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12/06/2013 | FRANCE | N°13PA00397

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 12 juin 2013, 13PA00397


Vu le recours, enregistré le 29 janvier 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1120190/2-3 du 8 novembre 2012 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...C...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 et à la restitution d'une somme de 149 404 euros ;

2°) de rétablir M. et Mme C...aux rôles de l'imp

t sur le revenu des années 2006 et 2007 à raison des droits et pénalités dont ...

Vu le recours, enregistré le 29 janvier 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1120190/2-3 du 8 novembre 2012 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...C...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 et à la restitution d'une somme de 149 404 euros ;

2°) de rétablir M. et Mme C...aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 2006 et 2007 à raison des droits et pénalités dont la décharge a été ordonnée par les premiers juges ;

3°) de décider que M. et Mme C...devront restituer la somme de 149 404 euros qui leur a été accordée par les premiers juges au titre du plafonnement des impôts directs à 50% des revenus de l'année 2006 ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2013 :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour M.C..., ainsi que les observations orales de M. C...;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 29 avril 2004 de la Cour d'appel de Versailles, confirmé par la Cour de Cassation le 27 juin 2006,

M.C..., alors directeur des filiales et participations au sein de la Banque Worms, a été condamné, solidairement avec cette banque, en sa qualité d'administrateur de la société SPAD 24 S.A., à combler, à hauteur d'un million d'euros, une partie du passif de ladite société indirectement détenue entre 1990 et 1992, à hauteur de 20%, par la Banque Worms ; que l'intéressé a déduit cette somme de ses revenus imposables au titre de l'année 2004 dans la catégorie des traitements et salaires et a constaté un déficit global reportable au titre des années 2005, 2006 et 2007, ces deux dernières années étant seules en litige dans la présente instance ; que le ministre de l'économie et des finances fait appel du jugement n° 1120190/2-3 du

8 novembre 2012 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté que les sommes de 305 766 euros et de 141 094 euros constituaient des déficits imputables sur le revenu de M. C...dans la catégorie des traitements et salaires, respectivement au titre des années 2006 et 2007, a déchargé le contribuable des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 à raison de ces sommes et a ordonné la restitution à l'intéressé, au titre du plafonnement des impôts directs à 50% des revenus de l'année 2006, d'une somme de 149 404 euros ;

Sur la déductibilité de la somme versée au titre de la condamnation à combler le passif social de la société SPAD 24 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut... sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu " ; que l'article 156 du même code autorise sous certaines conditions que soit déduit du revenu global d'un contribuable le " déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus " et autorise le report sur le revenu global des années suivantes de l'excédent éventuel de ce déficit sur le revenu global de l'année ; qu'enfin, aux termes de l'article 83 du même code relatif à l'imposition de revenus dans la catégorie des traitements et salaires : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés ... 3°) les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales " ;

3. Considérant, en premier lieu, que, pour justifier de la nature des sommes déduites de son revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires, M. C...fait valoir que sa nomination en qualité d'administrateur de la société SPAD 24 pour y représenter les intérêts de la Banque Worms constituait une charge liée directement à son contrat de travail avec cette dernière, dont il était salarié, et que celle-ci lui a demandé, après avoir elle-même cédé ses participations dans la société SPAD 24 en octobre 1992, de conserver son poste pour maintenir les relations de la Banque notamment avec cette société ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M.C..., qui détenait huit cents actions de la société SPAD 24, a été nommé à titre personnel en qualité d'administrateur de cette société jusqu'au 8 novembre 1996, date à laquelle il a donné sa démission ; que la faute de gestion qui lui a été imputée, outre son manque de vigilance sur les réserves figurant dans les rapports généraux des commissaires aux comptes, a été constituée principalement par l'absence d'opposition, en juin 1993, à la prise de participation de la société SPAD 24 dans la société Athenais SNC ; que cette faute de gestion a ainsi été réalisée postérieurement à la revente en octobre 1992 de la participation que détenait la Banque Worms dans la société SPAD 24 au travers d'une sous-filiale ; que, si la Cour d'appel de Versailles a, par son arrêt du 29 avril 2004, confirmé par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 27 juin 2006, considéré que M. C...exerçait les fonctions d'administrateur de la société SPAD 24 dans le cadre de son contrat de travail avec la Banque Worms pour servir les intérêts de celle-ci suivant des directives dont il n'avait pas la possibilité de s'écarter, et a aggravé la responsabilité de l'intéressé eu égard à la circonstance qu'il avait continué de servir de relais entre le groupe SPAD et la Banque Worms postérieurement à la revente de la participation de la Banque Worms dans la société SPAD 24, l'appréciation ainsi portée, tout comme celle ayant conduit à condamner la Banque Worms en tant qu'administrateur de fait de ladite société, est intervenue dans un litige ayant un autre objet que l'assujettissement de M. C...à l'impôt ; qu'ainsi, l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, qui n'a que l'autorité relative de la chose jugée, ne fait pas obstacle à ce que la juridiction administrative, appelée à trancher un litige où la "chose demandée" n'est pas la même, formule une appréciation différente ; que, si M. C...se prévaut des constatations de fait effectuées par le juge civil dans cette décision, et alors que ces constatations ne s'imposent pas au juge administratif, il ne justifie en aucune façon devant la Cour de céans qu'il exerçait les fonctions d'administrateur de la société SPAD 24 dans le cadre de son contrat de travail avec la Banque Worms, contrat qu'il s'est abstenu de produire, ni que son employeur lui aurait demandé de conserver ces fonctions d'administrateur pour maintenir ses relations avec la société SPAD 24 ; que, contrairement à ce que soutient M.C..., il ne résulte pas de l'examen de l'extrait de la note du 21 septembre 1992 cité dans l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, lequel met en évidence que les risques supportés à cette date par la Banque Worms se rapportaient à sa participation au sein de la société SPAD 24, que la Banque avait un intérêt direct à suivre les affaires de cette société ultérieurement à la cession de sa participation en octobre 1992 ; que, dans ces conditions, alors surtout que la Banque Worms avait elle-même cédé toute forme de participation dans la société SPAD 24 à la date à laquelle a été commise la principale faute de gestion imputée à M.C..., celui-ci ne peut valablement soutenir que ses fonctions d'administrateur de la société SPAD 24 étaient directement liées à son contrat de travail avec la Banque Worms pour justifier la déduction, sur le fondement des dispositions précitées des articles 13-1 et 83-3 du code général des impôts, dans la catégorie des traitements et salaires, de la somme d'un million d'euros au paiement de laquelle il a été condamné sur le fondement de l'article L. 624-3 du code de commerce alors applicable ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'un contribuable condamné à combler, en raison d'une faute de gestion, le passif social de la société dont il est le dirigeant est en droit, à condition que la condamnation se rattache aux fonctions de direction exercées, de déduire les sommes versées de ses revenus dans la catégorie correspondant aux rémunérations perçues à raison de ces fonctions et de constater éventuellement un déficit imputable sur le revenu global ; qu'il résulte de l'instruction et comme cela a été relevé précédemment que M. C...a été condamné en sa qualité d'administrateur de la société SPAD 24 ; qu'en application de l'article 108 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, alors applicable, aujourd'hui codifié à l'article L. 225-45 du code de commerce, une rémunération peut être allouée aux administrateurs à titre de jetons de présence, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers conformément à l'article 117 bis du code général des impôts, après déduction des dépenses engagées pour leur acquisition ou leur conservation sur le fondement de l'article 13-1 précité du même code ; que, dès lors, le déficit résultant, éventuellement, de l'excédent des charges liées à l'activité d'administrateur n'aurait pu, le cas échéant, être constaté que dans cette catégorie de revenus ; que, dans ces conditions, M. C..., qui n'a en tout état de cause perçu aucune rémunération au titre de ses fonctions d'administrateur de la société SPAD 24, n'était pas fondé à déduire dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement de l'article 13-1 du code général des impôts, la somme versée au titre de sa condamnation à combler le passif social de la société SPAD 24 ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer que M. C...ait entendu déduire de ses revenus imposables, sur le fondement de l'article 83-3° susmentionné du code général des impôts, la somme versée au titre de sa condamnation à combler les dettes sociales de la société SPAD 24 en sa qualité d'administrateur de cette société, il résulte de ce qui a été relevé précédemment que le contribuable n'a tiré aucun revenu à raison de ces fonctions ; que, dès lors, la dépense exposée au titre de sa condamnation ne peut être regardée comme représentative de frais inhérents à la fonction au sens de l'article 83-3° précité du code général des impôts ; que, par suite, M. C...n'était pas plus fondé à demander la déduction dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement de l'article 83-3° précité du code général des impôts, de la somme versée au titre de sa condamnation à combler le passif social de la société SPAD 24 ;

Sur la restitution au titre du plafonnement des impôts directs à 50% des revenus de l'année 2006 :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du code général des impôts alors applicable : " Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus. Les conditions d'application de ce droit sont définies à l'article 1649-0 A " ; et qu'aux termes de l'article 1649-0 A du même code : " 1. Le droit à restitution de la fraction des impositions qui excède le seuil mentionné à l'article 1er est acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4 ... 4. Le revenu à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution s'entend de celui réalisé par le contribuable ... 5. Le revenu mentionné au 4 est diminué : a) Des déficits catégoriels constatés l'année de réalisation des revenus mentionnés au 4, dont l'imputation est autorisée par le I de l'article 156 (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit aux points 4 et 5 ci-dessus que,

M. C...ne pouvant se prévaloir au titre de l'année 2006 d'aucun déficit catégoriel au sens du 5 de l'article 1649-0 A du code général des impôts précité à raison de sa condamnation à combler le passif social de la société SPAD 24, le ministre est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont ordonné la restitution de la somme de 149 404 euros au titre du plafonnement des impôts directs à 50% des revenus perçus en 2006 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement attaqué par lesquels le tribunal administratif a décidé que les sommes de 305 766 euros et de 141 094 euros constituent des déficits imputables sur le revenu de M. C...dans la catégorie des traitements et salaires respectivement au titre des années 2006 et 2007, a déchargé

M. C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 à raison de ces sommes et a ordonné la restitution à l'intéressé d'une somme de 149 404 euros au titre du plafonnement des impôts directs à 50% des revenus de l'année 2006 ; que, par suite, il y a lieu de faire droit aux conclusions du ministre tendant au rétablissement de M. et Mme C...aux rôles de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales des années 2006 et 2007 à concurrence de la décharge ainsi prononcée par les premiers juges et au remboursement par les intéressés de la somme de 149 404 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1120190/2-3 du 8 novembre 2012 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : M. et Mme C...sont rétablis aux rôles de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre des années 2006 et 2007 à concurrence des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée par l'article 2 du jugement n° 1120190/2-3 du 8 novembre 2012 du Tribunal administratif de Paris.

Article 3 : M. et Mme C...reverseront à l'Etat la somme de 149 404 euros.

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N° 08PA04258

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N° 13PA00397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00397
Date de la décision : 12/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : BARDET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-06-12;13pa00397 ?
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