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18/02/2013 | FRANCE | N°12PA00768

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 18 février 2013, 12PA00768


Vu la requête en tierce opposition, enregistrée le 14 février 2012, présentée pour l'Institut de France, dont le siège est au 23, quai de Conti à Paris (75006), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; l'Institut de France demande à la Cour :

1°) de déclarer non avenu l'arrêt en date du 18 mars 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de l'Académie française tendant à l'annulation du jugement en date du 30 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du directeur de cabinet

du Secrétaire perpétuel de l'Académie française du 16 septembre 2002 pro...

Vu la requête en tierce opposition, enregistrée le 14 février 2012, présentée pour l'Institut de France, dont le siège est au 23, quai de Conti à Paris (75006), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; l'Institut de France demande à la Cour :

1°) de déclarer non avenu l'arrêt en date du 18 mars 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de l'Académie française tendant à l'annulation du jugement en date du 30 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du directeur de cabinet du Secrétaire perpétuel de l'Académie française du 16 septembre 2002 prononçant le licenciement pour motif économique de M. B...C...;

2°) d'annuler le jugement précité ;

3°) de rejeter la demande présentée par M. B...C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les lettres patentes pour l'établissement de l'Académie française de janvier 1635, enregistrées au Parlement de Paris le 10 juillet 1637 ;

Vu les statuts et règlements de l'Académie française en date du 22 février 1635 ;

Vu les règlements pour l'Académie française donnés par le Roi à Marly le

30 mai 1752 ;

Vu la loi du 3 brumaire an IV ;

Vu l'ordonnance royale du 21 mars 1816 concernant la nouvelle organisation de l'Institut ;

Vu les statuts de l'Académie française délibérés dans sa séance extraordinaire du

21 juin 1816, approuvés par ordonnance royale du 10 juillet 1816 ;

Vu la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche ;

Vu le décret du 11 juillet 1922 approuvant le règlement général de l'Institut de France, modifié par le décret n° 53-1133 du 16 novembre 1953 ;

Vu le règlement sur la comptabilité des fondations et l'administration financière de l'Institut de France, approuvé par arrêté du 4 août 1924 modifié par arrêté du

16 novembre 1953 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Amat, rapporteur,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- les observations de Me Le Prado, représentant l'Institut de France, puis celles de

MeA..., pour M.C..., et celles de MeD..., pour l'Académie française ;

- et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 05 février 2013, pour l'Académie française ;

1. Considérant qu'à la demande de M. B...C..., chauffeur du Secrétaire perpétuel de l'Académie française, le Tribunal administratif de Paris a, par jugement du

30 mai 2007, annulé la décision en date du 16 septembre 2002 par laquelle le directeur de cabinet du Secrétaire perpétuel l'a licencié de son emploi, au motif que si ledit directeur justifiait d'une délégation de cette autorité, il ne justifiait pas de sa compétence en matière de gestion du personnel, laquelle relève de l'Institut de France ; que, par arrêt du 18 mars 2009, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de l'Académie française tendant à l'annulation de ce jugement aux motifs que, l'appelante n'ayant pu justifier d'aucun texte lui conférant un statut autonome de personne publique ayant compétence en matière de personnel, ni d'une délégation de l'Institut de France, établissement public administratif chargé de la gestion commune des Académies, l'employeur de l'intéressé ne pouvait être que l'Institut, que le contrat liant l'Académie française à M. C...était donc entaché d'incompétence et que l'Académie n'établissait pas qu'aucun emploi de chauffeur ou emploi de niveau équivalent, voire, à défaut d'un tel emploi, aucun autre emploi, ne pouvait à l'époque être proposé à M. C...par l'Institut de France ; que ce dernier forme tierce opposition contre cet arrêt ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à la décision. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la recevabilité d'une tierce opposition est subordonnée à la triple circonstance que le tiers opposant n'ait pas été partie ou régulièrement appelé à l'instance, qu'il n'y ait pas été représenté et que la décision juridictionnelle préjudicie à ses droits ;

3. Considérant qu'il est constant que l'Institut de France n'était ni présent ni régulièrement appelé dans l'instance ayant abouti à l'arrêt litigieux, qui préjudicie à ses droits en ce qu'il met à sa charge l'obligation, en vue de l'exécution de cet arrêt, de régulariser la situation de M. C...; qu'en outre, quand bien même il avait un intérêt commun avec l'Académie française, consistant dans le maintien de la décision de licenciement de M.C..., l'Institut de France ne peut être regardé comme ayant été, de fait, représenté devant la Cour par ladite Académie qui, d'une part, était devenue établissement public administratif depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 avril 2006 susvisée et, d'autre part, invoquait un moyen de défense, tiré de la nullité éventuelle du contrat, conduisant inévitablement à mettre en cause l'Institut pour la régularisation de la situation de M. C... ; que, par suite, l'Institut de France est recevable à former tierce opposition contre l'arrêt rendu par la Cour le 18 mars 2009 ;

Sur le bien-fondé de la tierce opposition :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance royale du

21 mars 1816 susvisée : " L'Institut sera composé de quatre académies (...). " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même ordonnance : " Chaque académie aura son régime indépendant et la libre disposition des fonds qui lui sont ou lui seront spécialement affectés. " ; qu'aux termes de l'article 4 : " Toutefois, l'agence, le secrétariat, la bibliothèque et les autres collections de l'Institut demeureront communs aux quatre académies. " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même ordonnance : " Les propriétés et fonds particuliers de chaque académie seront régis en son nom par les bureaux ou commissions institués ou à instituer et dans les formes établies par les règlements. " ; que l'article 3 des statuts de l'Académie française approuvés par l'ordonnance royale du 10 juillet 1816 précise que " la commission chargée de la régie des fonds de propriétés de l'académie sera composée du secrétaire perpétuel trésorier, qui en sera le président et de deux membres nommés au scrutin à la pluralité absolue. " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des titres Ier et II du règlement général de l'Institut de France, issu du décret du 7 octobre 1922 modifié, alors en vigueur, que cet établissement, présidé par chacune des cinq Académies à tour de rôle, était doté d'une commission administrative centrale régissant tous les services administratifs de l'Institut et édictant les règlements nécessaires à leur fonctionnement ; que le titre IV de ce même règlement prévoyait, à l'article 34, que le directeur des services administratifs de l'Institut " est sous les ordres du président de la Commission administrative centrale ou, à son défaut, du Chancelier de l'Institut, en ce qui concerne les affaires administratives communes (...), et sous les ordres des Commissions administratives et des Secrétaires perpétuels des Académies en ce qui concerne les affaires administratives et le service du matériel propres à chaque Académie. " ; qu'en outre, selon l'article 32, " il peut recevoir une délégation écrite du Secrétaire perpétuel de chaque Académie en ce qui concerne certaines parties du service de cette Académie " ; que, s'agissant du personnel, il ressort de l'article 35 que ce directeur " a sous ses ordres le personnel des bureaux et les gens de service, huissiers, hommes de peine et concierges, à l'exception de ceux qui sont attachés spécialement aux services de la Bibliothèque ou de la Comptabilité " et qu' " un rédacteur du secrétariat est spécialement attaché au service de chaque Académie et (...) doit d'abord exécuter les travaux qui lui sont donnés directement par le Secrétaire perpétuel de l'Académie au service de laquelle il est attaché. " ; que l'article 36 précise que " toutes instructions données au personnel placé sous ses ordres doivent passer par son intermédiaire, à l'exception de celles qui sont données par chaque Secrétaire perpétuel à l'employé attaché à son Académie, lequel en rend compte au directeur de services administratifs. Si un employé déclinait le travail que lui assignerait le directeur des services administratifs, en invoquant les occupations que lui donne l'Académie à laquelle il est attaché, il en serait référé au Secrétaire perpétuel de cette Académie. " ; que les articles 41, 42, 43 et 44 disposent que, hors les rédacteurs du secrétariat, " les fonctionnaires ou employés et les gardiens ou agents sont nommés par la commission administrative centrale " et que " les fonctionnaires et agents de l'Institut " peuvent faire l'objet de mesures disciplinaires, dont la révocation, " prononcée dans la même forme que la nomination " ;

6. Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions, notamment de l'article 3 de l'ordonnance du 21 mars 1816 et de l'article 34 du règlement du 7 octobre 1922 précités, qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 avril 2006 la qualifiant de personne morale de droit public à statut particulier librement administrée par ses membres, l'Académie française, tout en étant une composante de l'Institut, disposait déjà d'une réelle autonomie pour la gestion de ses affaires administratives et de son service du matériel propres ; que, toutefois, il ressort de l'article 4 de ladite ordonnance du 21 mars 1816, qui énumère limitativement les différents services ou compétences devant demeurer communs aux académies, que le " régime indépendant " qui était ainsi reconnu à celles-ci en vertu de l'article 3 ne s'étendait pas à l'" agence " ; que ce dernier terme doit être entendu, conformément au sens qui était le sien dans la langue en usage à l'époque de l'édiction de cette ordonnance, comme visant la gestion des services administratifs et, en particulier, du personnel ; qu'en conséquence, les articles 32 et suivants du règlement général, et notamment l'article 41 de celui-ci, qui figurent dans le titre IV, intitulé " Services généraux ", doivent être regardés comme fixant les règles applicables, notamment en matière de nomination des agents, à tout le personnel, y compris celui servant dans les Académies et non aux seuls fonctionnaires et agents servant dans les services communs ; que, pour le même motif, la simple compétence d'attribution dont bénéficiait l'Institut pour les affaires administratives propres à chaque Académie, en vertu des articles 32, 34, 35 et 36 précités, ne concernait pas le personnel, dont la gestion lui appartenait de plein droit ; qu'ainsi, contrairement aux termes de la délibération de la commission administrative de l'Académie française en date du 21 février 2002, le Secrétaire perpétuel ne disposait pas du pouvoir " de signer tous actes et accomplir toutes formalités dans les affaires concernant le Personnel de l'Académie (contrat de travail, notes de services, feuilles de congés, lettres d'avertissement, de licenciement) " et n'a donc pu légalement recruter et licencier M. C...; que, par suite, le contrat liant ce dernier à l'Académie française était entaché d'incompétence ;

7. Considérant, toutefois, que, sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci ; que, lorsque le contrat est entaché d'une irrégularité, notamment parce qu'il méconnaît les règles de compétence applicables, l'administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuivre régulièrement ; que, si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l'administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l'agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation ; que, si l'intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans les conditions précisées ci-dessus, est impossible, l'administration est tenue de le licencier ;

8. Considérant que, si l'Académie française soutient qu'à la date de la décision de licenciement litigieuse, aucun autre emploi équivalent à celui de M. C...n'était disponible en son sein, elle n'établit pas qu'il en était de même au sein de l'Institut de France ; qu'ainsi, la décision du 16 septembre 2002 par laquelle M. C...a été licencié était illégale ; qu'il résulte de ce qui précède que l'Institut de France n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions de M. C...tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Institut de France une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. C...dans la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : La tierce opposition formée par l'Institut de France est rejetée.

Article 2 : L'Institut de France versera à M. C...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12PA00768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00768
Date de la décision : 18/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-02-18;12pa00768 ?
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