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20/12/2013 | FRANCE | N°12PA03009

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 20 décembre 2013, 12PA03009


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2012, présentée pour l'EURL Virgule, dont le siège est 9 rue Eugène Gibez à Paris (75015), par MeB... ; la société Virgule demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100540/2-3 du 3 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été r

clamés au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ai...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2012, présentée pour l'EURL Virgule, dont le siège est 9 rue Eugène Gibez à Paris (75015), par MeB... ; la société Virgule demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100540/2-3 du 3 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités afférentes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2013 :

- le rapport de M. Magnard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Virgule fait appel du jugement n° 1100540/2-3 du 3 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par la société requérante à l'appui de ses moyens, ont répondu aux moyens qui leur étaient soumis tirés du caractère probant de la comptabilité, du caractère vicié de la méthode de reconstitution des recettes utilisée par le service et de ce que d'autres contribuables, vérifiés par d'autres services, se seraient vu appliquer des paramètres de reconstitution de recettes plus favorables ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la société Virgule, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ;

4. Considérant que la proposition de rectification contradictoire en date du 15 décembre 2008 fait état, contrairement à ce qui est soutenu, des éléments qui ont conduit le service à considérer que la comptabilité présentée par la société Virgule était dépourvue de valeur probante ; qu'elle détaille les caractéristiques de la méthode dite des "liquides" employée par l'administration pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, en précisant les différentes phases de la reconstitution et les calculs intermédiaires, reproduits en annexe ; que la proposition de rectification contradictoire mentionne également l'intégralité des conséquences fiscales de cette reconstitution, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, de l'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt ; qu'ainsi, les éléments fournis étaient suffisants pour permettre à la société contribuable de contester utilement la méthode retenue par l'administration et de formuler ses observations, alors même que le service n'aurait pas motivé le taux de pertes sur les liquides retenu, ni précisé les raisons pour lesquelles la mise en oeuvre de cette méthode l'a conduit à ne pas appliquer un taux de charge sur les recettes reconstituées ou à ne pas prendre en compte les pertes sur les solides ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la proposition de rectification notifiée à M. et Mme A...est en tout état de cause sans influence sur la régularité de la procédure suivie à l'égard de la société requérante ; qu'ainsi, la société Virgule n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification contradictoire serait insuffisamment motivée au regard des dispositions précitées ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

5. Considérant que la société Virgule n'a pu présenter au vérificateur pour justifier du détail de ses recettes, alors qu'il n'est pas contesté que celles-ci étaient comptabilisées globalement en fin de journée, que les doubles non numérotés des notes remises aux clients ; que cette justification, qui ne permettait pas à l'administration de s'assurer que les doubles de toutes les notes émises avaient été conservés, a été à bon droit écartée par le service comme entachée d'incertitude, alors même que ces doubles auraient été datés ; qu'en outre, au titre du mois de janvier 2005 et des mois d'avril à août 2005, la société n'a été en mesure de fournir aucun justificatif ; que ces irrégularités étaient de nature à priver la comptabilité de toute valeur probante ; que la société n'est dès lors pas fondée à soutenir que cette comptabilité a été à tort écartée par le vérificateur ;

En ce qui concerne la reconstitution des recettes de la société :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la comptabilité de la société Virgule était entachée de graves irrégularités ; que, les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la société Virgule a la charge d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste ;

7. Considérant que, pour reconstituer les recettes de la société requérante, le service a appliqué la méthode dite des "liquides", qui a consisté, pour chacun des exercices vérifiés, à déterminer en dépouillant des notes clients réparties sur une période de référence, la part des recettes liquides dans les recettes totales de la société Virgule ; que ce travail a permis de déterminer que la part des recettes liquides dans les recettes totales de la société s'élevait à

22,40 % au titre de l'exercice clos en 2005, 23,86 % au titre de l'exercice clos en 2006 et 21,60 % au titre de l'exercice clos en 2007 ; que, par application de ce taux au montant total des recettes liquides, reconstituées à partir des factures d'achats, une fois déduits la consommation du personnel et du gérant, ainsi que les pertes et offerts tels qu'ils ont été réévalués par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a pu déterminer un montant de recettes totales qui a servi de base au calcul de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des recettes omises, pour la détermination du résultat taxable à l'impôt sur les sociétés ;

8. Considérant, en premier lieu, que la société fait valoir que la reconstitution est viciée dans son principe au motif que le calcul par l'administration de la part des liquides dans le chiffre d'affaires résulte d'un échantillonnage trop restreint de quatre semaines non consécutives par an, qui ne prend pas en compte l'existence de variations saisonnières dans la répartition du chiffre d'affaires entre liquides et solides ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a dépouillé plus de quatre cents notes pour chacun des trois exercices vérifiés, réparties sur quatre semaines suffisamment espacées les unes des autres pour éviter tout effet de saisonnalité ; que la société Virgule, qui se borne à alléguer que l'échantillonnage choisi ne permettrait pas de prendre en compte les changements de comportement des consommateurs et la part plus importante de liquides consommés en hiver, n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que, si la société requérante soutient que l'administration a retenu une méthode sans tenir compte de la réalité de l'exploitation au motif qu'elle n'a pas pris en compte les charges venant en déduction des recettes omises, ce moyen n'est pas de nature à affecter le bien-fondé de la reconstitution des recettes effectuée par le service ; que, par ailleurs, la société requérante ne justifie pas de l'existence de telles charges et n'apporte aucun élément qui puisse permettre leur détermination ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à critiquer sur ce fondement la reconstitution du résultat à laquelle l'administration a procédé ;

10. Considérant, en troisième lieu, que, si la société Virgule fait valoir que l'administration aurait inclus à tort des ventes de foie gras à emporter dans la détermination de la parts des ventes de liquides dans les ventes totales, elle n'apporte aucun élément chiffré permettant d'apprécier la portée de sa critique, le ministre faisant d'ailleurs valoir, sans être contesté, la modicité des quantités de foie gras à emporter en cause ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que le service a déduit des achats revendus de liquides certaines bouteilles de vin, regardées comme des offerts, des alcools rentrant dans la composition des desserts et de certains plats et certaines boissons comme relevant de la consommation personnelle du gérant et du personnel de l'entreprise ; qu'il a appliqué, en outre, un taux de 3 % de pertes, puis, pour tenir compte des observations de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, une nouvelle réduction de 5 % sur les achats revendus de liquide ; que la société requérante, qui se borne à faire valoir que le taux de pertes prend insuffisamment en compte la part du vin entrant dans la composition des plats, n'apporte pas, par cette seule allégation, la preuve qui lui incombe de l'insuffisance du taux de pertes retenu par l'administration ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que la méthode utilisée par l'administration pour reconstituer les recettes et le chiffre d'affaires de la société est fondée, ainsi qu'il a été dit, sur l'application au total des recettes liquides de la société d'un coefficient correspondant à la part de ces recettes dans les recettes totales ; que les éventuelles pertes sur les produits "solides" sont, par voie de conséquence, sans influence sur la reconstitution de recettes ; que, si la société requérante fait valoir que ces modalités de calcul n'auraient pas permis de prendre en considération des charges supplémentaires liées à des pertes sur solides, elle n'établit pas la réalité de ces charges par cette simple allégation ; que, si elle propose une méthode alternative, fondée sur l'application sur la totalité des achats revendus de liquides d'un taux de pertes de

15 %, puis d'un taux de consommation du personnel de 10 %, elle ne justifie par aucun élément que cette méthode correspondrait davantage à la réalité de son exploitation ;

13. Considérant, en sixième lieu, qu'en se prévalant de la circonstance que, dans d'autres espèces, des taux de 15 % de pertes ou de 10 % de consommation personnelle auraient été retenus par l'administration et à invoquer en conséquence le principe d'égalité devant l'impôt, la société requérante ne conteste pas utilement une imposition établie conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ;

14. Considérant, enfin, que l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G-3342 n° 4, qui précise que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur les pénalités :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public (...) " ;

16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à la société Virgule le 15 décembre 2008 comportait l'énoncé des motifs de fait et de droit pour lesquels la bonne foi n'était pas retenue ; que, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, l'administration ne s'est pas bornée à motiver l'application des pénalités par l'importance et le caractère réitéré de l'infraction, mais a également mentionné des éléments qui lui permettaient de regarder comme intentionnelles les insuffisances déclaratives ;

17. Considérant, en second lieu, que l'administration a établi, ainsi qu'il a été dit, que la comptabilité de la société n'était pas probante sur l'ensemble de la période litigieuse, notamment parce que la société s'était abstenue de mettre en place un dispositif permettant de garantir que l'intégralité des recettes perçues avaient été retracées en comptabilité ; que l'administration a également établi que les recettes omises s'élevaient respectivement à 47 %, 25 % et 20 % du chiffre d'affaires déclaré au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 ; qu'eu égard à l'importance des omissions déclaratives, à leur répétition et à l'absence d'une comptabilité probante sur l'ensemble de la période vérifiée, l'administration doit être regardée comme établissant, en l'espèce, l'intention délibérée de la société requérante de soustraire une partie de ses recettes de ses bases imposables ; que, par suite, la société Virgule n'est pas fondée à contester la pénalité pour manquement délibéré à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Virgule n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Virgule est rejetée.

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N° 08PA04258

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N° 12PA03009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03009
Date de la décision : 20/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-20;12pa03009 ?
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