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26/09/2013 | FRANCE | N°12PA02515

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 26 septembre 2013, 12PA02515


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par MeC... ; M. B...demande à la Cour :

- à titre principal,

1°) d'annuler le jugement n° 1110333/6-3 du 19 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 avril 2011 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions lu

i refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le ...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par MeC... ; M. B...demande à la Cour :

- à titre principal,

1°) d'annuler le jugement n° 1110333/6-3 du 19 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 avril 2011 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- à titre subsidiaire,

1°) d'annuler le jugement n° 1110333/6-3 du 19 janvier 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, ledit Tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 13 avril 2011 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, en vertu de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- en tout état de cause,

de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application des dispositions des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention du 21 décembre 1992 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin sur la circulation et le séjour des personnes ;

Vu l'accord du 28 novembre 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2013 :

- le rapport de Mme Monchambert,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai " ;

2. Considérant que M.B..., de nationalité béninoise, a sollicité, le 20 janvier 2011, son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 13 avril 2011, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. B...relève appel du jugement du 19 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté au motif, notamment, que le préfet de police n'avait pas commis d'erreur de droit en refusant de délivrer le titre sollicité, dès lors que le contrat de travail d'agent de propreté produit par le requérant concernait un emploi ne relevant pas d'une des professions rencontrant des difficultés d'embauche en Ile-de-France énumérées dans l'annexe à l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, d'autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne et que les difficultés de recrutement rencontrées par son employeur n'étaient pas suffisamment établies par l'attestation fournie par ce dernier ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; que, d'une part, aux termes de l'article 14 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin sur la circulation et le séjour des personnes du 21 décembre 1992 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention. " ; que l'article 5 de la même convention stipule que : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle salariée doivent (...), pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de la possession : / 1° D'un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ : (...) - en ce qui concerne l'entrée en France, après un examen subi sur le territoire du Bénin, par un médecin agréé par le consulat de France en accord avec les autorités béninoises ; / 2° D'un contrat de travail visé par le ministère du travail dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil. ", l'article 6 de la convention exigeant, en outre, que le ressortissant béninois soit muni d'un visa de long séjour ; qu'en vertu de l'article 10 de cette même convention, pour tout séjour sur le territoire français excédant trois mois, les nationaux béninois doivent posséder un titre de séjour qui est délivré, et, le cas échéant, renouvelé, conformément à la législation de l'Etat d'accueil ; que, d'autre part, aux termes de l'article 1er de l'accord du 28 novembre 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, les stipulations de cet accord s'appliquent : " / - à la circulation des personnes ; (...) / - à l'immigration pour motifs professionnels ; / Les stipulations du présent Accord qui complète la Convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre la République française et la République du Bénin signée à Cotonou le 21 décembre 1992, prévalent sur toute disposition contraire antérieure. " ; qu'aux termes de l'article 14 dudit accord, relatif aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire : " 1. La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" , d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrées sur l'ensemble du territoire français, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant béninois titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente dans les métiers énumérés ci-après : (...). / La liste ci-dessus peut être modifiée tous les ans par échange de lettres entre les Parties. " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;

5. Considérant que la solution du litige soumis à la Cour dépend de la question de savoir comment, lorsque l'étranger sollicite la régularisation de sa situation de séjour en se prévalant de l'exercice d'une activité professionnelle salariée, le dispositif de régularisation défini à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se combine avec les stipulations précitées de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin et celles de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;

6. Considérant que la requête de M. B...présente ainsi à juger les questions suivantes :

- Dès lors que l'accord du 28 novembre 2007 ne comporte pas, à la différence de la convention du 21 décembre 1992, de stipulation indiquant que les dispositions de cet accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par celui-ci, doit-il être regardé comme régissant de façon exclusive la situation des ressortissants béninois en ce qui concerne les règles applicables en matière d'immigration pour motifs professionnels '

- Dans la négative, faut-il en tout état de cause considérer, eu égard aux termes de l'article 14 de l'accord du 28 novembre 2007, qui, d'une part, fait référence à une " carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable " et, d'autre part, énumère de façon limitative les emplois pour lesquels cette carte de séjour "salarié" peut être attribuée aux ressortissants béninois sans que la situation de l'emploi leur soit opposable, que cet article doit s'interpréter comme fixant les conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention "salarié" et qu'il s'agit d'un point traité par la convention du 21 décembre 1992 telle que complétée par cet accord, de sorte qu'un ressortissant béninois ne pourrait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 précité à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour '

- Dans l'hypothèse où l'accord du 28 novembre 2007 régirait de façon exclusive la situation des ressortissants béninois en la matière ou dans celle où la rédaction de son article 14 conduirait à considérer que les conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention "salarié" constituent un point traité par la convention du 21 décembre 1992 complétée par cet accord, faut-il considérer que le préfet, lorsqu'il est saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour pour l'exercice d'une activité salariée présentée sur le seul fondement de l'article L. 313-14 précité, est tenu de refuser de délivrer le titre de séjour sollicité, les moyens du requérant dirigés contre ce refus étant dès lors inopérants, ou qu'il doit alors requalifier la demande de l'intéressé comme ayant été présentée sur le fondement des stipulations conventionnelles applicables '

- Dans l'hypothèse où le préfet se serait à tort fondé sur l'article L. 313-14 pour statuer sur la demande de l'intéressé, notamment par ignorance de l'existence des stipulations conventionnelles qui seraient ainsi seules applicables, le juge doit-il censurer sa décision pour erreur de droit et, s'agissant d'une méconnaissance du champ d'application de la loi, soulever d'office ce moyen si celui-ci n'est pas invoqué par le requérant ' Ou bien le juge peut-il procéder à une substitution de base légale de la décision en examinant si l'étranger remplit les conditions posées par la convention bilatérale, étant observé que l'autorité administrative dispose d'un plus large pouvoir d'appréciation pour l'examen d'une demande fondée sur l'article L. 313-14 ' Ou encore, et dans la mesure où les stipulations de la convention et de l'accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant béninois qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit en usant de son pouvoir discrétionnaire, le juge peut-il examiner si le préfet aurait pris, dans les circonstances de l'espèce, la même décision si celui-ci s'était prononcé sur la demande dans le seul cadre du pouvoir général de régularisation dont il dispose '

- Dans l'hypothèse où un ressortissant béninois souhaitant obtenir un titre de séjour en vue d'exercer une activité salariée pourrait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 précité à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet, lorsqu'il est saisi d'une telle demande sur le seul fondement de cet article L. 313-14, peut-il se borner à instruire celle-ci sur la base des dispositions de ce dernier, ou doit-il la requalifier comme présentée sur le double fondement de la convention bilatérale et de l'article L. 313-14 ' Le préfet doit-il, pour procéder à l'appréciation qu'il lui appartient de porter sur la situation de l'étranger en vue de sa régularisation, ne prendre en compte que l'annexe à l'arrêté du 18 janvier 2008 fixant la liste de métiers définie en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ' Ou ne doit-il prendre en compte que la liste de métiers figurant à l'article 14 de l'accord ' Ou encore, doit-il prendre en considération ces deux listes ' Quelles conséquences doit-il tirer de la détermination de la base légale applicable quant à la motivation de sa décision ' En particulier, le seul visa de la convention ou de l'accord est-il suffisant ou le préfet doit-il indiquer dans les motifs de cette décision si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, au regard de la ou des listes de métiers pertinentes, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour '

- Dans l'hypothèse où le préfet ne se serait, à tort, pas prononcé sur la demande de l'intéressé sur le double fondement de la convention bilatérale et de l'article L. 313-14 précité, le juge doit-il censurer sa décision pour erreur de droit et, s'agissant d'une méconnaissance du champ d'application de la loi, soulever d'office ce moyen si celui-ci n'est pas invoqué par le requérant ' Ou bien le juge peut-il procéder à une substitution de base légale de la décision '

7. Considérant que ces questions de droit, qui donnent lieu à des divergences de jurisprudence, soulèvent des difficultés sérieuses et sont susceptibles de se poser dans de nombreux litiges ; que, dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer sur la présente requête et d'en transmettre le dossier au Conseil d'Etat pour avis en application des dispositions précitées de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B...jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait fait connaître son avis sur les questions de droit posées au point 6 des motifs du présent arrêt ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la communication du dossier prévue à l'article 2 ci-dessous.

Article 2 : Le dossier de la requête de M. B...est transmis au Conseil d'Etat.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sont réservés jusqu'en fin d'instance.

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N° 12PA02515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02515
Date de la décision : 26/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : AUDRAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-09-26;12pa02515 ?
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