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29/11/2012 | FRANCE | N°11PA03777

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 29 novembre 2012, 11PA03777


Vu la requête enregistrée le 12 août 2011, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101355/5-1 du 13 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 23 décembre 2010 refusant à M. Abed A la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire en fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

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°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Par...

Vu la requête enregistrée le 12 août 2011, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101355/5-1 du 13 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 23 décembre 2010 refusant à M. Abed A la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire en fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, le protocole relatif à la gestion concertée des migrations et le protocole en matière de développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

Vu la loi n° 2009-586 du 25 mai 2009 autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne ;

Vu le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 portant publication de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Versol,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Boulafrah pour M. A ;

1. Considérant que, par arrêté du 23 décembre 2010, le préfet de police a refusé de délivrer à M. A un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; que, par jugement du 13 juillet 2011, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, au motif qu'ont été méconnues les stipulations du d de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A un titre de séjour ; que le préfet de police relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non recevoir opposée par M. A :

2. Considérant que le préfet de police, étant défendeur de première instance, est recevable à soulever pour la première fois en appel tout moyen nouveau ; que M. A n'est dès lors pas fondé à soutenir que le moyen présenté en appel par le préfet de police et tiré de ce qu'il ne résidait pas en France depuis plus de dix ans à la date de l'entrée en vigueur de l'avenant modifiant l'accord franco-tunisien, différent des moyens soulevés en défense devant le tribunal administratif, constituerait une prétention nouvelle et serait pour ce motif irrecevable ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement :

3. Considérant qu'aux termes du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dans sa rédaction issue de l'article 2 de l'accord-cadre du 28 avril 2008 : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : / - les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans " ; que l'accord-cadre signé à Tunis le 28 avril 2008 étant, en application de l'article 2 de son protocole, entré en vigueur le 1er juillet 2009, c'est à cette date et non à celle de l'arrêté contesté qu'il convient, pour la délivrance de plein droit à un ressortissant tunisien d'un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, d'apprécier la condition de résidence habituelle en France depuis plus de dix ans prévue par les stipulations précitées ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de sa résidence en France au titre de l'année 1999, M. A n'a produit qu'une facture d'achat d'un lave-linge, datée du 23 juillet 1999, et une ordonnance établie par un médecin généraliste, datée du 12 novembre 1999, et, au titre de l'année 2000, uniquement des justificatifs se rapportant au deuxième semestre de l'année ; que, dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations précitées du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien modifié pour annuler l'arrêté contesté ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;

Sur la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que les décisions contestées énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent ; qu'elles indiquent notamment que M. A a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et n'est pas en mesure d'attester de façon probante de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, qu'au surplus, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, enfin, que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées manque en fait ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b) et du d) de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que M. A, qui ne se prévaut d'aucun mariage avec un ressortissant de nationalité française, ne peut utilement invoquer les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en citant lesdites dispositions dans sa demande devant le Tribunal administratif de Paris, M. A doit être regardé comme ayant en réalité entendu se prévaloir des dispositions du 7 ° dudit article L. 313-11 ; que, toutefois, si M. A fait valoir qu'il séjourne sur le territoire français depuis près de quatorze ans, il ne l'établit pas ; que, célibataire et sans charge de famille sur le territoire français, il ne se prévaut d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à son retour en Tunisie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et où il n'établit pas être démuni d'attaches familiales, nonobstant l'insertion sociale et professionnelle dont il se prévaut ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que M. A n'est dès lors pas fondé à soutenir que cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. A ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-CE" s'il dispose d'une assurance maladie. La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence (...) " ;

10. Considérant que si M. A soutient pouvoir prétendre au bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant qu'il ne justifie pas avoir résidé de façon ininterrompue au moins cinq années en France dans des conditions conformes aux lois et règlements en vigueur ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 décembre 2010 et lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour ;

12. Considérant que l'exécution du présent arrêt n'implique pas que la demande de M. A soit réexaminée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par M. A et ses conclusions d'appel sont rejetées.

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N° 11PA03777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03777
Date de la décision : 29/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BOULAFRAH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-29;11pa03777 ?
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