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04/07/2013 | FRANCE | N°12PA02731

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 04 juillet 2013, 12PA02731


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2012, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206154/8 du 13 avril 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 avril 2012 faisant obligation à M. A... D...de quitter sans délai le territoire français et ordonnant son placement en centre de rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les a...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2012, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206154/8 du 13 avril 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 avril 2012 faisant obligation à M. A... D...de quitter sans délai le territoire français et ordonnant son placement en centre de rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de Mme Versol,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

1. Considérant que, par arrêté du 10 avril 2012, le préfet de police a obligé M. D..., ressortissant turc, à quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de destination et a ordonné le placement de l'intéressé en rétention administrative ; que, par jugement du 13 avril 2012, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ; que le préfet de police relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que, pour annuler l'arrêté contesté, au motif de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a retenu que M. D... faisait valoir, sans être contredit, qu'il résidait depuis 2002 en France, où il s'est marié en février 2008 avec une compatriote, et que deux enfants sont nés de cette union en 2006 et 2007 et sont scolarisés en France ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... réside de manière habituelle en France depuis 2002, ni qu'il bénéficie d'une intégration sociale ou professionnelle ; que son épouse se maintient également en France en situation irrégulière ; que la circonstance que les deux enfants de M. D... soient nés et scolarisés en France ne fait pas obstacle à ce qu'ils accompagnent leurs parents dans leur pays d'origine ; que M. D... n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie, pays dans lequel résident ses parents et sa fratrie et où il a, lui-même, vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-six ans ; que, dans ces conditions, l'arrêté du 10 avril 2012 en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif l'arrêté contesté ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 10 avril 2012 a été signé par Mme C...B..., qui, par arrêté n° 2012-00242 du 12 mars 2012, régulièrement publié au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 23 mars suivant, bénéficiait d'une délégation aux fins de signer toutes les décisions en cas d'absence ou d'empêchement du chef du bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la préfecture de police ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait ;

6. Considérant que M. D...soutient que l'arrêté contesté, en tant qu'il statue sur l'obligation de quitter le territoire français, est insuffisamment motivé ; que, toutefois, cet arrêté, qui vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 551-1 à L. 551-3, dont il est fait application, mentionne que M. D... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il est dépourvu de titre de séjour en cours de validité ; qu'il précise que, ne justifiant pas détenir des documents d'identité ou de voyage en cours de validité et n'ayant pas déclaré de lieu de résidence effective et permanente, il ne présente pas les garanties de représentation suffisantes et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet et que, dans ces conditions, et en l'absence de circonstance particulière de nature à remettre en cause la réalité du risque de fuite, ce risque s'oppose à ce qu'il lui soit laissé un délai de départ volontaire, tel que prévu au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, il indique qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté, qui énonce de manière circonstanciée les considérations de droit et de fait qui le fondent, doit être regardé comme suffisamment motivé, alors même que ne sont pas mentionnées les circonstances propres à la situation personnelle et familiale de M. D... et qu'il a été rédigé à l'aide d'un formulaire imprimé comportant des cases à cocher ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation alléguée doit être écarté ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M.D... ;

8. Considérant que l'arrêté litigieux ne se prononce pas sur une demande de titre de séjour qu'aurait présentée M. D..., notamment sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions sont inopérants et doivent être écartés ; que, par voie de conséquence, doit également être écarté le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant d'une part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que d'autre part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) " ;

10. Considérant que la circonstance que les enfants de M. D... soient nés en 2006 et 2007 et scolarisés en France ne suffit pas à établir que l'arrêté contesté, qui n'implique aucune séparation des enfants de leur famille, porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants ; qu'ainsi, il n'est pas démontré que l'intérêt supérieur des enfants de M. D... n'aurait pas été pris en compte par le préfet de police ; qu'il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 et du paragraphe 1 de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation du jugement du 13 avril 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 avril 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. D... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 avril 2012 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par M. D... et ses conclusions d'appel sont rejetées.

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N° 12PA02731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02731
Date de la décision : 04/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-01-02-01 Actes législatifs et administratifs. Différentes catégories d'actes. Accords internationaux. Applicabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SIMSEK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-07-04;12pa02731 ?
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