Vu l'arrêt n° 323250 du 15 décembre 2010 par lequel le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi en cassation présenté par Mme C...B...demeurant..., a, d'une part, annulé l'arrêt n° 07PA01761 du 16 octobre 2008 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de cette dernière tendant à l'annulation du jugement n° 0406457 du 15 février 2007 du Tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par la commune de Gouvernes à sa demande de branchement provisoire au réseau d'eau potable et a, d'autre part, renvoyé l'affaire à la Cour ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 août 2012, présenté pour Mme B...par
MeE..., demandant à la Cour d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de branchement provisoire au réseau d'eau potable formée le 20 septembre 2004, et à ce que soit mise à la charge de la commune de Gouvernes une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :
- le rapport de M. Gouès, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour Mme B...et de Me A...pour la commune de Gouvernes ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a installé sur un terrain dont elle est propriétaire, situé à Gouvernes (Seine-et-Marne), deux caravanes dans lesquelles elle habite avec son compagnon et leurs cinq enfants ; que ce terrain étant situé en zone ND du plan d'occupation du sol, dans le périmètre d'un site classé et dans le périmètre de protection d'un monument historique, l'installation des caravanes était interdite par les dispositions en vigueur de l'article R. 449-9 du code de l'urbanisme ; que Mme B...a sollicité le 20 septembre 2004 auprès du maire de Gouvernes un raccordement provisoire au réseau d'eau potable ; que par jugement du 15 février 2007, le Tribunal administratif de Melun a considéré que la demande présentée au maire, qui visait en réalité à raccorder au réseau d'eau potable un terrain sur lequel l'intéressée faisait stationner de manière permanente et sans autorisation deux caravanes dans lesquelles elle avait élu domicile, ne portait pas sur un raccordement provisoire et a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de raccordement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, un raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part,
Mme B...était informée du caractère non constructible de son terrain et qu'il lui a toujours été précisé qu'elle ne pourrait avoir accès au réseau d'eau potable ; que, d'autre part, par lettre du
12 mars 2002, le maire de Gouvernes a requis l'assistance du préfet pour qu'il soit trouvé un logement social à MmeB..., tout en assurant à cette autorité que la commune ferait le nécessaire pour qu'une solution alternative soit proposée à l'intéressée ; qu'en réponse à ce courrier l'OPHLM a indiqué disposer d'un logement social pour 7 personnes ; que la commune produit un courrier de son avocat répondant à la tentative de médiation du président du Tribunal de grande instance de Melun, dans lequel est précisé que la solution consistant en l'échange de terrains est très difficile à mettre en oeuvre en raison de l'absence de terrains disponibles sur le territoire de la commune et que l'offre de relogement en logement social est une offre sérieuse ; que MmeB..., qui n'était pas tenue d'accepter l'offre de logement social précitée en raison du mode de vie non sédentaire qu'elle invoque, ne fournit de son côté aucun élément de nature à mettre en doute l'absence de terrains disponibles sur le territoire de la commune de Gouvernes ; qu'en outre elle ne conteste pas qu'habitant avec sa famille sur ce terrain depuis 1995, elle s'est sédentarisée et que sa demande de raccordement provisoire est en réalité une demande de raccordement définitif ; qu'en raison de la situation du terrain dans le périmètre d'un site classé et de protection d'un monument historique l'ingérence commise par la commune de Gouvernes dans le droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B...n'est pas disproportionnée eu égard au but légitime que constituent la protection de l'environnement et le respect des règles d'urbanisme ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...soutient que le maire de Gouvernes a méconnu les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où, d'une part, les caravanes installées sur le terrain qui jouxte le sien ont été raccordées au réseau d'eau potable et, d'autre part qu'il existe dans le périmètre de protection du château de Guermantes de nombreuses constructions dont plusieurs lotissements ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces familles se sont installées à Gouvernes à une époque bien antérieure à celle à laquelle Mme B...y est arrivée, à une époque où le site n'était pas classé et où les règles d'urbanisme étaient différentes de celles en vigueur lors de l'installation de MmeB... ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, que si Mme B...invoque la violation des stipulations des articles 11 et 12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vertu desquels la France reconnaît le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille et s'est engagée à prendre toute mesure permettant à chacun de bénéficier du meilleur état de santé physique et mentale qu'il soit capable d'atteindre, ce moyen est inopérant à l'encontre du refus de raccordement litigieux dès lors que ces stipulations ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers ;
7. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que si Mme B...se prévaut des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'environnement alors applicable selon lesquelles " L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. / L'usage de l'eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis (...) ", elle ne saurait soutenir que ces dispositions auraient été méconnues dès lors que l'installation de ses caravanes en violation des règles d'urbanisme applicables ne lui confère aucun droit dont elle pourrait utilement se prévaloir ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de Mme B...doit être rejetée ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni dans les circonstances de l'espèce, à celles présentées sur le même fondement par la commune de Gouvernes ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Gouvernes présentées en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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