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27/09/2012 | FRANCE | N°10PA04906

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 27 septembre 2012, 10PA04906


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 5 octobre 2010 et le 12 avril 2011, présentés pour M. et Mme Jean-Marie A demeurant ..., par Me Brancaleoni ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0616546/2-3 du 29 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 et le complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 199

8, ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions ;

2°) de prononc...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 5 octobre 2010 et le 12 avril 2011, présentés pour M. et Mme Jean-Marie A demeurant ..., par Me Brancaleoni ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0616546/2-3 du 29 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1997 et le complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1998, ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1954 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2012 :

- le rapport de M. Bossuroy,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Brancaleoni, pour M. et Mme A ;

1. Considérant que M. et Mme A ont déclaré à l'administration fiscale avoir transféré leur domicile dans ce pays à compter du 1er juillet 1997 ; qu'à la suite d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 1997 et 1998, l'administration a notamment estimé que le domicile fiscal des intéressés était demeuré en France et leur a notifié des redressements en matière de revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 1997 et en matière de traitements et salaires, sur le fondement des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, au titre des années 1997 et 1998 ; qu'ils relèvent appel du jugement du 29 juillet 2010 en tant que, par cette décision, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à leur demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes ; que, par la voie du recours incident, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat relève appel du même jugement en tant qu'il a prononcé la réduction de la base des contributions sociales assignée à M. et Mme A au titre de l'année 1997 et déchargé les contribuables des majorations pour mauvaise foi afférentes aux contributions sociales établies au titre de l'année 1997 ainsi que de la majoration pour manoeuvres frauduleuses afférente au complément d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1998 ;

Sur la requête de M. et Mme A :

En ce qui concerne la domiciliation fiscale des contribuables :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " et qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal... " ; qu'il résulte de l'instruction que les requérants disposaient de lieux d'habitations tant en France qu'au Luxembourg, sans qu'il soit possible de déterminer si leur foyer se situait plutôt en France ; que l'administration soutient que le relevé des opérations bancaires des intéressés révèle une présence en France de 130 jours au cours du second semestre de l'année 1997 et de 169 jours au cours de l'année 1998 ; que si les contribuables font valoir que ces opérations ne correspondent pas toutes nécessairement à un séjour d'une journée en France, ils n'établissent pas avoir séjourné plus longtemps dans un autre pays ; qu'il doivent, par suite, être regardés comme ayant eu leur domicile fiscal en France au cours du second semestre de l'année 1997 et au cours de l'année 1998 ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2-4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1954 : " Le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens de foyer permanent d'habitation ou, à défaut, au lieu du séjour principal... " ; que l'administration reconnaît que M. et Mme A disposaient de foyers d'habitation permanents à la fois en France et au Luxembourg ; qu'il résulte, par ailleurs, de ce qui a été dit ci-dessus à propos de la législation française, que le lieu de séjour principal des intéressés était situé en France ; que, dans ces conditions, les requérants ne peuvent soutenir que les stipulations de la convention s'opposeraient à leur imposition en France ;

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. II. Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France " ; que, par une convention conclue le 1er juillet 1997, la société Olitec, établie en France, a confié à la société Olitec International le soin de mettre en place une stratégie de développement, lui déléguant la direction des ventes, la promotion de son image de marque et sa communication, en contrepartie du versement d'une redevance de 5 % de son chiffre d'affaires, ramenée à 4% par un avenant du 1er septembre 1997 ; que l'administration a estimé qu'une partie des ces redevances rémunéraient les prestations offertes à la société Olitec par M. et Mme A et a imposé les sommes correspondantes entre leurs mains dans la catégorie des traitements et salaires sur le fondement des dispositions précitées de l'article 155 A, pour des montants nets respectifs de 585 181 F et de 692 288 F au titre des années 1997 et 1998, après les dégrèvements prononcés avant la saisine de la Cour ;

5. Considérant, en premier lieu, que, par sa décision du 26 novembre 2010 n° 2010-70 QPC, le Conseil constitutionnel a jugé que l'article 155 A du code général des impôts ne méconnait aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, sous la réserve d'interprétation tirée de ce que " dans le cas où la personne domiciliée ou établie à l'étranger reverse en France au contribuable tout ou partie des sommes rémunérant les prestations réalisées par ce dernier, la disposition contestée ne saurait conduire à ce que ce contribuable soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt " ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, en imposant en France des sommes qui le seraient aussi au Luxembourg l'administration n'a pas méconnu l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel aux dispositions de l'article 155 A ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne, alors applicable : "...les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre " ; que, toutefois, les requérants font eux-mêmes valoir qu'ils ne contrôlent pas la société Olitec International ; que, dans ces conditions, la mise en oeuvre en l'espèce des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts à leur encontre n'a pas été de nature à les dissuader de créer ou de transférer à l'étranger une entité par l'intermédiaire de laquelle ils sont rémunérés ; que, par ailleurs, les requérants, imposés sur le fondement de ces dispositions en tant que salariés de la société Olitec International, ne peuvent se prévaloir pour ce qui les concerne de la liberté d'établissement qui ne s'applique qu'aux professions indépendantes ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 43 du traité ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1954 : " (...) les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus " ; que les requérants n'établissent pas que l'activité professionnelle pour laquelle ils étaient rémunérés par la société Olitec International était exercée au Luxembourg ; que, par suite, les stipulations précitées de la convention du 1er avril 1954 ne font pas obstacle à ce que les sommes en litige soient imposées en France sur le fondement de l'article 155 A ;

8. Considérant, en dernier lieu, que si M. et Mme A font valoir que la société Olitec International exerçait principalement une activité autre que celle consistant à rémunérer les dirigeants de la société Olitec, il s'agit d'une activité de prestations de services qui ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 155 A ;

En ce qui concerne les pénalités :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 1997 et 1998 : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses... " ;

S'agissant des pénalités pour mauvaise foi appliquées aux revenus de capitaux mobiliers perçus au cours du premier semestre 1997 :

10. Considérant que M. et Mme A avaient omis de déclarer, au titre du premier semestre 1997 précédant la date à partir de laquelle ils avaient déclaré s'être domiciliés au Luxembourg, les intérêts d'un total de 292 026 F perçus sur leur compte ouvert à la Banque Internationale à Luxembourg et les intérêts d'un total de 23 529 F provenant d'un prêt consenti à M. B ; qu'en invoquant uniquement la circonstance que ces sommes apparaissaient distinctement sur les relevés bancaires des intéressés, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le défaut de déclaration de ces revenus procédait d'une intention délibérée d'éluder l'impôt ; que ces pénalités doivent, par suite, faire l'objet d'une décharge ;

S'agissant des pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées aux revenus de capitaux mobiliers perçus au cours du second semestre de l'année 1997 :

11. Considérant que l'administration fait valoir que les contribuables ont tenté de dissimuler le fait qu'ils avaient conservé leur résidence en France après le 1er juillet 1997 en interposant des sociétés écrans destinées à masquer leur qualité de propriétaire d'une maison à Essey-les-Nancy, en évitant d'apparaître sur les factures de consommation d'électricité et de téléphone et en utilisant des sociétés civiles immobilières pour poursuivre leurs investissements immobiliers en France ; que, dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, la présence en France du foyer des requérants n'est pas établi, ces éléments ne suffisent pas à caractériser l'existence de manoeuvres destinées à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration ; que l'administration n'établit pas non plus que M. et Mme A étaient de mauvaise foi en déclarant qu'ils déplaçaient leur domicile au Luxembourg ; que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées aux revenus de capitaux mobiliers perçus au cours du second semestre de l'année 1997 doivent, par suite, faire l'objet d'une décharge ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande de décharge des pénalités pour mauvaise foi appliquées aux revenus de capitaux mobiliers perçus au cours du premier semestre 1997 et des pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées aux revenus de capitaux mobiliers perçus au cours du second semestre de l'année 1997 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur le recours incident du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat :

13. Considérant, en premier lieu, que, par les articles 2 et 3 du jugement contesté, le Tribunal administratif de Paris a décidé de réduire la base des contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A au titre de l'année 1997 du montant des sommes imposées à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts et prononcé la décharge correspondante desdites contributions ; que, toutefois, les sommes imposées à l'impôt sur le revenu sur le fondement de cet article n'étaient pas comprises dans les bases d'impositions des contributions sociales ; que les articles 2 et 3 du jugement étaient, par suite, sans objet ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que, par l'article 5 du jugement, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées au complément d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1998 en application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts en relevant que l'administration n'avait contesté, ni la validité de la convention passée entre les sociétés Olitec et Olitec International, ni la réalité des prestations effectuées, ce qui, d'ailleurs, après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Meurthe-et-Moselle, l'a conduite à réduire le redressement notifié à la société Olitec relatif aux rémunérations attribuées aux dirigeants ; que l'administration fait valoir en appel que l'absence de déclaration des salaires des contribuables résulte de manoeuvres frauduleuses consistant à faire indûment prendre en charge leurs salaires par la société luxembourgeoise alors que les prestations de services étaient en réalité rendues en France au sein de la société Olitec ; que, toutefois, le ministre ne conteste pas les motifs de décharge retenus par le tribunal, tirés de la validité de la convention conclue entre les sociétés et de la réalité des prestations reconnue dans le cadre du litige opposant le service à la société Olitec ; que le moyen soulevé par le ministre sur ce point doit par suite être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est seulement fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement ;

D E C I D E :

Article 1er : M. et Mme A sont déchargés des pénalités pour mauvaise foi appliquées aux revenus de capitaux mobiliers perçus au cours du premier semestre 1997 et des pénalités pour manoeuvres frauduleuses appliquées aux revenus de capitaux mobiliers perçus au cours du second semestre de l'année 1997.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les articles 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2010 sont annulés.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

Article 6 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.

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N° 10PA04906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04906
Date de la décision : 27/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-01 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Légalité des dispositions fiscales.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. François BOSSUROY
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BRANCALEONI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-09-27;10pa04906 ?
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