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05/07/2012 | FRANCE | N°11PA04560

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 05 juillet 2012, 11PA04560


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105011/3-3 du 20 septembre 2011 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a annulé la décision du 2 mars 2011 fixant la Côte d'Ivoire comme pays à destination duquel M. A est susceptible d'être reconduit et a condamné l'Etat à verser à ce dernier une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de

Paris ;

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Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105011/3-3 du 20 septembre 2011 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a annulé la décision du 2 mars 2011 fixant la Côte d'Ivoire comme pays à destination duquel M. A est susceptible d'être reconduit et a condamné l'Etat à verser à ce dernier une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2012 :

- le rapport de Mme Julliard, rapporteur ;

Sur l'appel principal du PREFET DE POLICE :

Considérant que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement du 20 septembre 2011 du Tribunal administratif de Paris, en tant que ce dernier a annulé la décision du 2 mars 2011 fixant la Côte d'Ivoire comme pays à destination duquel M. A est susceptible d'être reconduit ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ", ce dernier article stipulant que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose, et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que, pour annuler la décision du 2 mars 2011 fixant la Côte d'Ivoire comme pays à destination duquel M. A était susceptible d'être reconduit, le Tribunal administratif de Paris a considéré qu'eu égard à l'activité professionnelle de l'intéressé, qui appartenait avant son arrivée en France aux forces de police ivoiriennes, et à la situation politique en Côte d'Ivoire à la date de l'arrêté attaqué, il risquait, en cas de retour dans son pays d'origine, d'être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'il appartenait, en effet, au PREFET DE POLICE en application des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier que la mesure d'éloignement décidée n'exposait pas M. A à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que compte tenu de la grave instabilité politique prévalant en Côte d'Ivoire à la suite des élections présidentielles du 28 décembre 2010, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, n'aurait pas été entachée d'une erreur d'appréciation des risques encourus par M. A en cas de reconduite dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 2 mars 2011 fixant le pays de destination de l'éloignement de M. A ;

Sur les conclusions incidentes de M. A :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 776-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ainsi que contre les décisions relatives au séjour lorsqu'elles sont assorties d'une obligation de quitter le territoire français obéissent, sous réserve des dispositions des articles L. 514-1, L. 514-2 et L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux règles définies par les articles L. 512-1 et L. 512-2 à L. 512-4 du même code. " ; et qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. La même autorité peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1. L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. Les dispositions du titre V du présent livre peuvent être appliquées à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sauf s'il a été placé en rétention. " ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 776-1 du code de justice administrative et de l'article

L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation par le tribunal de la décision fixant le pays de renvoi entraînerait par elle-même celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ; que ce moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant, en premier lieu, que M. A soutient que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à l'exemplarité de son intégration sociale et professionnelle, partie intégrante de la vie privée protégée par lesdites stipulations ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé qui a déclaré être entré en France le 25 novembre 2005 est reparti en Côte d'Ivoire au cours de l'année 2009 ; que s'il s'est marié avec une ressortissante française le 29 septembre 2008, il est constant qu'à la date de la décision litigieuse, une procédure de divorce avait été engagée et que la communauté de vie avait cessé avec son épouse ; que s'il se prévaut de sa situation professionnelle et des diplômes acquis en France, eu égard à la faible durée de sa présence continue sur le sol français et à la circonstance qu'il y est sans charge de famille alors que résident en Côte d'Ivoire son enfant mineur et l'ensemble de sa fratrie, il n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour les motifs précédemment exposés, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, enfin, que la décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de priver M. A du droit d'assurer sa défense au cours de la procédure de divorce engagée, dès lors qu'il est représenté par son avocat devant le juge des affaires familiales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d'appel incident de M. A tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français du 20 septembre 2011, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions incidentes de M. A tendant à l'annulation de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de M. A est rejeté.

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N° 10PA03855

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N° 11PA04560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04560
Date de la décision : 05/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-07-05;11pa04560 ?
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