant que la circonstance que la première page de la demande de la société Invest OM 178 indique que le litige est présenté " contre la direction des impôts et des contributions publiques représentée par sa directrice " est sans incidence sur la recevabilité de cette demande, qui tendait au remboursement d'une somme au titre d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société requérante s'estimait titulaire et qui devait être regardée comme ayant été présentée contre la Polynésie française, représentée par son président ; que la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française ne peut dès lors qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 340-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti " ; qu'aux termes de l'article 345-4 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-10 de ce code : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures " ; qu'aux termes de l'article 345-22 dudit code : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pas pu être opérée peut intervenir sur demande de l'assujetti ou de son représentant fiscal dûment accrédité. / (...) " ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités du code des impôts de la Polynésie française, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
9. Considérant que le service des contributions de la Polynésie française, qui a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture n° TTOMP7-04 établie le 10 avril 2008 par l'entreprise Tamanu Terrassement, inscrite au registre du commerce de Papeete et assujettie à la taxe, et qui a, par suite, refusé de rembourser à la société Invest OM 178 le crédit de taxe litigieux, fait valoir que la remorque et la pelle hydraulique ont en réalité été acquis par la société requérante auprès, non pas de l'entreprise Tamanu Terrassement, qui les aurait initialement acquis auprès de la société Tahiti Automobiles et de l'entreprise Orovini Parking, mais directement auprès de ces deux dernières ; qu'il se prévaut principalement de ce que la facture établie par l'entreprise Orovini Parking " est faite directement au profit de la SNC Invest OM 178 " ; que, toutefois, et ainsi que le fait valoir la société requérante, si cette facture indique son nom et son adresse, elle indique ensuite " C/O Tamanu Terrassement " ; que ne permettent pas d'établir que la facture établie par l'entreprise Tamanu Terrassement était de complaisance les circonstances que la facture établie par l'entreprise Orovini Parking comporte la mention " facture définitive " et qu'elle ne précise pas le numéro de série de la remorque ; que, contrairement à ce que fait valoir le service des contributions de la Polynésie française, le contrat de vente conclu entre la société requérante et l'entreprise Tamanu Terrassement et la facture établie par celle-ci désignent avec suffisamment de précisions les biens vendus ; que si l'administration fait également valoir qu'en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du contrat de vente conclu entre la société requérante et l'entreprise Tamanu Terrassement, la vente n'a pas été authentifiée par un huissier ou par la mairie, en tout état de cause, ainsi que le relève la société requérante, le tampon des autorités municipales a été apposé sur le procès-verbal de livraison et de prise en charge des biens ; que la circonstance tirée de l'absence de justificatifs du paiement par l'entreprise Tamanu Terrassement à l'entreprise Orovini Parking et à la société Tahiti Automobiles est par elle-même sans incidence, alors surtout qu'il est constant qu'une partie des sommes dues par la première aux deux autres a été réglée pour son compte par la société Invest OM 178 ; que les circonstances que le certificat d'immatriculation provisoire de la remorque ait été établi en 2007, que la déclaration de cette remorque pour la taxe d'environnement pour le recyclage des véhicules n'ait été établie que le 15 septembre 2009 et que le certificat d'immatriculation définitif n'ait été demandé que le 14 octobre 2009 ne sont pas de nature à établir le caractère fictif de l'opération de vente de ce véhicule à la société requérante par l'entreprise Tamanu Terrassement ; qu'il en va de même des circonstances que l'entreprise Tamanu Terrassement aurait assuré les véhicules pour la période du 7 avril au 31 décembre 2008, que la demande de certificat d'immatriculation de la remorque fasse état d'un véhicule gris-clair alors qu'il apparaît blanc sur les photographies versées au dossier, que les véhicules vendus à la société requérante ne seraient pas neufs et que leur prix de vente ne serait pas " sincère " ; qu'en se bornant à se prévaloir de ces circonstances, l'administration n'apporte aucun élément suffisant permettant d'établir que la facture en cause serait fictive ou de complaisance ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Invest OM 178 est fondée à soutenir que c'est à tort que le service des contributions de la Polynésie française a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette facture et, partant, a refusé de lui rembourser le crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 583 006 francs CFP dont elle était titulaire au titre du premier trimestre de l'année 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Invest OM 178, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Polynésie française demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à la société requérante de la somme qu'elle demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1200208 du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 25 septembre 2012 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la société Invest OM 178 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 583 006 francs CFP au titre du premier trimestre de l'année 2011.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la société Invest OM 178 devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel, sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
''
''
''
''
5
N° 12PA04367