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31/07/2012 | FRANCE | N°12PA01139

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 31 juillet 2012, 12PA01139


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2012, présentée pour M. Diadié A, demeurant ..., par Me Sylla ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1114707/1-1 du 8 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 22 juillet 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à

compter de la notification du jugement et de lui délivrer, durant ce réexame...

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2012, présentée pour M. Diadié A, demeurant ..., par Me Sylla ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1114707/1-1 du 8 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 22 juillet 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, durant ce réexamen et dans le même délai, une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte provisoire de séjour, de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de Mme Macaud, rapporteur ;

Considérant que M. A, de nationalité malienne, né le 1er avril 1968, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant d'une promesse d'embauche en qualité d'agent polyvalent de restauration ; que, par arrêté du 22 juillet 2011, le préfet de police a opposé un refus à sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. A relève régulièrement appel du jugement du 8 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l 'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention " salarié " lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention " travailleur temporaire " lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois (...) " ; qu'aux termes enfin de l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisé : " La situation de l'emploi ou l'absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n'est pas opposable à une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté " ;

Considérant, en premier lieu, que la décision litigieuse vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 313-14 dont il est fait application ; que l'arrêté mentionne que le seul fait de disposer d'une promesse d'embauche ne constitue pas, à lui seul, un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14, que le métier pour lequel M. A dispose d'une promesse d'embauche ne figure pas dans la liste des métiers annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne et que la situation de l'intéressé ne permet pas davantage de le regarder comme justifiant d'un motif exceptionnel ou de considérations humanitaires ; que le préfet de police a également précisé que M. A n'était pas en mesure d'attester de façon probante d'une ancienneté de résidence en France depuis plus de 10 ans, qu'il est célibataire sans charge de famille, qu'il n'est pas démuni d'attaches familiales à l'étranger où réside sa mère et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, la décision de refus de titre de séjour, qui comporte les considérations de droit et énonce de manière suffisamment précise et circonstanciée les considérations de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite selon les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 341-2, aujourd'hui repris à l'article L. 5221-2, la circonstance, à la supposer même établie, que le préfet de police aurait saisi la direction régionale des entreprises et de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi est sans incidence sur la légalité de la décision dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a apprécié la demande de M. A au regard, notamment, des conditions posées à l'article L. 313-14 précité et ne s'est pas estimé lié par la décision qu'aurait prise la direction régionale des entreprises et de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

Considérant, en troisième lieu, que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui justifient de la condition de résidence habituelle de plus de dix ans et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions ; que si M. A soutient qu'il est présent sur le territoire français depuis 11 ans, les pièces qu'il produit, notamment les bulletins de salaire d'un dénommé B, ne sont pas suffisamment probantes pour établir le caractère habituel de sa résidence en France, en particulier au titre des années 2003 à 2007 incluses ; que si M. A produit, devant la Cour, son livret A, il ressort de celui-ci qu'une seule opération a été réalisée entre le 15 février 2002 et le 9 juin 2007, opération effectuée le 7 mai 2005 ; que le document, également produit pour la première fois devant la Cour, confirmant un rendez-vous médical à l'hôpital Tenon le 7 septembre 2006 ne suffit pas pour établir que l'intéressé résidait en France en 2006 ; que M. A n'établissant pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, le préfet de police n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande de titre de séjour ;

Considérant, en quatrième lieu, que, saisie d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présente pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la demande de titre de séjour déposée par M. A, que ce dernier a sollicité une carte de séjour temporaire en se prévalant d'une promesse d'embauche comme agent polyvalent de restauration ; que toutefois, ce métier ne figure pas sur la liste annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 des métiers répertoriés comme étant exposés à des difficultés particulières de recrutement pour la région Ile-de-France, liste à laquelle le préfet doit se référer ; que si M. A fait valoir qu'il travaille en France, dans le domaine de la restauration, depuis décembre 2000 et qu'il dispose d'une solide expérience et d'un contrat de travail avec le même employeur depuis 2007, ces circonstances ne sauraient être regardées comme des motifs exceptionnels permettant, en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la délivrance d'un titre de séjour " salarié " ; qu'en outre, M. A ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 7 janvier 2008, qui a été annulée par le Conseil d'Etat par un arrêt du 23 octobre 2009 ; que, dans ces conditions, et en l'absence de toute autre circonstance particulière, le préfet de police n'a pas méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la demande d'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si M. A fait valoir qu'il est entré sur le territoire en 2000 et qu'il parle couramment la langue française, il est constant qu'il est célibataire, sans charge de famille en France alors que sa mère et une fille résident au Mali, son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans ; que, par suite, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté en litige n'a pas porté aux droits de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations sus-rappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, que si M. A se prévaut des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ", celles-ci ne peuvent être utilement invoquées que par les personnes qui soutiennent avoir été victimes d'une discrimination au regard de l'un des droits reconnus par cette convention ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'intéressé n'invoquant la méconnaissance, combinée à celle de l'article 14 précité, d'aucune autre stipulation conventionnelle renvoyant à un droit protégé par la convention ; que ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'omission à statuer, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2011 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 10PA03855

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N° 12PA01139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA01139
Date de la décision : 31/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Audrey MACAUD
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : SYLLA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-07-31;12pa01139 ?
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