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20/09/2013 | FRANCE | N°12PA04695

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 septembre 2013, 12PA04695


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant

..., par Me Boudjelti ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203552 rendu le 21 avril 2012 par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le préfet du

Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, de la décision implicite par laquelle cette au

torité a refusé de l'assigner à résidence et, enfin, des décisions du 18 avril 2012 ...

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant

..., par Me Boudjelti ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203552 rendu le 21 avril 2012 par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le préfet du

Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, de la décision implicite par laquelle cette autorité a refusé de l'assigner à résidence et, enfin, des décisions du 18 avril 2012 par lesquelles la même autorité lui a fait obligation de quitter le territoire français et a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire ;

2°) d'annuler les décisions litigieuses ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2013 :

- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Boudjelti, avocat de M. B... ;

1. Considérant que M. A... B..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement n° 1203552 rendu le 21 avril 2012 par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, de la décision implicite par laquelle cette autorité a refusé de l'assigner à résidence et, enfin, des décisions du 18 avril 2012 par lesquelles la même autorité lui a fait obligation de quitter le territoire français et a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que, par le jugement attaqué du 21 avril 2012, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a considéré que les conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation d'une décision implicite de refus d'assignation à résidence devaient être regardées comme tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne avait ordonné son placement en rétention administrative, décision qu'il a annulé au motif qu'elle était insuffisamment motivée ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne conteste pas la requalification ainsi opérée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité aux motifs que le premier juge aurait omis de statuer sur lesdites conclusions et d'examiner le moyen tiré de ce que la décision implicite de refus d'assignation à résidence était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

3. Considérant, en second lieu, que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Val-de-Marne avait refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, toutefois, en vertu des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné était incompétent pour statuer sur ces conclusions, qu'il aurait dû renvoyer devant le tribunal statuant en formation collégiale ;

4. Considérant qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étaient pas dépourvues d'objet, il y a lieu d'annuler comme irrégulier le jugement attaqué en tant seulement qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur ces conclusions et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de M. B... ;

Sur la recevabilité des conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision implicite de refus d'assignation à résidence :

5. Considérant que M. B... n'allègue ni n'établit avoir saisi l'autorité administrative d'une demande d'assignation à résidence sur le fondement de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, les conclusions de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne aurait refusé de l'assigner à résidence étaient dépourvues d'objet et, pour ce motif, irrecevables ; qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun n'a pas accueilli lesdites conclusions de sa demande de première instance ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par une demande reçue le 26 mars 2012, M. B... a sollicité auprès de l'autorité administrative la délivrance d'un titre de séjour ; qu'en faisant obligation à M. B... de quitter sans délai le territoire français, par une décision intervenue le 18 avril 2012, soit avant l'expiration du délai de quatre mois prévu par les dispositions précitées, le préfet du Val-de-Marne doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement rejeté cette demande ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B... soutient que " s'agissant d'une décision implicite (...), [il] est fondé à soutenir qu'elle est prise par une autorité incompétente ", un tel moyen ne peut qu'être écarté, le préfet étant compétent pour statuer de manière expresse ou implicite sur les demandes dont il est saisi ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) " ;

9. Considérant que M. B..., qui ne verse au dossier aucune pièce relative à l'année 2005 et qui se borne à se prévaloir de pièces relatives à des démarches administratives en préfecture ou à des recours contentieux, n'établit pas qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date à laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) " ;

12. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, M. B..., qui est entré en France le 3 juillet 1993 sous couvert d'un visa, ne justifie pas qu'il y résidait habituellement depuis plus de dix ans à la date à laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, dans ces conditions, l'intéressé devant être regardé comme ayant quitté le territoire national après cette entrée régulière et y étant revenu de manière irrégulière, le préfet du Val-de-Marne ne pouvait pas légalement lui faire obligation de quitter le territoire français, sur le fondement des dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il s'était maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ;

13. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

14. Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 2°, dès lors, en premier lieu, que, sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour ayant été rejetée par le préfet du Val-de-Marne, M. B... se trouvait dans la situation où, en application du 3° du I de l'article L. 511-1, le préfet pouvait décider de lui faire obligation de quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les motifs exposés aux points 6 à 10, M. B... n'est pas fondé à exciper, au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision par laquelle cette autorité a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

16. Considérant, en dernier lieu, que les circonstances invoquées par M. B... et tirées de ce qu'il n'a jamais troublé l'ordre public, qu'il dispose d'un travail et d'un domicile et qu'il a sollicité à plusieurs reprises son admission au séjour ne sont pas de nature à établir que la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision refusant d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / (...) " ;

18. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est au demeurant pas contesté que M. B..., qui ne peut justifier de la possession de documents de voyage en cours de validité, se trouvait dans le cas prévu au f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui avait été faite de quitter le territoire français ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet du Val-de Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il ne ressortait pas de l'examen de la situation de M. B... l'existence d'une circonstance particulière, au sens des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à établir qu'il n'y avait pas de risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui avait été faite de quitter le territoire français ; qu'en effet, si M. B... fait valoir qu'il dispose de revenus réguliers et d'un logement et que son passeport, bien que périmé, lui permet de retourner en Algérie, ces circonstances, à les supposer établies, ne sont pas de nature à démontrer qu'il avait l'intention d'exécuter volontairement la mesure d'éloignement ;

20. Considérant, en dernier lieu, que les circonstances mentionnées au point précédent ne sont pas davantage de nature à établir que le préfet du Val-de-Marne aurait, en refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B..., commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

22. Considérant que les conclusions de M. B... à fin d'injonction doivent être rejetées, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; qu'il en va de même des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1203552 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en date du 21 avril 2012 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun et tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

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N° 12PA04695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA04695
Date de la décision : 20/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : BOUDJELTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-09-20;12pa04695 ?
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