Vu la requête, enregistrée le 22 février 2011, présentée pour la société AL'X création, dont le siège est parc Medicis, 47 allée des Pépinières à Fresnes (94260), représentée par son président en exercice, par la Selas Citylex avocats ; la société AL'X création demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0720557/3-3 du 21 décembre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'office national des forêts (ONF) à lui verser la somme de 453 000 euros ;
2°) de condamner l'ONF, à titre principal, à lui verser la somme de 433 000 euros en réparation de son préjudice financier et la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et, à titre subsidiaire, à lui verser la somme de 433 000 euros au titre de la contrepartie financière de la cession de ses droits d'auteur ;
3°) de supprimer, sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, le passage de la page 15 du mémoire de première instance de l'ONF en date du 17 mars 2008 commençant par " or, il apparaît [...] " et se terminant par " [...] effets à fournir " ;
4°) de mettre à la charge de l'ONF le versement de la somme de 30 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles approuvé par le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2012 :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me Delvolvé, pour la société AL'X création, et celles de Me Tran Thiet, pour l'office national des forêts ;
1. Considérant que, le 5 décembre 2005, l'office national des forêts (ONF) a lancé la procédure de passation, selon la procédure adaptée, d'un marché de " définition-vestiaire-ONF " ayant pour objet de réaliser une prestation d'étude pour la définition du vestiaire d'habillement des agents de l'ONF ; que, par un document daté du 27 décembre 2005, la société AL'X création a remis à l'ONF son offre technique et sa " proposition commerciale ", d'un montant de 83 890 euros ; que, par un document " notification-ordre de service " du 10 janvier 2006, l'ONF a attribué à la société AL'X création ce marché pour un montant compris " entre 74 890 et 83 80 euros " ; que, par des courriers en date du 17 août 2007 et 19 décembre 2007, la société AL'X création a réclamé à l'ONF le paiement de ses droits d'auteur, pour un montant de 433 000 euros et une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que, par la présente requête, la société AL'X création fait appel du jugement du 21 décembre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ONF à lui verser les sommes de 433 000 euros et 20 000 euros ; que, par la voie de l'appel incident, l'ONF fait appel de ce même jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la société AL'X création à lui verser, d'une part, la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la faute contractuelle commise par cette société et, d'autre part, la somme de 40 000 euros " pour citation abusive " ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 19 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI), le chapitre consacré à l'utilisation des résultats " comprend trois options : les options A, B et C ; / Le marché indique l'option applicable ; s'il ne le fait pas, c'est l'option B qui est appliquée " ; que l'option A, dont le régime est défini aux articles A-20, A-21, A-22, et A-27 du CCAG-PI, prévoit notamment que la personne publique, qui peut librement utiliser les résultats des prestations, a le droit de reproduire, c'est-à-dire de fabriquer ou faire fabriquer, des objets ou matériels conformes aux résultats des prestations ou à des éléments de ces résultats, et de communiquer à des tiers les résultats des prestations, notamment les dossiers d'études, rapports d'essais, documents et renseignements de toute nature provenant de l'exécution du marché ; qu'en revanche, cette même option interdit au titulaire de communiquer les résultats des prestations à des tiers, à titre gratuit ou onéreux, d'en faire un usage commercial ou de les publier sans l'accord préalable de la personne publique ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7, relatif aux " droits ", du " cahier des charges " figurant dans le dossier de consultation : " L'ensemble des droits de représentation et de reproduction dont pourrait se prévaloir le titulaire du marché, à l'occasion de l'exécution des prestations qui lui sont confiées, sont réputés cédés à l'office national des forêts dans les conditions de fait et de droit stipulées à l'article 19 du CCAG-PI selon l'option " A " prévue à cet article. / Le titulaire du marché consent expressément à cette cession pour la durée légale des droits de propriété intellectuelle pour tous usages liés à la présentation de l'identité de l'office nationale des forêts par tout moyen graphique, vidéo ou sonore le cas échéant, quel que soit le support mis en oeuvre, dans la limite des missions et activités de l'établissement telles qu'elles résultent des articles L. 121-1 et suivants et R. 121-1 et suivants du code forestier " ; qu'en vertu de l'article 8 du même cahier des charges, relatif à la " proposition financière ", " l'offre du prestataire est forfaitaire. Elle comprend toutes sujétions nécessaires au bon déroulement de la prestation, notamment l'ensemble des frais de déplacement (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier de l'offre remise le 27 décembre 2005 et de l'échange de mails des 13 et 18 janvier 2006, que la société AL'X création aurait émis la moindre réserve sur l'application de l'article 7 du cahier des charges du marché pour lequel elle s'est portée candidate ou qu'elle aurait, lors de l'attribution de ce marché, le 10 janvier 2006, exprimé un désaccord ou une réserve sur la nature contractuelle de cet article ; que le document " notification-ordre de service " du 10 janvier 2006 n'a pas davantage apporté de modifications à cet article 7 ni dénié à cet article une valeur contractuelle ; que, dans ces conditions, compte tenu de la rédaction de cet article 7, dépourvue d'ambiguïté ou d'imprécision, qui se réfère expressément au CCAG-PI, en l'absence de tout autre élément qui serait de nature à remettre en cause sa valeur ou sa portée, eu égard également à la forme selon laquelle le marché a été passé, selon la procédure adaptée, et du comportement de la société AL'X création et de l'ONF lors de la passation et de la conclusion du marché en litige, les parties au contrat sont réputées avoir eu la commune intention de faire figurer l'article 7 du cahier des charges au nombre des stipulations contractuelles du marché en litige ; que la circonstance qu'aucun acte d'engagement n'a été formellement signé et que la société AL'X création, au cours de l'exécution du marché, a cherché, en vain, à remettre en cause cet article 7 n'est pas de nature à retirer à la stipulation litigieuse son caractère contractuel ;
5. Considérant, en second lieu, que les dispositions du code de la propriété intellectuelle ne font pas par elles-mêmes obstacle à ce qu'une personne publique, compte tenu notamment de la nature des prestations attendues et des missions qu'elle assure, décide de faire figurer, parmi les clauses d'un contrat portant sur des prestations de nature intellectuelle, une clause exorbitante du droit commun telle que l'article 19 du CCAG-PI mentionné au point 2 ci-dessus ; que, dès lors, la société AL'X création n'est pas fondée à demander au juge du contrat d'écarter l'article 7 du contrat litigieux au motif qu'il serait contraire à certaines dispositions du code de la propriété intellectuelle ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société AL'X création n'est pas fondée à soutenir que l'ONF aurait, dans les circonstances de l'espèce, porté atteinte à ses droits d'auteur et à en demander le paiement, à hauteur de 433 000 euros, au titre des 59 croquis et cahiers des charges qu'elle allègue avoir réalisé pour le compte de cet établissement ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir, compte tenu des clauses du contrat analysées ci-dessus, qu'elle aurait droit au paiement de ses droits d'auteur sur un fondement contractuel ; que l'ONF n'ayant commis aucune faute en ne payant pas de droits d'auteur à la société AL'X création, celle-ci n'est pas fondée à lui réclamer une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne la demande portant sur la somme de 100 000 euros au titre du préjudice contractuel :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société AL'X création à cette demande ;
7. Considérant que, le 28 décembre 2006, l'ONF a lancé une consultation en vue de la passation d'un marché de fournitures d'effets d'habillement pour ses personnels décomposé en trois lots, relatifs à la " tenue de représentation et prestations logistiques " (lot n° 1), la " tenue de travail " (lot n° 2) et " les effets techniques " (lot n° 3) ; que la société AL'X création, après avoir procédé à l'analyse technique des offres remises par les candidats, a notamment recommandé à l'ONF de retenir, pour l'attribution du lot n° 3, la société Leo Minor au détriment de la société VTN, également candidate à l'attribution de ce lot ; que, par une résolution du 5 avril 2007, le conseil d'administration de l'ONF a suivi cette recommandation et décidé d'attribuer le lot n° 3 à la société Leo Minor en autorisant le directeur général de l'ONF à signer le marché ; que, le 3 mai 2007, la société VTN, informée du rejet de son offre le 26 avril 2007, a demandé au juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler l'ensemble de la procédure de passation de ce lot n° 3 ; que, le 9 mai 2007, l'ONF a décidé de déclarer sans suite ce marché pour des motifs d'intérêt général et a informé le 15 mai 2007 les différents candidats de cette décision et de son intention de relancer l'intégralité de la procédure ; que, par une ordonnance du 1er juin 2007, le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Paris, au vu de cette décision du 9 mai 2007, a prononcé un non-lieu à statuer ; que, lors de la nouvelle consultation, l'ONF a décidé de faire appel à la Sarl Epitec, en mai 2007, pour l'assister dans l'analyse et la vérification des offres, en lieu et place de la société AL'X création ; que ce marché, dont l'appel public à la concurrence a été publié le 17 juillet 2007, a été alloti en onze lots différents (vêtements et accessoires de représentation, chemises, polos, pulls, vestes de terrain, pantalons de terrain, polaires, chaussettes, chaussures, sacs à dos et prestation logistique) ; que, le 17 décembre 2007, le directeur de l'ONF a notifié l'ensemble de ces lots à leurs attributaires ;
8. Considérant que l'ONF soutient que la décision de déclarer sans suite le marché n° 3 et le retard pris pour attribuer les nouveaux marchés sont imputables à des fautes commises par la société AL'X création dans l'exécution de son contrat et qu'il a subi des préjudices financiers, évalués à 35 304,43 euros au titre des frais d'avocats et 31 574, 40 euros au titre du contrat passé avec la Sarl Epitec, et un préjudice moral, évalué à 33 121,17 euros, soit un préjudice global de 100 000 euros ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des articles 6.4 et 6.5 du cahier des charges, la société AL'X création avait non seulement pour mission d'assister l'ONF dans la rédaction des dossiers de consultation pour la passation de marchés de fournitures d'effets d'habillement aux personnels d'ONF mais aussi de procéder à l'analyse technique des offres, de rédiger un rapport d'analyse et, le cas échéant, une note de synthèse, afin de permettre à l'ONF d'effectuer les choix définitifs ; que s'il n'est pas sérieusement contesté que la société AL'X création entretenait des liens commerciaux avec la société Leo Minor, et que cet élément de fait a été produit au soutien d'un des moyens soulevés par la société VTN devant le juge des référés précontractuels, tiré de la violation du principe d'égalité de traitement entre les candidats, le juge ne s'est néanmoins pas prononcé sur le bien-fondé de ce moyen alors que plusieurs autres moyens étaient par ailleurs soulevés dans la requête introduite par la société VTN ; que si la société AL'X création, dans son rapport d'analyse des offres, après avoir décrit les fournitures respectivement proposées par la société Leo Minor et la société VTN, a attribué des notes sensiblement supérieures à la société Leo Minor, l'ONF n'établit toutefois pas, par les seules pièces qu'elle produit, que l'offre technique de la société Leo Minor était en réalité inférieure aux notes qu'elle a obtenues ou que celle de la société VTN était en réalité supérieure aux notes qu'elle a reçues ; qu'elle ne produit par ailleurs aucun document de nature à prouver que la société AL'X création aurait par ailleurs favorisé la candidature ou l'offre de la société Leo Minor ; qu'en particulier, si l'ONF expose que la société Leo Minor ne comptait que 10 personnes dans ses effectifs contre 78 à son concurrent, et qu'elle ne pouvait ainsi être classée en première position alors que " la capacité du candidat à confectionner par ses moyens propres une partie significative des effets à fournir " constituait l'un des critères d'attribution du marché, il ressort des pièces de la consultation que ce critère n'était pondéré qu'à hauteur de 10 % ; qu'il n'est par ailleurs pas établi qu'un effectif de 10 personnes n'aurait pas permis de confectionner une partie significative des effets à fournir ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également de l'instruction, et en particulier des écritures produites par la société VTN devant le juge des référés précontractuels, et il n'est pas contesté que, dès le 3 avril 2007, cette dernière a informé l'ONF des liens commerciaux qui existaient entre la société AL'X création et la société Leo Minor, de sorte que l'ONF était en mesure d'apprécier, avant d'attribuer le marché, si ces liens avaient en l'espèce influencé l'analyse de la société AL'X création en faveur de la société Leo Minor ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la définition du marché de fournitures a été entièrement corrigée entre la première procédure et la deuxième procédure d'attribution dès lors que ce marché, initialement alloti en trois lots, a ensuite été alloti en onze lots, lesquels ont inclus les deux premiers lots, attribués en avril 2007, alors qu'aucune contestation n'avait pourtant été émise sur la validité de leur attribution ; que l'ONF n'établit ni même n'allègue que le nouveau marché ainsi redéfini aurait été attribué à un coût supérieur, et non pas inférieur, à celui résultant du premier allotissement ou que la décision de classer sans suite le marché n'avait pas également pour motif de procéder à un nouvel allotissement économiquement plus pertinent ;
12. Considérant que, dans ces conditions, la seule faute commise par la société AL'X création lors de l'analyse des offres, consistant à ne pas avoir informé l'ONF des liens qu'elle entretenait avec la société Leo Minor, ne peut pas en l'espèce être regardée comme étant directement à l'origine de la décision de l'ONF de déclarer sans suite le lot n° 3 et de lancer une nouvelle consultation pour l'ensemble des lots dans les conditions mentionnées ci-dessus ; que, dès lors, l'ONF n'est pas fondé à réclamer à cette société la somme de 100 000 euros au titre des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subi à ce titre ;
En ce qui concerne la somme de 40 000 euros au titre de la " citation abusive " :
13. Considérant qu'à supposer que les conclusions par lesquelles l'ONF demande la condamnation de la société AL'X création à lui verser une somme de 40 000 euros " pour citation abusive " puissent être regardées comme tendant en réalité à l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, ces conclusions ne sont pas recevables dès lors que la faculté prévue par cet article constitue un pouvoir propre du juge ; qu'à supposer que ces conclusions puissent être regardées comme tendant à réparer un préjudice particulier subi par l'ONF en raison du caractère abusif de la requête de la société AL'X création, il ne résulte pas de l'instruction que l'action contentieuse de la société requérante ait en l'espèce été abusive ; que, dès lors, l'ONF n'est en tout état de cause pas fondé à réclamer une somme de 40 000 euros à ce titre ;
14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société AL'X création et l'ONF ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes indemnitaires ; que leurs conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'en vertu de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui reproduit les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;
16. Considérant qu'il ne ressort pas des mémoires présentés par l'ONF en première instance et en appel qu'ils comportent des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que, dès lors, les conclusions présentées par la société AL'X création à ce titre doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONF, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au bénéfice de la société AL'X création au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société AL'X création le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'ONF et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société AL'X création est rejetée.
Article 2 : La société AL'X création versera à l'office national des forêts une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'office national des forêts est rejeté.
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N° 11PA00973