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07/11/2013 | FRANCE | N°13PA00133

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 07 novembre 2013, 13PA00133


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2013, présentée pour la société SAS People et Baby, dont le siège est 9 avenue Hoche à Paris (75008), par Me Cacheux ; la société SAS People et Baby demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106541/3-3 du 13 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 11 février 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme B...C..., d'autre part, à ce qu'il soit enjoint

au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et ...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2013, présentée pour la société SAS People et Baby, dont le siège est 9 avenue Hoche à Paris (75008), par Me Cacheux ; la société SAS People et Baby demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106541/3-3 du 13 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 11 février 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme B...C..., d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement de Mme B...C...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision précitée du 11 février 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

3°) d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de procéder à un nouvel examen de sa demande d'autorisation de licenciement, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Julliard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public,

- et les observations de Me Cacheux, avocat de la société SAS People et Baby ;

1. Considérant que Mme C...a été embauchée en 2004 en qualité d'agent de puériculture par l'association " la Passerelle ", gestionnaire de crèches collectives par contrat transféré en août 2006 à la société People et Baby au sein de laquelle elle a été désignée représentante de la section syndicale de la Confédération Nationale du Travail (CNT) par lettre du 23 novembre 2009, puis déléguée syndicale le 22 novembre 2010 et enfin, élue en tant que membre suppléant au comité d'entreprise le 30 novembre 2010 ; que, par courrier du 30 juillet 2010, la société People et Baby a sollicité son licenciement pour faute auprès de l'inspection du travail qui a rejeté cette demande par une décision du 13 août 2010 ; que, saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, par une décision du 11 février 2011, retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, annulé la décision initiale de l'inspecteur du travail pour défaut de motivation et refusé à la société People et Baby l'autorisation de licencier MmeC... ; que la société People et Baby relève appel du jugement du 13 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 11 février 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement de Mme B...C...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, notamment, dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 521-1 du code du travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit portée à l'un ou à l'autre des intérêts en présence ; qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. / Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;

3. Considérant que si la société People et Baby soutient en appel que la participation de Mme C... à une grève de solidarité illicite ayant pour seul but de faire échec au pouvoir disciplinaire de l'employeur et ne se rattachant à aucun intérêt collectif, constitue une exécution défectueuse de son contrat de travail, il est constant que la lettre du 28 février 2010 de la section syndicale CNT informant l'employeur de la grève du 1er mars 2010 portait des revendications ayant trait à l'action syndicale et aux horaires de travail ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les actions revendicatives et judiciaires engagées par la section syndicale CNT de l'entreprise rencontraient le soutien d'autres organisations syndicales, et répondaient à des revendications professionnelles visant à obtenir l'annulation des sanctions disciplinaires prises en mars 2010 à l'encontre de cinq salariées de la halte garderie Giono (XIIIème arrondissement de Paris), et la réintégration des trois d'entre elles ayant fait l'objet d'une mesure de licenciement ; que, par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que Mme C... aurait participé à une grève illicite ;

4. Considérant que pour écarter le premier grief tiré de l'occupation illicite du 27 au 31 mai 2010 par Mme C... des locaux du 16 avenue Hoche à Paris, siège de l'entreprise People et Baby, et entrave à la liberté de circulation, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a considéré que si ces faits étaient établis et fautifs, ils ne présentaient pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, un caractère de gravité suffisant pour justifier le licenciement de l'intéressée ; que la société requérante soutient que Mme C... a eu un rôle d'instigatrice du mouvement d'occupation et nullement modératrice du conflit, sa prétendue intercession pour que l'entreprise puisse récupérer colis et passeports pour le voyage humanitaire prévu le lendemain, n'étant que l'expression du pouvoir qu'elle s'était octroyé durant cette occupation ; que, selon elle, c'est en effet à tort que le tribunal a retenu que Mme C... aurait cherché à négocier avec son employeur pour trouver une issue au conflit et mettre fin à l'occupation, alors que c'est la délivrance de l'assignation pour l'audience du 1er juin 2010 par ordonnance du juge des référés du TGI de Paris à la salariée et à la CNT qui a mis fin à cette occupation ; que la société requérante fait également valoir que la circonstance que les bureaux du 4ème étage de l'immeuble n'aient pas été occupés est sans incidence dès lors que l'occupation du 2ème étage était suffisante pour paralyser le fonctionnement de l'entreprise dans son ensemble, en raison de l'interdépendance des locaux du siège et de l'incidence de la coupure informatique occasionnée par l'occupation qui a interrompu le travail en réseau ; que la société People et Baby soutient encore que " les circonstances particulières de l'espèce " retenues par le ministre manquent en fait, dès lors que l'entreprise n'a jamais connu la moindre tension sociale depuis sa création, qu'aucun salarié n'a rejoint le mouvement de grève de Mmes A...etC..., en particulier pas la déléguée syndicale CGT, la situation de la halte Giono étant isolée dans l'entreprise, et la réorganisation des plannings et le remplacement des personnels évoqués par le tribunal ne concernant que cinq salariés de l'entreprise ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C..., déléguée de la CNT, s'est engagée à partir du 1er mars 2010 dans un mouvement de grève à la suite d'un conflit entre le personnel de la halte garderie Giono dont elle fait partie et la direction de la société People et Baby, à propos de la mise en place de nouveaux horaires et du respect de consignes d'hygiène et de sécurité ; qu'à la suite du licenciement de trois salariées de cette structure et la mise à pied de deux autres salariés, dont elle-même, elle a participé à l'occupation du siège de la société du 27 au 31 mai 2010, avec une autre salariée gréviste et des personnes étrangères à l'entreprise ; que cette occupation s'est traduite par l'envahissement des locaux du 2ème étage, l'évacuation immédiate de salariés présents sur les lieux, ainsi que par la coupure du réseau informatique ; que si ces faits sont établis et de caractère fautif, il ressort également des pièces du dossier que cette action, ainsi que l'a précisé le ministre dans la décision litigieuse, est intervenue dans un contexte de fortes tensions sociales et au terme d'une longue période de conflit et d'instabilité dans l'entreprise ; qu'elle s'est déroulée sans violence physique ni dégradation des locaux, qu'elle n'a entrainé de préjudice ni pour l'entreprise, dont l'activité s'est poursuivie dans les différentes structures qu'elle gère, ni pour ses salariés, ni pour les usagers des crèches et qu'elle a pris fin dès la présentation, le 31 mai 2010, d'une assignation d'heure en heure du Tribunal de grand instance de Paris ; que si ces agissements fautifs ont eu pour conséquence une certaine désorganisation du siège de l'entreprise ainsi qu'un retard dans l'émission des fiches de paye, ils ne peuvent dans les circonstances particulières de l'espèce, comme l'a à bon droit jugé le tribunal, être regardés comme présentant un caractère de gravité suffisant pour justifier le licenciement de Mme C... ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le ministre en refusant l'autorisation sollicitée doit être écarté ;

6. Considérant que la société requérante conteste qu'un doute puisse être retenu pour écarter, comme l'a fait le tribunal confirmant le ministre, le second grief tiré des propos injurieux que Mme C... aurait proférés à l'intention de la représentante de la société People et Baby devant le Conseil des Prud'hommes, lors de l'audience de départage du 29 juin 2010 ; qu'elle fait valoir que ce même slogan a été revendiqué par la salariée dans l'entretien publié sur son blog et que l'attestation du délégué syndical du syndicat SUD Commerce, produite par Mme C... ne saurait être retenue en raison de son manque d'objectivité évident ; que toutefois, la matérialité de ce fait n'est pas établie en raison de la contradiction des témoignages produits ; que, par suite et en application de l'article L. 1235-1 précité du code du travail, le doute doit profiter à MmeC... ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société People et Baby n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société People et Baby le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SAS People et Baby est rejetée.

Article 2 : La société SAS People et Baby versera à Mme C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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N° 13PA00133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00133
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POLIZZI
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme MACAUD
Avocat(s) : CACHEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-11-07;13pa00133 ?
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