Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2011, présentée pour Mme Rachida A, demeurant ..., par Me Lautredou ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0814579/6-1 du 25 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 81 684, 22 euros, en réparation des préjudices résultant de l'intervention qu'elle a subi à l'hôpital européen Georges Pompidou ;
2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 139 141, 48 euros pour l'indemnisation de ses préjudices, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :
- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Munier pour Mme A et celles de Me Litaudon pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Considérant que Mme A, alors âgée de 42 ans, suivie depuis de nombreuses années à l'Institut mutualiste Montsouris pour la maladie de Barlow, a été prise en charge par l'hôpital européen Georges Pompidou pour une altération de la fonction systolique diagnostiquée en mars 2006 ; qu'en vue d'une réparation chirurgicale de la valve mitrale, il lui a été proposé deux voies d'abord de l'organe cardiaque ; que la requérante a choisi la thoracotomie antéro-latérale de préférence à la sternotomie ; que cette intervention chirurgicale a eu lieu le 19 juin 2006 ; que toutefois une hémorragie massive est intervenue à la suite de cette opération, et a nécessité une nouvelle opération, dite de reprise, qui a été pratiquée en urgence, quatre heures après la première, par le chirurgien de garde ; que Mme A se plaint désormais d'une fracture déplacée et enfoncée de l'arc antérieur de la 4ème côte droite ayant entrainé une hernie pulmonaire et des douleurs thoraciques importantes ; que le Tribunal administratif de Paris, saisi d'une requête en référé expertise et provision de Mme A, a, par une ordonnance en date du 17 décembre 2008, désigné le professeur B pour procéder à une mesure d'expertise et rejeté la demande de provision ; que le professeur B a déposé son rapport d'expertise le 29 septembre 2009 ; que parallèlement Mme A, après avoir reçu le 8 juillet 2008 une réponse négative à sa demande adressée le 31 mars 2008 à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris
(AP-HP), a recherché la responsabilité de cette dernière devant le Tribunal administratif de Paris ; que par un jugement en date du 25 janvier 2011, dont elle relève régulièrement appel, le tribunal a retenu, d'une part, que la responsabilité de l'AP-HP était engagée pour absence fautive d'information préalable sur les risques d'atteinte thoracique et de hernie pulmonaire encourus en cas de thoracotomie, et d'autre part, que cette faute commise par l'AP-HP n'avait pas entraîné de perte de chance pour Mme A de se soustraire auxdits risques qui se sont réalisés ;
Sur la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :
En ce qui concerne la faute médicale :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du professeur B, que l'intervention chirurgicale par voie de thoracotomie antérolatérale était une alternative justifiée à la voie d'abord qu'est la sternotomie compte tenu des conséquences esthétiques afférentes à cette dernière technique ; que le rapport d'expertise indique qu'aucune faute n'a été commise dans le choix thérapeutique et que le geste chirurgical a été réussi ; qu'enfin, l'opération en cause ne pouvant être regardée comme un acte bénin, la survenance de la complication ne révèle pas, par elle-même, l'existence d'une faute médicale ;
Considérant par ailleurs que si Mme A fait grief au professeur B de ne pas avoir pris en compte d'autres séquelles des interventions litigieuses et, notamment, l'apparition d'une insuffisance cardiaque postérieurement à celles-ci, les certificats médicaux produits en instance d'appel comme en première instance n'imputent nullement cette insuffisance cardiaque à une faute commise lors desdites interventions, ni ne remettent en cause le bien-fondé de l'indication opératoire ; qu'il en va de même pour le retrait d'une partie de côte qui, selon la requérante, aurait été mis en évidence récemment ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le caractère fautif allégué dans le choix de la thoracotomie comme voie d'abord ne pouvait qu'être écarté ;
Considérant enfin que Mme A reprend en appel les critiques qu'elle a exposées devant les premiers juges concernant son suivi postopératoire ; qu'il y a lieu de les écarter par adoption des motifs du jugement attaqué ;
En ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent dispenser un professionnel de santé de cette obligation d'information et, en cas de litige, il appartient audit professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter par tout moyen la preuve de l'accomplissement de cette obligation ; que toutefois, dans une telle hypothèse, la victime ne peut prétendre à la réparation de la totalité des dommages subis, mais seulement à celle de la part de ces dommages correspondant à la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé, et celle-ci doit être ainsi fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis " ;
Considérant qu'au cas d'espèce, ainsi que l'on relevé les juges de première instance, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'ait été donnée à Mme A, conformément aux dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, l'information requise concernant, d'une part, le risque d'atteinte thoracique encouru en cas de thoracotomie, et d'autre part, le risque de hernie pulmonaire dont l'expert relève du reste qu'il n'est pas d'usage, compte tenu de sa rareté, d'en faire mention avant une telle opération ; qu'il résulte des pièces du dossier que si l'insuffisance mitrale dont souffrait Mme A nécessitait impérativement un traitement, ce traitement pouvait être administré selon une voie d'abord alternative moins risquée, la sternotomie ; que, s'agissant du risque supplémentaire d'atteinte thoracique associé à l'option thoracotomique, il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise que, premièrement, le cardiologue de l'Institut mutualiste Montsouris que Mme A avait consulté avant de s'adresser à l'hôpital européen Georges Pompidou et qui avait préféré, en raison de sa maîtrise insuffisante de la voie d'abord par thoracotomie antéro-latérale, ne pas pratiquer lui-même le geste opératoire, lui avait délivré, aux termes mêmes du rapport d'expertise, une information suffisante sur les bénéfices et les risques de cette voie d'abord, et que, deuxièmement, Mme A a fait preuve, durant toute la phase préopératoire, d'une prédilection marquée pour la voie d'abord thoracotomique au regard des avantages esthétiques qu'elle en escomptait, ce dont témoigne en particulier sa décision, fondée précisément sur ce motif, de ne pas subir la plastie mitrale à l'Institut mutualiste Montsouris, mais de s'adresser au service de cardiologie de l'hôpital européen Georges Pompidou ; que, par suite, la faute commise par l'AP-HP en ne délivrant pas l'information requise n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour Mme A de se soustraire au risque de lésions costales qui s'est réalisé ; que, s'agissant du risque de hernie pulmonaire, il ne résulte pas de l'instruction que la sternotomie, pour être globalement moins risquée que la thoracotomie antéro-latérale, aurait permis de réduire le risque particulier de hernie pulmonaire qui s'est finalement réalisé, compte tenu de ce qu'il ne résulte pas de façon certaine du rapport d'expertise que, s'agissant de ce risque spécifique, il existe un différentiel entre les deux voies d'abord ; que, par suite, la faute commise par l'AP-HP n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour Mme A de se soustraire au risque de hernie pulmonaire qui s'est réalisé ;
Considérant que si Mme A soutient en appel que les premiers juges n'auraient pas du prendre en compte l'information délivrée par les médecins de l'Institut mutualiste Montsouris sur les bénéfices et les risques de la voie thoracotomique antéro-latérale, l'éventuel mal-fondé de ce motif est sans incidence sur la pertinence de leur raisonnement mettant en évidence à titre principal, comme le rapport d'expertise, sa préférence persistante pour cette voie opératoire ; que, par ailleurs, le premier risque qui s'est réalisé est celui d'une hémorragie, qui, ainsi que le souligne le professeur B, constitue une complication inhérente à la chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle, totalement indépendante du choix de la voie d'abord à l'organe cardiaque ; qu'un défaut d'information sur ce point ne saurait, en tout état de cause, ouvrir droit à indemnisation en raison du caractère indispensable de l'intervention et d'absence d'alternative thérapeutique moins risquée sur ce point ; qu'enfin, si le second risque qui s'est réalisé est celui d'une fracture de la quatrième côte, il résulte du rapport d'expertise que ladite fracture est très probablement intervenue lors de la seconde intervention qui, réalisée en urgence, ne pouvait, en pareille circonstance, être nécessairement précédée d'une information sur ce risque ; qu'il résulte du rapport du professeur B qu'un risque de fractures existait également en cas de choix de l'autre voie opératoire, celles-ci étant seulement moins douloureuses ; que par suite, eu égard aux inconvénients esthétiques de cette autre voie auxquels Mme A était manifestement très sensible, celle-ci aurait selon toute probabilité fait prévaloir à l'avantage esthétique sur l'éventualité de douleurs post opératoires plus importantes ; que de même, la hernie n'est elle-même que la conséquence de la fracture consécutive à la seconde opération s'agissant, selon l'expert, d'un risque extrêmement rare dont la connaissance n'aurait très vraisemblablement pas fait renoncer Mme A à la première intervention ;
Considérant, enfin, que le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique de Mme A résultant des interventions litigieuses est inférieur au taux de 24% fixé par l'article 1er du décret n° 2003-314 du 4 avril 2003, et que l'expert n'a pas retenu d'incapacité temporaire de travail résultant des interventions litigieuses au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ; que, par voie de conséquence, Mme A ne saurait prétendre à une indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions de Mme A, appelante principale, tendant à voir la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris engagée, les conclusions présentées par la MGEN de même que les conclusions présentées par Mme A et par la MGEN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner Mme A à verser à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 900 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A et les conclusions de la MGEN sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 10PA03855
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N° 11PA01451