Vu la décision en date du 27 janvier 2011, enregistrée le 3 février 2011 sous les nos 10PA00571 et 11PA00595, par laquelle la 7ème sous-section du Conseil d'Etat a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 07PA02460, 07PA02387 de la Cour administrative d'appel de Paris du 7 décembre 2009 et, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, renvoyé à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement des requêtes de la SA Socotec et de la société atelier A...architecture dirigées contre le jugement n° 0111476/6-3 du Tribunal administratif de Paris du 11 mai 2007 ;
Vu I, sous le n° 07PA02460, la requête et les mémoires, respectivement enregistrés les 9 juillet et 6 septembre 2007, présentés pour la société atelier A...architecture, dont le siège est 5 rue Carle Vernet à Sèvres (92310), représentée par M. C...A..., par MeG... ; la société atelier A...architecture demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0111476/6-3 du 11 mai 2007 du Tribunal administratif de Paris en tant, d'une part, qu'il l'a condamnée, solidairement avec la SA Socotec et la SA Léon Grosse, à verser à la commune de Boulogne-Billancourt la somme de 1 584 533 euros et, d'autre part, qu'il a mis à sa charge, solidairement avec la SA Socotec et la SA Léon Grosse, la somme de 110 571,33 euros au titre des dépens et la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) à titre principal de rejeter la demande de la commune de Boulogne-Billancourt en tant qu'elle est dirigée contre elle ;
3°) à titre subsidiaire de condamner la SA Léon Grosse à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt " ou à tout autre succombant " le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu II, sous le n° 07PA02387, la requête et le mémoire, enregistrés les 4 juillet et 2 novembre 2007, présentés pour la SA Socotec, dont le siège est 3 avenue du centre à Guyancourt (78280), représentée par ses représentants légaux en exercice, par MeF... ; la SA Socotec demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0111476/6-3 du 11 mai 2007 du Tribunal administratif de Paris en tant, d'une part, qu'il l'a condamnée, solidairement avec la société atelier A...architecture et la SA Léon Grosse, à verser à la commune de Boulogne-Billancourt la somme de 1 584 533 euros et, d'autre part, qu'il a mis à sa charge, solidairement avec la société atelier A...architecture et la SA Léon Grosse, la somme de 110 571,33 euros au titre des dépens et la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2°) à titre principal de rejeter la demande de la commune de Boulogne-Billancourt en tant qu'elle est dirigée contre elle ;
3°) de condamner la commune de Boulogne Billancourt à lui rembourser l'intégralité des sommes versées en exécution du jugement attaqué assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
4°) à titre subsidiaire de condamner la société Léon Grosse et la société atelier A...architecture à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
5°) de mettre à la charge de " toute partie succombante " le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2013 :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant la société Léon Grosse, et celles de Me D... substituant MeH..., représentant la commune de Boulogne-Billancourt ;
1. Considérant que les requêtes susvisées de la société atelier A...architectes et de la société Socotec sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que, dans le cadre de la construction d'un équipement culturel et d'une salle du conseil municipal, dénommés " Espace Landowski ", la commune de Boulogne-Billancourt a confié la maîtrise d'oeuvre du projet à la société atelier A...architectes en vertu d'un contrat conclu le 10 juin 1993 ; qu'elle a également confié à la SA Socotec le contrôle technique de l'opération ; que, le 8 octobre 1993, elle a confié à la société Léon Grosse le marché de travaux du projet ; que, le 31 juillet 1998, le maire de la commune de Boulogne-Billancourt a prononcé la réception de l'ouvrage, avec réserves, avec un effet au 15 avril 1998 ; que la commune a ensuite constaté l'apparition, d'une part, de désordres affectant le " dispositif de chauffage et de climatisation " et, d'autre part, de " divers désordres " concernant les " venues d'eau au sol de la salle de conférence située en sous-sol " et les " infiltrations d'eau au 4ème étage" ou affectant les " portes extérieures et intérieures du bâtiment ", les " verrières et châssis de désenfumage " et les " moulures d'habillage des fenêtres " ;
3. Considérant que, par un jugement du 11 mai 2007, le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a solidairement condamné la SA Léon Grosse, la société atelier A...architecture et la SA Socotec à verser à la commune de Boulogne-Billancourt une somme de 160 609 euros au titre des " divers désordres " et une somme de 1 423 924 euros au titre des désordres affectant le " dispositif de chauffage et de climatisation " et, d'autre part, a mis à la charge solidaire de ces mêmes entreprises les dépens de l'instance, d'un montant de 110 571, 33 euros ; qu'il a en revanche rejeté les appels en garantie réciproques formés par les trois sociétés ;
4. Considérant que, par un arrêt du 7 décembre 2009, la Cour administrative d'appel de Paris, dans son article 1er, a ramené à 160 609,59 euros le montant de la condamnation solidaire prononcée par le Tribunal administratif de Paris à l'encontre de la SA Léon Grosse, de la société atelier A...architecture et la SA Socotec, a mis, dans son article 2, les dépens de l'instance pour moitié à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt et, pour l'autre moitié, à la charge solidaire de la société Léon Grosse, de la société atelier A...architectes et de la SA Socotec ; qu'elle a également statué, dans ses articles 3 et 6, sur les appels en garantie réciproques formés par ces mêmes sociétés et a rejeté les autres conclusions de ces sociétés ; qu'elle a enfin, à l'article 4 de cet arrêt, réformé le jugement du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il était contraire à l'arrêt rendu et, dans son article 5, mis à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros à verser respectivement à la société Léon Grosse, à la société atelier A...architectes et la SA Socotec ;
5. Considérant que, par une décision du 27 janvier 2011, le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 7 décembre 2009 et, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, renvoyé à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement des requêtes de la SA Socotec et de la société atelier A...architecture dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris du 11 mai 2007 ; que, compte tenu des limites de la cassation prononcée par la décision du Conseil d'Etat, qui résultent tant de son dispositif que de ses visas et de ses motifs, la partie du litige qui reste à juger en appel porte, d'une part, sur la répartition finale des dépens de première instance et, d'autre part, sur les appels principaux de la société Atelier A...Architecte et de la SA Socotec et les appels incidents de la SA Léon Grosse et de la commune de Boulogne-Billancourt dirigés contre la partie du jugement du tribunal administratif qui, statuant sur la responsabilité décennale des constructeurs au titre des désordres affectant le " dispositif de chauffage climatisation ", les a solidairement condamnées à verser à la commune de Boulogne-Billancourt la somme de 1 423 924 euros ; que, par l'arrêt du 7 décembre 2009, la Cour administrative d'appel de Paris a en revanche définitivement statué sur la condamnation que doivent solidairement supporter la SA Léon Grosse, la société Atelier A...Architecte et la SA Socotec au titre des " désordres divers ", d'un montant de 160 609,59 euros, sur les appels en garantie présentés par ces mêmes entreprises et sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens ;
Sur les appels principaux et incidents concernant les désordres affectant le " dispositif de chauffage-climatisation " :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 41.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux (CCAG-T) : " Dans le cas où certaines épreuves doivent, conformément aux stipulations du C.C.A.P., être exécutées après une durée déterminée de service des ouvrages ou certaines périodes de l'année, la réception ne peut être prononcée que sous réserve de l'exécution concluante de ces épreuves. / Si de telles épreuves, exécutées pendant le délai de garantie défini au 1 de l'article 44, ne sont pas concluantes, la réception est rapportée " ;
7. Considérant que, par une décision du 31 juillet 1998, le maître d'ouvrage a prononcé la réception de l'" Espace Landwoski ", avec un effet au 15 avril 1998, sous la réserve, notamment, que " les résultats des essais des installations techniques, auxquels l'entreprise Léon Grosse doit procéder au cours de l'année de garantie de parfait achèvement, soient satisfaisants et qu'à défaut, l'entreprise procède aux réparations et mises au point jusqu'à l'obtention du résultat. A défaut, en application de l'article 41.4 du CCAG, la réception sera rapportée " ;
8. Considérant qu'en assortissant la réception de l'ouvrage " Espace Landowski " d'une réserve relative aux " installations techniques " réalisées par la société Léon Grosse, dont font partie les installations de chauffage, de climatisation et de ventilation, et en subordonnant la levée de cette réserve non seulement à la qualité des résultats des essais que cette société devait ultérieurement mener mais aussi, le cas échéant, aux réparations et mises au point indispensables à l'obtention du " résultat ", la commune de Boulogne-Billancourt doit être regardée comme ayant prononcé une réserve générale concernant, notamment, le fonctionnement des installations relatives au chauffage, à la climatisation et à la ventilation de l'ouvrage ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la commune de Boulogne-Billancourt, la réception sans réserve de ces installations n'est pas intervenue le 31 juillet 1998 ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir indiqué, par un protocole d'accord signé avec la société Léon Grosse le 15 février 2001, " qu'une partie du litige fait l'objet d'une procédure d'expertise judiciaire (...) portant notamment sur des dysfonctionnements affectant le système de climatisation ", la commune de Boulogne-Billancourt a néanmoins renoncé, à l'article 2 de ce protocole, " à opérer toute réfaction sur les travaux de climatisation ", a accepté de lever, à l'article 4 du même protocole, " la totalité des réserves figurant sur le procès verbal de réception " et a établi le décompte général et définitif du marché passé avec la société Léon Grosse ; que, compte tenu des termes même de ce protocole d'accord, la réception du dispositif de chauffage-climatisation est intervenue sans réserve le 15 février 2001 ;
10. Considérant, en dernier lieu, que, le 12 avril 1999, le maître d'ouvrage a décidé de suspendre la réception des équipements " climatisation, signaux d'évacuation " aux motifs, en particulier, que les essais portant sur la climatisation " n'ont pas été exécutés " et que " la ville n'était pas en possession du rapport final du contrôleur technique concernant la climatisation et le chauffage " ; que, par une requête enregistrée le 11 août 1999, la commune de Boulogne-Billancourt a demandé au juge des référés, sur le fondement de l'article R. 128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable, de prescrire une expertise portant sur la nature, les causes et les conséquences des désordres que présentait le bâtiment dénommé " Espace Landwoski " ; que, parmi les dysfonctionnements exposés à l'appui de cette requête, la commune a notamment précisé que " les installations du génie climatique présentent d'importants désordres tels que des baisses et des hausses de températures incontrôlables, ce qui peut être source de malaises pour le personnel et les usagers " et s'est référée à des mises en demeure adressées à la société Léon Grosse en mars, avril et juin 1999 tendant aux réparations afférentes au système de " génie climatique " ; que, par une ordonnance du 26 août 1999, le juge des référés a prescrit cette expertise et désigné M. E...en qualité d'expert ; que, par une ordonnance du 17 octobre 2000, le Tribunal administratif de Paris a désigné M. I...en qualité de sapiteur pour examiner précisément les désordres relatifs à la ventilation, au chauffage et à la climatisation ; qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert et du sapiteur, que trois réunions se sont tenues, les 20 novembre 2000, 23 janvier 2001 et 6 février 2001, au cours desquelles les désordres relatifs au dispositif de chauffage-climatisation ont été précisément exposés et ont fait l'objet de propositions de mesures d'investigations approfondies pour en déterminer les causes ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'ensemble des éléments mentionnés au point 10, que les désordres affectant le " dispositif de chauffage-climatisation ", relatifs à des baisses et des hausses de températures importantes qui nécessitaient une correction manuelle constante alors que l'équilibrage de la température aurait dû être automatisé, qui se sont manifestés dès l'année 1999 et qui ont persisté dans les années suivantes, étaient révélés dans toute leur étendue avant le 15 février 2001, date de réception sans réserve des installations ; qu'ils ne peuvent ainsi pas être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme des vices cachés, contrairement à ce que soutient la commune ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la commune de Boulogne-Billancourt a décidé de prononcer la réception sans réserve du " dispositif de chauffage-climatisation ", le 15 février 2001, alors qu'à cette date l'ensemble des désordres affectant le fonctionnement de ce dispositif étaient apparents ; que, dans ces conditions, la commune de Boulogne-Billancourt ne pouvait pas rechercher l'engagement de la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie découlant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Sur les dépens de première instance :
13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ;
14. Considérant que, compte tenu de la partie de l'arrêt du 7 décembre 2009 devenue définitive, par laquelle la société atelier A...architecture, la SA Socotec, et la SA Léon Grosse ont été solidairement condamnées à verser à la commune de Boulogne-Billancourt la somme de 160 609,59 euros, ces trois sociétés doivent être regardées comme les parties perdantes pour l'application de l'article R. 761-1 ;
15. Considérant, toutefois, qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, la commune de Boulogne-Billancourt, par son comportement, ne pouvait plus, à compter du 15 février 2001, ni rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs ni demander l'engagement de leur responsabilité décennale pour les désordres affectant le " dispositif de chauffage-climatisation " ; que, dès lors, si les opérations d'expertise relatives à la détermination des causes et des responsabilités des désordres affectant ce " dispositif " ont pu apporter des éléments techniques pertinents à la commune, elles ont en revanche été inutiles pour régler le litige l'opposant aux constructeurs sur ce point ;
16. Considérant, dans ces conditions, qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise, d'un montant de 110 571,33 euros, à la charge définitive, pour moitié, de la commune de Boulogne-Billancourt et, pour l'autre moitié, à la charge solidaire de la société atelier A...architecture, de la SA Socotec, et de la SA Léon Grosse ;
17. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société atelier A...architecture, la SA Socotec et la SA Léon Grosse sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, d'une part, les a solidairement condamnées à verser à la commune de Boulogne Billancourt, sur le fondement de la garantie décennale, la somme de 1 423 924 euros au titre des désordres affectant le " dispositif de chauffage et de climatisation " et, d'autre part, a mis solidairement à leur charge une somme excédant la moitié des dépens et à demander l'annulation du jugement attaqué sur ces points, ainsi que le rejet de la demande indemnitaire de la commune de Boulogne-Billancourt au titre de ces désordres ; que, par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, l'appel incident de la commune doit être rejeté ;
D E C I D E :
Article 1er : Le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la SA Léon Grosse, de la société Atelier A...architectes et de la SA Socotec par l'article 1er du jugement n° 0111476 du 11 mai 2007 du Tribunal administratif de Paris est ramené de 1 584 533 euros TTC à 160 609 euros TTC.
Article 2 : Les dépens de première instance, d'un montant de 110 571, 33 euros, sont mis à la charge définitive, pour moitié, de la commune de Boulogne-Billancourt (55 285,67 euros) et, pour l'autre moitié, à la charge solidaire de la société atelier A...architecture, de la SA Socotec, et de la SA Léon Grosse (55 285,66 euros).
Article 3 : L'appel incident et la demande indemnitaire de la commune de Boulogne-Billancourt concernant les désordres affectant le dispositif de chauffage-climatisation sont rejetés.
''
''
''
''
2
Nos 11PA00571, 11PA00595