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12/11/2013 | FRANCE | N°12PA04161

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 12 novembre 2013, 12PA04161


Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2012, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me B... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1109795/1 du 21 septembre 2012 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision " 48 SI " par laquelle le ministre de l'intérieur lui a notifié l'ensemble des retraits de points affectant son permis de conduire, a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de le res

tituer ;

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Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2012, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me B... ; M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1109795/1 du 21 septembre 2012 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision " 48 SI " par laquelle le ministre de l'intérieur lui a notifié l'ensemble des retraits de points affectant son permis de conduire, a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de le restituer ;

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2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2013 :

- le rapport de M. Marino, président ;

1. Considérant qu'à la suite d'infractions au code de la route commises les

26 décembre 2004, 12 mai 2007, 3 août 2008 et 10 janvier 2011, le ministre de l'intérieur a respectivement retiré quatre points, trois points, quatre points et un point sur le capital affecté au permis de conduire de M.A... ; que, par décision " 48 SI " du 18 novembre 2011, le ministre a constaté que le solde de points était nul, a prononcé l'invalidation du permis de conduire de M. A...et lui a enjoint de le restituer ; que, par la présente requête, M. A...relève appel du jugement du 21 septembre 2012 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre de l'intérieur :

2. Considérant que la circonstance que M. A...ait obtenu un nouveau permis de conduire probatoire doté de six points postérieurement à la décision du 18 novembre 2011 invalidant son ancien permis de conduire de douze points, ne prive pas d'objet sa requête ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'information :

3. Considérant qu'il résulte des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'accomplissement de la formalité substantielle prescrite par ces dispositions, qui constitue une garantie essentielle donnée à l'auteur de l'infraction pour lui permettre d'en contester la réalité et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis, conditionne la régularité de la procédure suivie et, partant, la légalité du retrait de points ; que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document lui permettant de constater la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, de la remise d'un tel document ;

S'agissant de l'infraction du 3 août 2008 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 537 du code de procédure pénale : " Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins (...) / Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire (...) font foi jusqu'à preuve contraire " ; que si les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire pour constater des infractions au code de la route font foi jusqu'à preuve contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions, il appartient au juge d'apprécier, au vu des divers éléments du dossier et notamment des mentions du procès-verbal, si le contrevenant a reçu l'information prévue par l'article L. 223-3 du code de la route ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le procès-verbal de contravention établi à l'occasion de l'infraction commise par M. A...le 3 août 2008 comporte la mention " le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention ", documents sur lesquels figure l'intégralité des informations prévues par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que si ce procès-verbal n'a pas été signé par M.A..., il résulte des autres mentions y figurant, et en particulier de la mention " refus de signer ", qui ne sont pas sérieusement contestées, que l'intéressé a bien eu connaissance de ce procès-verbal ; qu'eu égard aux mentions dont l'avis de contravention est réputé être revêtu, l'administration s'est acquittée envers le titulaire du permis de son obligation de lui délivrer les informations requises suite aux différentes infractions ; qu'en s'abstenant de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, M. A... n'établit pas que les informations requises étaient inexactes, incomplètes ou n'y figuraient pas ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d'information doit être écarté ;

S'agissant de l'infraction commise le 10 janvier 2011 :

6. Considérant qu'il résulte des arrêtés pris pour l'application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, notamment de leurs dispositions codifiées à l'article A. 37-8 de ce code, que lorsqu'une contravention mentionnée à l'article L. 121-3 du code de la route est constatée sans interception du véhicule et à l'aide d'un système de contrôle automatisé enregistrant les données en numérique, le service verbalisateur adresse à l'intéressé un formulaire unique d'avis de contravention, qui comprend en bas de page la carte de paiement et comporte, d'une part, les références de l'infraction dont la connaissance est matériellement indispensable pour procéder au paiement de l'amende forfaitaire et, d'autre part, une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que lorsqu'il est établi que le titulaire du permis de conduire a payé l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale au titre d'une infraction constatée par radar automatique, il découle de cette seule constatation qu'il a nécessairement reçu l'avis de contravention ; qu'eu égard aux mentions dont cet avis doit être revêtu, la même constatation conduit également à regarder comme établi que l'administration s'est acquittée envers lui de son obligation de lui délivrer, préalablement au paiement de l'amende, les informations requises en vertu des dispositions précitées, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, ne démontre avoir été destinataire d'un avis inexact ou incomplet ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des écritures du ministre et du relevé d'information intégral, que l'infraction du 10 janvier 2011 a été relevée par l'intermédiaire d'un radar automatique ; que si M. A...soutient qu'il n'a jamais reçu l'avis de contravention correspondant à cette infraction, il ressort toutefois des mentions figurant sur le relevé d'information intégral du requérant que l'intéressé s'est acquitté, pour l'infraction susvisée, d'une amende forfaitaire le 25 janvier 2011 ; que le règlement de l'amende forfaitaire, quelle qu'en soit la modalité choisie par le contrevenant, ne peut se faire qu'au moyen de la carte de paiement jointe à l'avis de contravention ; que ce règlement révèle que M. A...s'est vu effectivement remettre l'avis de contravention en cause ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que les informations dont la communication est prescrite par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route n'auraient pas été portées à sa connaissance préalablement au retrait de point consécutif à cette infraction ;

S'agissant de l'infraction commise le 26 décembre 2004 :

8. Considérant que le ministre de l'intérieur n'apporte aucun élément de nature à démontrer que M. A...a eu communication de l'information prévue par les dispositions des articles L. 222-3 et R. 222-3 du code de la route préalablement au retrait de points consécutif à l'infraction commise le 26 décembre 2004 ; qu'en outre, il résulte du relevé d'information intégral du requérant que celui-ci ne s'est pas acquitté de l'amende forfaitaire relative à cette infraction et qu'un titre exécutoire a été émis ; que, dès lors, en l'absence de preuve que cette formalité substantielle a été accomplie, la décision retirant quatre points sur le capital affecté au permis de conduire de M. A...à la suite de cette infraction est entachée d'illégalité ;

S'agissant de l'infraction commise le 12 mai 2007 :

9. Considérant que, lorsqu'une contravention soumise à la procédure de l'amende forfaitaire donne lieu au paiement immédiat de l'amende entre les mains de l'agent verbalisateur, le contrevenant se voit remettre, en application de l'article R. 49-2 du même code, une quittance de paiement ; que si le modèle de cette quittance comporte une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui doit être regardée comme ayant été délivrée préalablement au paiement de l'amende dès lors que le contrevenant conserve la faculté de renoncer à la modalité du paiement immédiat de l'amende avant de procéder à la signature de la quittance ou, le cas échéant, d'inscrire sur celle-ci une réserve sur les modalités selon lesquelles l'information lui avait été délivrée, il incombe toutefois à l'administration d'apporter la preuve, par la production de la souche de la quittance dépourvue de réserve sur la délivrance de l'information, que celle-ci est bien intervenue préalablement au paiement ; que par suite, la mention, au système national des permis de conduire, du paiement immédiat de l'amende forfaitaire au titre d'une infraction relevée avec interception du véhicule n'est pas, à elle seule, de nature à établir que le titulaire du permis a été destinataire de l'information requise ;

10. Considérant qu'il résulte des mentions du relevé d'information intégral que, pour l'infraction du 12 mai 2007, M. A...s'est acquitté le jour même de l'amende forfaitaire correspondante ; que par suite il ne peut être tenu pour établi que ladite infraction n'aurait pas donné lieu au paiement immédiat de l'amende entre les mains de l'agent verbalisateur ; que, faute pour l'administration de produire, soit le procès-verbal d'infraction, soit la souche de la quittance, la seule mention au relevé d'information intégral du paiement de l'amende forfaitaire le jour de l'infraction n'est donc pas, à elle seule, de nature à établir que le titulaire du permis a été destinataire de l'information requise ; que, dès lors, le retrait de trois points consécutif à cette infraction a été pris en violation des dispositions précitées du code de la route ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'imputabilité des infractions :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 521 du code de procédure pénale : " Le tribunal de police connaît des contraventions de la cinquième classe. La juridiction de proximité connaît des contraventions des quatre premières classes " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'appréciation de l'imputabilité à l'intéressé des infractions susmentionnées, contraventions de quatrième classe, relève de la compétence du juge judiciaire et que, par suite, la contestation de cette imputabilité ne constitue pas un moyen susceptible d'être invoqué devant le juge administratif à l'encontre de la décision de retrait de point prise consécutivement à cette infraction ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions de retrait de quatre et trois points consécutives aux infractions des 26 décembre 2004 et 12 mai 2007 ;

13. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie, dans cette mesure, du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Melun :

14. Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévues par les dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ; que cette notification a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que M. A... ne saurait dès lors utilement se prévaloir de ce que les divers retraits de points ne lui auraient pas été notifiés ;

15. Considérant que la décision du ministre de l'intérieur constatant l'invalidation du permis de conduire de M. A...récapitule les décisions de retrait de points déclarées illégales par le présent jugement ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route, le permis de conduire ne perd sa validité qu'en cas de solde de points nul ; que les décisions de retrait de points consécutives aux infractions des 26 décembre 2004 et 12 mai 2007 étant illégales, le solde de points attaché au permis de conduire de M. A...est positif ; que, dès lors, la décision ministérielle " 48 SI " en date du 18 novembre 2011 doit être annulée ;

Sur les conclusions en injonction :

16. Considérant que si l'annulation contentieuse d'une décision ou de plusieurs décisions de retrait de points implique nécessairement que le ministre de l'intérieur reconnaisse à l'intéressé le bénéfice des points illégalement retirés, le capital de points dont dispose ce dernier doit être recalculé en tenant compte également des retraits de points légalement intervenus à son encontre et le cas échéant, des décisions de retrait ou de reconstitution de points qui n'avaient pu être prises en compte par l'administration aussi longtemps que l'invalidation annulée était exécutoire ; qu'il y a lieu dès lors, d'enjoindre à l'administration de reconnaître à l'intéressé le bénéfice des sept points irrégulièrement retirés et de réexaminer la situation de M. A...dans le sens des observations qui précèdent, en en tirant elle-même toutes les conséquences sur le capital de points et le droit de conduire de l'intéressé ; que ce réexamen devra intervenir dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ; que le surplus des conclusions à fin d'injonction doit être rejeté ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions de retrait de quatre et trois points consécutives aux infractions commises les 26 décembre 2004 et 12 mai 2007 et de la décision " 48 SI " du 18 novembre 2011 et les conclusions en injonction de la demande et à demander, dans cette mesure, la réformation de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le ministre de l'intérieur demande au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions du ministre de l'intérieur portant retrait, respectivement, de quatre points et trois points du capital de points affecté au permis de conduire de M. A...à la suite des infractions commises les 26 décembre 2004 et 12 mai 2007 et la décision 48SI du 18 novembre 2011 portant invalidation de son titre de conduire sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de reconnaître à M. A...le bénéfice des points retirés à la suite des infractions mentionnées à l'article 1er ci-dessus et, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, de réexaminer sa situation pour en tirer les conséquences sur le capital de points et le droit de conduire de l'intéressé. Le ministre tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 21 septembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A...devant le Tribunal administratif de Melun est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du ministre de l'intérieur tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12PA04161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA04161
Date de la décision : 12/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04-025 Police. Police générale. Circulation et stationnement. Permis de conduire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Yves MARINO
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : TICHIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-11-12;12pa04161 ?
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