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22/10/2013 | FRANCE | N°12PA03934

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 22 octobre 2013, 12PA03934


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2012, présentée pour la société

Iosis Infrastructure, dont le siège est au 4, rue Dolores Ibarruri à Montreuil (93100), par Me Grau ; la société Iosis Infrastructure demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1206078/2 du 6 septembre 2012 du juge des référés du Tribunal administratif de Melun en tant qu'elle l'a condamnée à payer à la commune du

Plessis-Trévise, solidairement avec l'agence Carbonnet Architectes et la société Gagneraud Construction, une somme de 567 578 euros à titre de provision en

réparation des désordres affectant le parvis de l'hôtel de ville ;

2°) de rejeter la de...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2012, présentée pour la société

Iosis Infrastructure, dont le siège est au 4, rue Dolores Ibarruri à Montreuil (93100), par Me Grau ; la société Iosis Infrastructure demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1206078/2 du 6 septembre 2012 du juge des référés du Tribunal administratif de Melun en tant qu'elle l'a condamnée à payer à la commune du

Plessis-Trévise, solidairement avec l'agence Carbonnet Architectes et la société Gagneraud Construction, une somme de 567 578 euros à titre de provision en réparation des désordres affectant le parvis de l'hôtel de ville ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune du Plessis-Trévise devant le tribunal administratif de Melun ;

3°) d'appliquer un abattement sur le montant des sommes réclamées par la commune à la hauteur d'au moins 30 % ;

4°) subsidiairement, de condamner solidairement l'agence Carbonnet Architectes et la société Gagneraud Construction à la garantir de toute condamnation pécuniaire prononcée à son encontre ;

5°) de mettre à la charge de la partie défaillante le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Sanson, président asssesseur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- les observations de MeA..., substituant Me Grau, avocat de la société Iosis Infrastructure, celles de Me Bureau, avocat de l'agence Carbonnet architectes, et celles de Me Piton, avocat de la commune du Plessis-Trévise ;

1. Considérant que, par un marché du 7 juillet 2006, la commune du Plessis-Trévise a confié la maîtrise d'oeuvre pour la construction d'un parc de stationnement sous le parvis de l'hôtel de ville à un groupement constitué par le bureau d'études techniques Othui, devenu Iosis Bâtiments Infrastructure, et l'agence Carbonnet Architectes, mandataire ; que la société Gagneraud Construction a assuré l'exécution du lot n° 2-1 " gros-oeuvre, tous corps d'état " et a sous-traité la réalisation des revêtements de pierre pour le parvis à la société LCM, agréée par le maître d'ouvrage le 7 août 2007 ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserves au 3 mars 2008 ; que des désordres affectant le dallage du parvis et des escaliers d'accès à la mairie ayant été constatés en 2009, la commune a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Melun d'une demande d'expertise ; qu'il a été fait droit à cette demande par une ordonnance du 5 mai 2011 ; qu'à la suite du dépôt de son rapport par l'expert, la commune a saisi le tribunal le 18 février 2012 d'une demande tendant à la condamnation du constructeur et du maître d'oeuvre à la réparation des désordres constatés ; que, par une seconde demande du 13 juillet 2012 elle a sollicité la condamnation des constructeurs à lui verser une provision à valoir sur le montant de l'indemnité qu'elle estime lui être due ; que la société Iosis bâtiments infrastructure relève appel de l'ordonnance, en date du 6 septembre 2012, par laquelle le juge des référés l'a condamnée solidairement avec la société Gagneraud construction et l'agence Carbonnet architectes à verser à la commune une provision de 567 578 euros ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant que, dans son mémoire en défense, enregistré le 28 août 2012 au greffe du tribunal, la société Iosis infrastructure a appelé la société Gagneraud construction et l'agence Carbonnet architectes à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ; que le juge des référés ne s'est pas prononcé sur cet appel en garantie ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle n'a pas statué sur ces conclusions ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour de se prononcer sur cette demande par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions ;

Sur la provision :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres affectant l'escalier extérieur et le parvis de l'hôtel de ville de la commune du Plessis-Trévise sont apparus au cours de l'été 2009, soit plus d'un an après leur réception sans réserve le 3 mars 2008 ; qu'ainsi la société Iosis infrastructure n'est pas fondée à soutenir qu'il relèveraient de la garantie de parfait achèvement ; qu'il ressort du rapport d'expertise que l'ouvrage était affecté de trois types de désordres ; que le premier type identifié par l'expert consistait en éclats, cratères et fissures, constatés principalement sur les marches d'escalier et, ponctuellement, sur d'autres éléments horizontaux, s'aggravant de manière exponentielle au fil du temps ; que ces désordres compromettaient la sécurité des usagers et rendaient l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'ainsi c'est à bon droit que le juge des référés a estimé qu'ils engageaient la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 à 1792-5 du code civil ; que les désordres de types 2 et 3 consistaient en microfissures en alignement de joints décalés, affectant les allées de circulation par suite de contraintes provoquées par la dilatation du revêtement, ainsi qu'en microfissures sur les parements verticaux, dus au mouvement du support ; qu'il n'est pas établi que ces microfissures, qui, aux dires de l'expert, restent stables après leur apparition ou n'évoluent que très lentement et peuvent même pour certaines se colmater naturellement, rendraient l'ouvrage impropre à sa destination ; que la créance dont se prévaut la commune à ce titre n'apparaît donc pas comme non sérieusement contestable ;

6. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que les désordres identifiés au point 5 ci-dessus comme étant du premier type sont exclusivement imputables à la qualité de la pierre choisie pour le dallage qui s'est dégradée sous l'effet du gel ; que, s'il s'agit d'une pierre convenant en principe pour ce genre d'ouvrages, la qualité des dalles fournies, et notamment leur résistance au gel, peut varier en fonction de la manière dont sont réalisées les opérations d'extraction et de taille des blocs de pierre ; que, pour ce motif, elle doivent faire l'objet depuis le 1er septembre 2006 d'un contrôle constaté par marquage CE lorsqu'elles sont destinées à la réalisation de dallages et d'escaliers extérieurs, et correspondre en outre dans ce cas à la norme NF B 10-601 de juillet 2006 sur les " prescriptions générales d'emploi des pierres naturelles " ; qu'il n'est pas contesté que le fournisseur du sous-traitant de la société Gagneraud construction n'a pas livré des dalles conformes à ces prescriptions ;

7. Considérant que le choix de la pierre, commandé par un souci esthétique, n'est pas par lui-même fautif, compte tenu de ce que la commune pouvait raisonnablement connaître ; que, si la société Iosis infrastructure invoque le délai de deux ans qui a séparé l'apparition des désordres de la saisine du tribunal administratif par la commune, il est constant que celle-ci s'est efforcée en vain de rechercher une solution amiable du litige avec les constructeurs et leurs assureurs ; que ce délai ne révèle ainsi aucune carence de sa part ; que, si la société requérante soutient également n'avoir pris aucune part dans les travaux litigieux, qui relèveraient de la responsabilité exclusive de l'architecte, il ressort de l'article 7 de l'accord de cotraitance conclu entre les intéressés qu'ils étaient tenus solidairement responsables envers le maître de l'ouvrage de la bonne exécution de l'ensemble des missions de maîtrise d'oeuvre ; qu'il suit de là que la responsabilité solidaire des intervenants n'est pas sérieusement contestable ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les constructeurs sont responsables de ceux des désordres décrits ci-dessus qui affectent la solidité de l'ouvrage et non de l'ensemble de ces désordres ; qu'il ressort du rapport d'expertise que les désordres de type 1 concernent essentiellement l'escalier dont le coût de remise en état a été chiffré par la commune, dans une note du 5 août 2011 citée par l'expert, à la somme de 100 000 euros, montant non sérieusement contesté par les intervenants ; que, dès lors, la société Iosis infrastructure est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés l'a condamnée à verser à la commune une provision d'un montant correspondant à la totalité des travaux de reprise ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de fixer le montant de la provision due à la commune à la somme de 100 000 euros ;

Sur les appels en garantie :

9. Considérant que le partage des responsabilités résultant du rapport d'expertise n'est pas sérieusement contestable et que la responsabilité de la société Gagneraud, en sa qualité de constructeur, est manifestement engagée à titre principal ; qu'en revanche il n'apparaît pas de manière incontestable que les maîtres d'oeuvre auraient commis une faute de nature à engager leur responsabilité ; que, dans ces conditions, il y a lieu, en l'état de l'instruction, au titre du versement de la provision, de condamner la société Gagneraud à garantir la société Iosis infrastructure de la totalité de la condamnation solidaire ;

10. Considérant que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ; qu'il résulte de l'instruction que la société Iosis infrastructure et l'agence Carbonnet ont conclu entre elles un contrat de cotraitance pour l'exécution du marché de maîtrise d'oeuvre, passé par le groupement qu'ils ont ainsi constitué avec la commune du Plessis-Trévise ; que, dès lors, les appels en garantie réciproques formés par la société Iosis infrastructure et l'agence Carbonnet, qui sont unies par un contrat de droit privé, ressortissent à la compétence de la juridiction judiciaire ; qu'ils doivent être rejetés comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions présentées par l'agence Carbonnet architectes par la voie de l'appel provoqué :

11. Considérant que la recevabilité des conclusions présentées par l'agence Carbonnet tendant à ce que la Cour annule l'ordonnance du 6 septembre 2012 en tant qu'elle l'a condamnée solidairement, aux côtés de Iosis Infrastructure et de Gagneraud construction, à verser à la commune du Plessis-Trévise une provision de 567 578 euros, rejette la demande de la commune et condamne les autres intervenants à la garantir est subordonnée à ce que la situation de l'agence Carbonnet se trouve aggravée à l'issue de l'instance d'appel ; qu'il résulte de ce qui précède que la situation de l'agence Carbonnet n'est pas aggravée par le présent arrêt ; que les conclusions mentionnées ci-dessus ne sont, par suite, pas recevables ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1206078/2 du 6 septembre 2012 du juge des référés du Tribunal administratif de Melun est annulée en tant qu'il n'a pas statué sur les appels en garantie présentés par la société Iosis bâtiments infrastructure.

Article 2 : La société Gagneraud construction, la société Iosis bâtiments infrastructure et l'agence Carbonnet architecte sont condamnées solidairement à verser à la commune du Plessis-Trévise la somme de 100 000 euros à titre de provision sur la réparation des désordres affectant le parvis de l'hôtel de ville. L'ordonnance du 6 septembre 2012 est réformée en ce qu' a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société Gagneraud construction garantira la société Iosis infrastructures de la totalité de la condamnation prononcée à son encontre.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 12PA03934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03934
Date de la décision : 22/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: Mme Michelle SANSON
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : GRAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-10-22;12pa03934 ?
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