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08/06/2012 | FRANCE | N°11PA03623

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juin 2012, 11PA03623


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 28 septembre 2011, présentés pour la SOCIÉTÉ ANONYME FONCIÈRE EURIS, dont le siège est 83, rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris (75008), par Me Bellony ; la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102929 en date du 31 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution d'une somme de 193 064 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée non déduite par elle entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002 ;
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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 28 septembre 2011, présentés pour la SOCIÉTÉ ANONYME FONCIÈRE EURIS, dont le siège est 83, rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris (75008), par Me Bellony ; la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102929 en date du 31 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution d'une somme de 193 064 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée non déduite par elle entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002 ;

2°) de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi acquittée au titre de cette période ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2012 :

- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Bellony, pour la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS ;

Considérant que la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS, société holding dont l'activité consistait à gérer les participations qu'elle détenait, ainsi que sa propre trésorerie, et à réaliser des prestations pour les sociétés de son groupe, auxquelles elle consentait notamment des prêts générant des produits financiers, relève appel du jugement en date du 31 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée non déduite par elle entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés (...) ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes années à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. / (...) " ;

Considérant que seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

Considérant qu'aux termes de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la TVA due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti (...) " ; qu'aux termes de l'article 17, paragraphe 5, de cette directive : " En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Ce prorata est déterminé, pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti, conformément à l'article 19 (...) " ; qu'aux termes de l'article 19 de la même directive : " 1. Le prorata de déduction prévu par l'article 17, paragraphe 5, premier alinéa, résulte d'une fraction comportant : - au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l'article 17, paragraphes 2 et 3, - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations n'ouvrant pas droit à déduction (...) / 2. Par dérogation au paragraphe 1, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, (...) du montant du chiffre d'affaires afférent aux opérations accessoires immobilières et financières ou à celles visées à l'article 13 sous B sous d, lorsqu'il s'agit d'opérations accessoires " ; qu'en vertu de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions de l'article 19 de ladite directive, dans sa rédaction issue du décret du 3 juin 1994, il est fait abstraction, pour le calcul du pourcentage de déduction, du montant du chiffre d'affaires afférent au produit des opérations financières exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée et " présentant un caractère accessoire par rapport à l'activité principale de l'entreprise, à la condition que ce produit représente au total 5 % au plus du montant du chiffre d'affaires total, toutes taxes comprises, du redevable " ; que, toutefois, par la décision " EDM ", rendue dans l'affaire C-77/01 le 29 avril 2004, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que l'octroi annuel par un holding de prêts rémunérés aux sociétés dans lesquelles il détient une participation devait être considéré, lors du calcul du prorata de déduction visé aux articles 17 et 19 de la sixième directive, " comme des opérations accessoires au sens de l'article 19, paragraphe 2 (...), dans la mesure où elles n'impliquent qu'une utilisation très limitée de biens ou de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due " et que, " quoique l'ampleur des revenus générés par les opérations financières relevant du champ d'application de la sixième directive puisse constituer un indice de ce que ces opérations ne doivent pas être considérées comme accessoires au sens de ladite disposition, le fait que des revenus supérieurs à ceux produits par l'activité indiquée comme principale par l'entreprise concernée sont générés par de telles opérations ne saurait à lui seul exclure la qualification de celles-ci d'" opérations accessoires " " ; que la décision " EDM " de la Cour de justice des Communautés européennes doit ainsi être regardée comme une décision juridictionnelle ayant révélé la non-conformité à une règle de droit supérieure, au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, en tant qu'il définissait la notion d'" opération accessoire " par référence à un seuil prédéterminé correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires du redevable de la taxe, et comme constituant un événement nouveau, au sens du c) de l'article R. 196-1 du même livre ;

Considérant que la réclamation de la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS, qui était fondée sur la non-conformité au droit de l'Union des dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts dont elle avait fait application, portait sur les périodes couvrant les années 2000 à 2002 comprises, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, et a été reçue par l'administration le 4 décembre 2006, soit dans le délai fixé par les dispositions précitées du c) de l'article R. 196-1 du même livre ; que, dans ces conditions, la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevable sa demande au motif que sa réclamation avait été introduite tardivement ; que le jugement attaqué doit dès lors être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions de la demande :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;

Considérant qu'une activité économique ne saurait être qualifiée d'accessoire, au sens des dispositions de l'article 19, paragraphe 2 de la directive du 17 mai 1977 susvisée, si elle constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable de l'entreprise ou si elle implique une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due ;

Considérant que la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS, qui ne conteste pas que son activité de prêt constituait une activité économique entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée mais exonérée de taxe, soutient que cette activité n'a impliqué qu'une utilisation très limitée de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée était due ; que, toutefois, elle ne l'établit pas en se prévalant de la part des écritures comptables censées se rapporter aux produits financiers générés par cette activité ; qu'elle ne l'établit pas davantage en se prévalant du temps consacré par les commissaires aux comptes à " l'audit des comptes courants débiteurs et des produits financiers liés " ; que la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS ne fournit aucun chiffrage des charges et immobilisations affectées aux différentes activités exercées au cours des périodes en litige, ni aucun élément permettant de répartir ses charges entre ces activités ; qu'à supposer même que son activité de prêt ne constituait pas le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable, il s'ensuit que la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS n'établit pas que les opérations de prêt qu'elle a réalisées présentaient un caractère accessoire, au sens de l'article 19, paragraphe 2, de la directive du 17 mai 1977 susvisée, et qu'il devait ainsi être fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, du montant du chiffre d'affaires correspondant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées devant la Cour de céans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1102929 du Tribunal administratif de Paris en date du 31 mai 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SOCIÉTÉ FONCIÈRE EURIS devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

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N° 11PA03623


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03623
Date de la décision : 08/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Délai.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Cas des entreprises qui n'acquittent pas la TVA sur la totalité de leurs affaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : SELAS BELLONY ASSOCIÉS ; SELAS BELLONY ASSOCIÉS ; SELAS BELLONY ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-08;11pa03623 ?
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