Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2010, présentée pour M. Philippe A, demeurant à ..., par Me Usang ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française n° 1000124 en date du 17 août 2010 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes couvrant les années 2005, 2006 et 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
........................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal ;
Vu le code des impôts de la Polynésie française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2012 :
- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;
Considérant que M. A, qui exploite à titre individuel une entreprise de marchand de sable et de travaux du bâtiment, a fait à ce titre l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office en l'absence de production d'une comptabilité, à l'issue de laquelle ont été mis à sa charge des rappels de taxe au titre des périodes couvrant les années 2005 à 2007 ; que M. A relève appel du jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 17 août 2010 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué ; qu'aucune disposition de ce code n'impose qu'elles soient également, à peine d'irrecevabilité, accompagnées du courrier de notification de ce jugement ; que la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française et tirée de ce que la requête de M. A n'est pas accompagnée du courrier de notification du jugement attaqué doit dès lors être rejetée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il est constant que les impositions litigieuses procèdent d'une reconstitution des chiffres d'affaires de l'entreprise de M. A, réalisée sur la base de relevés du compte bancaire utilisé pour les besoins de l'exploitation, et que ces relevés ont été obtenus grâce à l'exercice par le service des contributions du droit de communication prévu par les dispositions du code des impôts de la Polynésie française issues de la délibération n° 83-198 AT du 15 décembre 1983 ; qu'à l'appui de sa demande, M. A excipait notamment de l'illégalité des dispositions de cette délibération ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A au titre des périodes couvrant les années 2005 à 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 411-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Les agents assermentés du service des contributions ont le pouvoir d'assurer le contrôle de l'ensemble des impôts et taxes dus par les contribuables. / (...) " ;
Considérant que l'agent qui a conduit la procédure de vérification à l'encontre de M. A, d'une part, avait prêté serment lors de l'audience du Tribunal civil de première instance de Papeete du 25 mars 1998 et, d'autre part, avait été titularisé dans le cadre d'emplois des attachés d'administration à compter du 5 novembre 2002 par arrêté du président du gouvernement de la Polynésie française en date du 28 janvier 2003 et affecté à l'antenne d'Uturoa/Raiatea du service des contributions à compter du 18 mars 2008 par arrêté du ministre du budget, des finances et des pouvoirs publics en date du 27 août 2008 ; que la circonstance que l'agent en cause ait prêté serment avant d'être nommé dans le cadre d'emplois des attachés d'administration, alors qu'il avait été affecté au service des contributions à compter du 5 janvier 1998 en qualité de rédacteur stagiaire, est par elle-même sans incidence ; que la circonstance, à la supposer établie, que ces arrêtés de titularisation et d'affectation n'auraient pas été régulièrement publiés est sans influence sur la validité des actes pris par l'agent en cause, qui entraient dans les attributions de son emploi, dès lors qu'il était habilité à les prendre dès la signature des décisions individuelles lui conférant ses fonctions ; que, par suite, l'agent en cause était habilité à opérer le contrôle et compétent pout signer l'avis de vérification et la notification de redressements du 31 octobre 2008 ; que M. A ne saurait utilement se prévaloir de l'article 1.5 de la circulaire n° 8 CM du 19 octobre 1984, relative à la signature du courrier, aux termes duquel : " Les correspondances adressées aux usagers du service pour l'instruction de dossiers intéressant ces usagers sont normalement signées par le chef de service ou son représentant dans la limite de la délégation consentie avec copie au ministre (...) ", cette circulaire étant dépourvue de caractère réglementaire ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 2 de l'article Lp. 423-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont également taxés d'office, les contribuables qui n'ont pas présenté la comptabilité ou dont la comptabilité n'a pas été reconnue régulière et probante " ;
Considérant qu'il est constant que M. A s'est borné à remettre au service des contributions un relevé de factures retraçant des opérations réalisées entre juillet et décembre 2007, ainsi que des factures d'achat de la même année ; qu'il n'a produit aucun autre document comptable pour l'année 2007, et aucun document comptable pour les années 2005 et 2006 ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le service des contributions l'a taxé d'office en application des dispositions précitées de l'article Lp. 423-1 du code des impôts de la Polynésie française ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 18 de la division III de la section V de la délibération n° 83-198 AT du 15 décembre 1983, aujourd'hui reprises à l'article 461-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Est tenu au secret professionnel dans les termes de l'article 378 du code pénal ", aujourd'hui repris à l'article 226-13 de ce code, " et passible des peines prévues audit article toute personne appelée, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou attributions, à intervenir dans l'établissement, la perception ou le contentieux de l'impôt (...) " ; qu'aux termes de l'article 226-13 du code pénal : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement (...) " ; qu'aux termes de l'article 226-14 du même code : " L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret (...) " ; qu'en vertu de l'article 9 de la délibération du 15 décembre 1983, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises et étendues par l'article 442-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Les agents du territoire, des communes et des établissements publics ne peuvent opposer le secret professionnel aux agents assermentés du service des contributions qui leur demandent communication des documents de service qu'ils détiennent " ; que la Polynésie française qui tient de ses statuts successifs compétence pour fixer les règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions, est compétente, de ce fait, pour organiser le contrôle fiscal et en particulier le droit de communication du service des contributions, sous réserve de n'édicter, dans l'exercice de cette compétence, aucune règle qui relèverait de la compétence exclusive de l'Etat, ni de méconnaître de telles règles ; qu'en prévoyant, dans l'exercice de sa compétence et pour les besoins du contrôle fiscal, une dérogation au secret professionnel en faveur des agents du service des contributions, l'assemblée territoriale n'a ni méconnu les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, ni illégalement dérogé à ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des dispositions de la délibération n° 83-198 AT du 15 décembre 1983 relatives au contrôle fiscal ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que si le service des contributions est tenu, lorsque, faisant usage de son droit de communication, il consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en va pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ; qu'il résulte de l'instruction que les pièces obtenues par le service des contributions auprès de la Banque de Tahiti n'avaient pas le caractère de documents comptables ; que M. A n'est dès lors pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière au motif que le service des contributions n'a pas soumis à un débat oral et contradictoire l'examen des documents litigieux, dont il avait au demeurant été informé de la teneur et de l'origine ;
Considérant, en cinquième lieu, que si M. A soutient que le service des contributions a refusé de lui communiquer les documents obtenus auprès de la Banque de Tahiti, il n'établit pas en avoir sollicité la communication en se bornant à se prévaloir d'une lettre du 5 décembre 2008 par laquelle il a demandé au service de lui fournir des informations sur la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires mise en oeuvre ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu des dispositions du second alinéa de l'article 424-1 du code des impôts de la Polynésie française, le service des contributions est tenu, lorsqu'il a fait application de la procédure de taxation d'office, de porter à la connaissance du contribuable " la base retenue " ; qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements du 31 octobre 2008 est suffisamment motivée et, en particulier, précise la méthode retenue pour la reconstitution des chiffres d'affaires, contrairement à ce que soutient M. A, qui a été mis en mesure de présenter utilement ses observations ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de redressements en date du 31 octobre 2008, que, pour reconstituer les chiffres d'affaires de M. A et à défaut de justifications, le service des contributions a regardé comme des recettes professionnelles les crédits mentionnés sur les relevés du compte bancaire utilisé pour les besoins de l'exploitation ; que M. A n'est dès lors pas fondé à soutenir que le service des contributions n'a mis en oeuvre aucune " méthode objective de reconstitution " ;
Considérant, en second lieu, qu'en application de l'article 424-1 du code des impôts de la Polynésie française, il appartient à M. A, qui a régulièrement été taxé d'office, d'établir l'exagération des impositions litigieuses ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse aux observations présentées par M. A à la suite de la notification de redressements, le service des contributions a admis que les recettes créditées sur le compte bancaire devaient être regardées comme étant toutes taxes comprises et a en conséquence modifié les redressements envisagés ; que M. A ne saurait dès lors utilement soutenir que c'est à tort que le service a regardé les sommes inscrites au crédit de ce compte bancaire comme étant des recettes hors taxes ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le service des contributions a appliqué le taux de taxe sur la valeur ajoutée de 16 % applicable aux livraisons de biens et, lorsque la nature des opérations avait été justifiée par M. A, le taux de 10 % applicable aux locations d'engins ; que si M. A soutient que c'est à tort que le service des contributions n'a pas appliqué le taux de 10 % aux opérations de location, il n'apporte aucune justification quant à la nature des opérations autres que celles au titre desquelles le service des contributions a appliqué le taux de 10 % ;
Considérant, enfin, que si M. A soutient que la somme de 5 millions de francs CFP portée le 9 août 2006 au crédit du compte bancaire utilisé pour les besoins de son exploitation à la suite de la remise de chèque n° 00368489 provient de son compte personnel et ne constitue dès lors pas une recette professionnelle, en tout état de cause, il ne l'établit pas en se bornant à se prévaloir d'un document établi par la Banque de Tahiti ne renseignant ni sur l'origine, ni sur l'objet du crédit en cause, ainsi que de la copie du chèque n° 0590940 d'un montant de 5 millions de francs CFP correspondant à un débit enregistré le 8 août 2006 et du talon correspondant à la remise de chèque n° 1164208 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le surplus des conclusions de la demande de M. A devant le Tribunal administratif de la Polynésie française doit être rejeté ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frai exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A le versement à la Polynésie française de la somme de 600 euros qu'elle demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 4 du jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française n° 1000124 en date du 17 août 2010 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour, sont rejetés.
Article 3 : M. A versera à la Polynésie française une somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
''
''
''
''
2
N° 10PA05400