Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 février 2012, régularisée le
1er mars 2012 par la production de l'original, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1113615/3-3 du 24 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 mai 2011 refusant l'admission au séjour de Mlle D...C..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a fait injonction de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle C...devant le Tribunal administratif de Paris ;
..................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 janvier 2013 :
- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,
- et les observations de Me Thiébaut, avocat de MlleC... ;
Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 3 janvier 2013 par télécopie et régularisée le 4 janvier 2013 par la production de l'original, présentée pour Mlle C... par Me Thiébaut ;
1. Considérant que Mlle D...C..., qui est de nationalité sri lankaise, est née le 19 mars 1975 à Periavilan (Sri Lanka), et déclare être entrée en France le 27 octobre 2005, a présenté des demandes tendant à obtenir le statut de réfugié qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 février 2006 et le 29 août 2007, par la commission de recours des réfugiés le 29 mars 2007, et par la Cour nationale du droit d'asile le 13 février 2008 ; qu'elle s'est vue refuser la délivrance d'un titre de séjour par un arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 15 avril 2008 qui a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Melun du 9 octobre 2008 en tant qu'il fixait le Sri Lanka comme pays de destination ; qu'elle a présenté une demande de réexamen qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 mars 2009 et par la Cour nationale du droit d'asile le 10 décembre 2010 ; qu'elle a, le 15 mars 2011, sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et s'est vue opposer un refus par un arrêté du préfet de police du 3 mai 2011 ; que le préfet de police a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il relève appel du jugement du jugement du 24 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par MlleC... :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient MlleC..., la requête du préfet de police, enregistrée par télécopie le 28 février 2012 était accompagnée d'une copie du jugement attaqué ;
Sur la requête du préfet de police :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que, pour juger que l'arrêté du préfet de police refusant l'admission au séjour de Mlle C...reposait sur une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées ci-dessus, le tribunal administratif s'est fondé sur des pièces produites afin d'établir la réalité des persécutions que sa famille aurait subies au Sri Lanka et des risques que présenterait pour elle un retour dans ce pays du fait de ses liens supposés avec l'organisation des " Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul ", ainsi que sur des certificats médicaux produits pour établir que son état de santé se caractériserait par une grande fragilité psychologique et qu'un retour dans ce même pays comporterait pour elle des conséquences graves ; qu'il a relevé que quatre de ses frères et soeurs se sont vus reconnaitre le statut de réfugié en France ; qu'il a estimé que l'ensemble des risques pour son intégrité physique et psychologique que comporterait un retour dans son pays d'origine constituait un motif humanitaire de nature à justifier son admission au séjour ;
5. Considérant toutefois que, pour contester ce jugement, le préfet de police fait valoir à bon droit que les risques dont Mlle C...a fait état en cas de retour au Sri Lanka à la suite de persécutions que sa famille y aurait subies et du fait de ses liens supposés avec l'organisation des " Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul ", sont sans incidence sur la légalité de la décision refusant son admission au séjour ; qu'il soutient également à bon droit que les certificats médicaux qu'elle a produits sont insuffisamment précis pour établir qu'un retour dans ce pays comporterait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait y avoir accès à des structures de soins ; qu'il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 3 mai 2011 ;
6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle C...;
Sur les autres moyens soulevés par MlleC... :
7. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2011-00258 du 19 avril 2011, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 22 avril 2011, le préfet de police a donné délégation à M. A...B..., attaché d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour, assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision refusant l'admission au séjour de Mlle C...comporte l'exposé de l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, elle est suffisamment motivée ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas de la motivation de la décision de refus d'admission au séjour que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de Mlle C...;
10 Considérant, en quatrième lieu, que Mlle C...ne saurait, pour contester la décision refusant son admission au séjour, se prévaloir de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 9 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 15 avril 2008 en tant qu'il fixait le Sri Lanka comme pays de destination ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mlle C... n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'incompétence ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue des dispositions de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) "; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles "; que le 4° de l'article 3 de cette directive définit la décision de retour comme "une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d' un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour " ;
13. Considérant qu'une mesure portant obligation de quitter le territoire français constitue une décision de retour au sens de l'article 3 de la directive du 16 décembre 2008 ; que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation, sont incompatibles avec les objectifs définis par l'article 12 de la directive, disposant qu'une décision de retour doit être motivée en fait et en droit ; que ces dernières dispositions, précises et inconditionnelles, peuvent être utilement invoquées à l'appui de la contestation d'une obligation de quitter le territoire français ;
14. Considérant, toutefois, que, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision refusant l'admission au séjour de Mlle C...est suffisamment motivée ; que Mlle C...n'est donc pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français devait l'être également ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;
16. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les certificats médicaux produits par Mlle C...sont insuffisamment précis pour établir qu'une absence de prise en charge médicale de ses troubles psychologiques pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'elle n'est donc pas fondée à invoquer les dispositions citées ci-dessus, ni à soutenir que la mesure d'obligation de quitter le territoire français reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mlle C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'incompétence, serait insuffisamment motivée et n'aurait pas donné lieu à un examen particulier de sa situation ;
18. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
19. Considérant que les documents produits par Mlle C...devant le tribunal administratif ne permettent pas d'établir qu'elle serait effectivement exposée à des risques contraires aux dispositions citées ci-dessus en cas de retour dans son pays d'origine compte tenu de persécutions que sa famille y aurait subies et de ses rapports avec l'organisation des " Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul " ; qu'au demeurant,... ; qu'elle n'est donc pas fondé à contester la décision fixant le pays de destination en invoquant les dispositions précitées, ni à soutenir que cette décision reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 mai 2011 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de Mlle C... tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1113615/3-3 du Tribunal administratif de Paris du 24 janvier 2012 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle C...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
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N° 12PA01003