Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2011, présentée par le préfet de Meurthe-et-Moselle ; le préfet demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1108027/9 du 29 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a fait partiellement droit à la demande de M. C...B..., en annulant les décisions " non formalisées " du 26 octobre 2011 portant placement en rétention administrative des quatre enfants mineurs de M. B... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif tendant à l'annulation des dites décisions " non formalisées " susvisées ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre de prétendues " décisions non formalisées " de placement en rétention des enfants mineurs de M.B..., ce dernier ayant fait lui-même l'objet, le même jour, d'un placement en rétention, lesdites décisions étant inexistantes ;
- les enfants de l'intéressé n'ont pas fait l'objet d'une mesure privative de liberté, mais ont accompagné leur père au centre du Mesnil-Amelot ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile interdit la rétention des enfants mineurs non accompagnés ; que l'article R. 553-1 de ce code organise simplement l'accueil des familles au sein des centres de rétention administrative spécifiquement aménagés ;
- le jugement est entaché de contradiction de motifs ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2012, présenté pour M. B...par MeA... ; M. B...demande à la Cour de rejeter la requête, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 5 du jugement susvisé du Tribunal administratif de Melun en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 26 octobre 2011 l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;
Il soutient que :
- ses conclusions relatives au placement en rétention de ses enfants sont recevables ; que ce placement méconnaît les stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des articles 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de défaut de motivation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale pour erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er juin 2012, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que les conclusions incidentes de M. B...sont tardives et donc irrecevables car elles soulèvent un litige distinct du litige principal ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 novembre 2012, présenté pour M. B...par Me A..., qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 novembre 2012, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2012 :
- le rapport de M. Gouès, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
- les observations de MeA..., conseil de M.B...,
- et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 6 décembre 2012, présentée pour M. B...par MeA... ;
1. Considérant que, le 26 octobre 2011, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à l'encontre de M.B..., de nationalité russe, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français, sans délai, en fixant le pays de destination et le plaçant, avec ses quatre enfants mineurs, en rétention administrative au centre de rétention du Mesnil-Amelot ; que, par jugement du 29 octobre 2011, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision plaçant en rétention M. B...ainsi que les décisions " non formalisées " de placement en rétention de ses enfants ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle interjette appel de l'article 3 de ce jugement, par lequel ont été annulées les décisions " non formalisées " de placement en rétention des quatre enfants ; que, par la voie de l'appel incident, M. B...demande à la Cour d'annuler ledit jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur l'appel principal du préfet :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet dispose du pouvoir d'appréciation de placer ou non en rétention administrative un étranger accompagné de ses enfants et qu'il lui est toujours loisible de choisir une solution alternative qui peut consister, notamment, en la prise d'une décision d'assignation à résidence ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est tenu, dans tous les lieux recevant des personnes placées ou maintenues au titre du présent titre, un registre mentionnant l'état civil de ces personnes ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. " ; qu'aux termes de l'article R. 553-1 du même code : " Les centres de rétention administrative sont créés, sur proposition du ministre chargé de l'immigration, par arrêté conjoint du ministre chargé des affaires sociales, du ministre chargé de l'immigration, du ministre de l'intérieur et du ministre de la justice. Cet arrêté mentionne l'adresse du centre et précise, d'une part, si sa surveillance en est confiée à la police nationale ou à la gendarmerie nationale et, d'autre part, si ce centre est susceptible d'accueillir des familles. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les arrêtés créant des centre de rétention pouvant accueillir des familles n'ont pas pour objet de permettre aux autorités préfectorales de prendre des mesures privatives de liberté à l'encontre des enfants mineurs des personnes placées en rétention, mais qu'elles visent seulement à organiser l'accueil des familles, et notamment des enfants mineurs, des étrangers placés en rétention ;
4. Considérant, ainsi, que le fait que les enfants de M.B..., placé en rétention, aient accompagné ce dernier au centre de rétention, spécifiquement aménagé afin de pouvoir accueillir des familles, ne saurait révéler, en soi, l'existence d'une mesure distincte de placement en rétention prise à leur égard ; que la situation spécifique de ces mineurs était, par ailleurs, un des éléments que le juge devait notamment prendre en compte lors de l'examen de la décision plaçant leur père en rétention ; que, par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal a estimé que les conclusions de M. B... dirigées contre les décisions " non formalisées " de placement en rétention de ses quatre enfants étaient recevables et y a fait droit ;
Sur l'appel incident de M.B... :
5. Considérant que les conclusions incidentes par lesquelles M. B...demande l'annulation de l'article 5 du jugement attaqué rejetant ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 26 octobre 2011 l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, soulèvent un litige distinct de l'appel principal du préfet de Meurthe-et-Moselle et ne sont, par suite, pas recevables ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1108027/9 en date du 29 octobre 2011 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B...présentée devant le Tribunal administratif de Melun tendant à l'annulation des décisions " non formalisées " de placement en rétention de ses quatre enfants et ses conclusions incidentes présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B.... Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2012 à laquelle siégeaient :
Mme Lackmann, président,
M. Gouès, premier conseiller,
Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 décembre 2012.
Le rapporteur,
S. GOUESLe président,
J. LACKMANN
Le greffier,
L. BARRIERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA04917