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05/06/2012 | FRANCE | N°10PA02179

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05 juin 2012, 10PA02179


Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2010, présentée pour M. Thomas A, demeurant ... et l'Eurl HA'AVITI, dont le siège social est route des archives, quartier Alexandre BP 3846 à Papeete (98703) Tahiti, représentée par son gérant en exercice, M. A, par Me Mazzoli ; M. A et l'EURL HA'AVITI demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900314 du 2 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Moorea-Maiao à leur verser la somme de 2 695 983 francs CFP en réparation du

préjudice subi en raison de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvr...

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2010, présentée pour M. Thomas A, demeurant ... et l'Eurl HA'AVITI, dont le siège social est route des archives, quartier Alexandre BP 3846 à Papeete (98703) Tahiti, représentée par son gérant en exercice, M. A, par Me Mazzoli ; M. A et l'EURL HA'AVITI demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900314 du 2 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Moorea-Maiao à leur verser la somme de 2 695 983 francs CFP en réparation du préjudice subi en raison de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec elle ;

2°) de condamner la commune de Moorea-Maiao à leur verser une somme de 2 695 983 francs CFP ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Moorea-Maiao le versement d'une somme de 2 765 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

Considérant qu'en vue de la réalisation de travaux destinés à assurer l'alimentation en eau potable sur son territoire, la commune de Moorea-Maiao a confié à l'Eurl HA'AVITI, représentée par M. A la maîtrise d'oeuvre des travaux de rénovation des réservoirs d'eau potable, la pose des canalisations , les essais de pompage, la pose des compteurs et la mise en conformité de branchements, en vertu d'un marché, approuvé le 2 janvier 2008 et notifié le 28 février 2008, d'un montant total de 12 900 000 francs CFP HT, soit 14 190 000 francs CFP TTC ; que, par un avenant n°1 en date du 21 octobre 2008, notifié le 17 avril 2009, le montant de ce marché a été porté à 15 538 05 francs CFP HT, soit 17 091 855 francs CFP TTC ; que, par une décision du 4 juin 2009, notifiée le même jour, le maire de la commune de Moorea-Maiao a prononcé la résiliation du marché aux torts de l'EURL HA'AVITI ; que, par la présente requête, M. A et l'Eurl HA'AVITI font appel du jugement du 2 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Moorea-Maiao à leur verser la somme de 2 695 983 francs CFP en réparation du préjudice subi en raison de la résiliation de ce marché ; que la commune de Moorea-Maiao demande à la Cour de lui " donner acte " de ce qu'elle " entend réserver ses demandes s'agissant des frais résultant de la nécessité de faire appel à un nouveau maître d'oeuvre " ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel et de la demande de première instance en tant qu'elle émane de M. A :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A en appel, seule la société HA'AVITI devenue l'Eurl HA'AVITI, avait intérêt à rechercher la responsabilité de la commune de Moorea-Maiao du fait de la résiliation du marché en litige, M. A, représentant légal de ladite société, ne justifiant, pour sa part, d'aucun intérêt propre lui donnant qualité pour agir ; que, dès lors, M. A n'est pas recevable à faire appel du jugement attaqué et l'Eurl HA'AVITI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande de première instance en tant qu'elle émane de M. A ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et de condamnation :

Considérant que si, eu égard à l'irrégularité de la résiliation prononcée à son encontre, une entreprise n'a pas à supporter les conséquences onéreuses de cette mesure, elle ne peut en revanche pas prétendre à l'allocation d'une indemnité réparant les préjudices subis du fait de cette résiliation si cette sanction est justifiée au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI), relatif à la " Résiliation aux torts du titulaire " : " 37.1. La personne publique peut résilier le marché aux torts du titulaire, après mise en demeure restée infructueuse, lorsque : / a) L'utilisation des résultats par la personne publique est gravement compromise, parce que le titulaire a pris du retard dans l'exécution du marché ; / b) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels (...) / La mise en demeure doit être notifiée par écrit et assortie d'un délai. Sauf stipulation différente, le titulaire dispose d'un mois, à compter de la notification de la mise en demeure pour satisfaire aux obligations de celle-ci ou pour présenter ses observations (...) " ; qu'aux termes de l'article 26 du cahier des clauses particulières (CCP) du marché : " 26.1. Résiliations aux torts du titulaire : " Outre les cas visés à l'article 37.1 du CCAG-PI, le marché pourra être résilié aux torts du titulaire dans le cas où le maître d'oeuvre s'avérerait incapable de concevoir un projet pouvant faire l'objet de marchés traités dans les limites du seuil de tolérance fixé à l'article 12 du présente CCP, ou bien dans le cas d'appel à la concurrence infructueux, lorsque le titulaire ne pourrait mener à bien les études ou négociations permettant la dévolution des marchés dans les limites du seuil de tolérance (...) " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort d'aucune des pièces particulières du marché que la mise en demeure adressée au titulaire sur le fondement de l'article 37-1 du CCAG-PI pouvait être assortie d'un délai inférieur à un mois ; que, dès lors, en assortissant la mise en demeure adressée à l'Eurl HA'AVITI d'un délai de quinze jours et en prononçant la résiliation du marché sans attendre le terme d'un délai d'un mois suivant la notification de cette mise en demeure, le maire de la commune de Moorea-Maiao a entaché la procédure de résiliation d'une irrégularité ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'acte d'engagement, du CCP que le marché en cause avait initialement prévu une tranche ferme, comportant l'élément de mission " avant projet " (" AP "), d'une durée de huit semaines et d'un montant de 3 800 00 francs CFP HT et une tranche conditionnelle, comportant les éléments de mission " projet " (" PRO "), d'une durée de quatre semaines et d'un montant de 2 600 00 francs CFP HT, " assistance aux contrats de travaux " (" ACT " ou " DCE "), d'une durée de trois semaines et d'un montant de 3 800 00 francs CFP HT, " visa ", d'un montant de 1 200 000 francs CP HT, " direction de l'exécution des travaux (" DET "), d'un montant de 3 000 000 francs CFP HT, et assistance aux opérations de réception (" AOR " ou " DOE "), d'une durée de 2 semaines et d'un montant de 1 660 000 francs CFP HT ; que l'avenant n°1, s'il a laissé inchangé les conditions relatives à la tranche ferme, a en revanche modifié les conditions d'exécution de la tranche conditionnelle, pour tenir compte de la diminution des prestations relative à la réfection des réservoirs de Maharpa 2 et de l'augmentation générale de la masse des travaux, qui ont été scindés en trois tranches conditionnelles (TC1 ; TC2 ; TC3) ; qu'outre des modifications financières, les délais d'exécution des éléments de mission ont été corrigés pour la phase " PRO " (3 semaines pour TC1, 2 semaines pour TC2 et TC3), la phase " DCE " (2 semaines pour TC1, 1 semaine pour TC2 et TC3) et la phase " DOE " (1 semaine pour TC1, TC2 et TC3) ;

Considérant que, par un ordre de service n° 1 du 14 février 2008, notifié le 28 février 2008, le maire de la commune de Moorea-Maiao a demandé à l'EURL HA'AVITI de démarrer la phase " AP " ; que cet élément de mission a été remis le 23 avril 2008 au conducteur d'opération, la direction de l'assistance technique du haut-commissariat pour la Polynésie française (DAT) ; qu'après une demande en ce sens de la DAT, l'Eurl HA'AVITI a remis, le 18 juin 2008, son projet corrigé ; que, par un ordre de service n° 2 du 16 septembre 2008, notifié le 5 septembre 2008, le maire de la commune de Moorea-Maiao a validé la phase " AP " et demandé à l'Eurl HA'AVITI de démarrer la phase " PRO " ; que le dossier " PRO3 a été remis le 21 octobre 2008 ainsi que le dossier de consultation des entreprises pour le forage Nuuroak ; que, par des ordres de service n° 4 et n° 5 du 16 novembre 2008, notifiés le 19 novembre suivant, le maire de la commune de Moorea-Maiao, a demandé à l'Eurl HA'AVITI de reprendre respectivement les études de " PRO ", selon les remarques jointes, dans un délai de deux semaines, et la rédaction du projet de cahier des charges relatifs aux essais de forage de Nuuroak selon les remarques jointes dans un délai de cinq jours ; que DAT, a également soumis au maître d'ouvrage, à une date non définie, un projet d'ordre de service n° 6 proposant la résiliation du marché, qui n'a finalement pas été signé ; que, le 26 novembre 2008, l'Eurl HA'AVITI a remis les dossiers " PRO " " consultation des entreprises pour le forage Nuuroak " corrigés ; que, par un ordre de service n° 7 du 10 février 2009, notifié le 18 février 2009, le maire de la commune de Moorea-Maiao a validé la phase " PRO " et demandé à l'Eurl HA'AVITI de démarrer la phase " ACT " ; que, par un ordre de service n°8 du 10 février 2009, notifié le 18 février 2009, le maire de la commune de Moorea-Maiao a indiqué à l'Eurl HA'AVITI que la conduite à installer sous la route de ceinture aurait un diamètre de 225 mm ; que, le 3 avril 2009, le dossier " ACT " a été remis ; que, par un ordre de service n° 10 du 30 avril 2009, notifié le 12 mai 2009, le maire de la commune de Moorea-Maiao a mis en demeure l'Eurl HA'AVITI de remettre, dans un délai de quinze jours, un dossier de consultation comportant les modifications figurant dans une annexe ; que, le 23 mai 2009, l'Eurl HA'AVITI a remis son dossier " ACT " corrigé ;

Considérant que si une partie du retard pris dans les phases " AP ", " PRO " et " ACT " n'est pas imputable à l'Eurl HA'AVITI, compte tenu notamment des modifications apportées aux travaux dans l'avenant n°1 et du temps nécessaire à la validation de ces éléments de mission, il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier des annexes jointes aux ordres de services n°4, 5 et 10, que les insuffisances et les incohérences relevées ainsi que les erreurs commises par le maître d'oeuvre dans l'élaboration des dossiers " PRO " et " ACT " excédaient, par leur nature et leur ampleur, les corrections qui doivent normalement être apportées à ces dossiers lors de leur mise au point ; qu'en particulier, et malgré les corrections apportées au dossier " ACT " à la suite des très nombreuses remarques émises par l'ordre de service n° 10, il n'est pas sérieusement contesté qu'il subsistait encore des erreurs techniques concernant la " coupe de tranchée " et de nombreuses insuffisances rédactionnelles pour le projet de CCAP ; que, dès lors, en présence de ces nombreuses anomalies, de l'allongement important de la phase " ACT " et de l'incapacité de la société HA'AVITI à remettre au maitre d'ouvrage une prestation satisfaisante dans les délais contractuels, le maire de la commune de Moorea-Maiao a pu estimer que les manquements relevés étaient, dans les circonstances de l'espèce, d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du marché aux torts de l'Eurl HA'AVITI ;

Considérant, dès lors, qu'en dépit de l'irrégularité formelle de la résiliation prononcée à son encontre, l'Eurl HA'AVITI n'est pas fondée à demander la réparation des préjudices subis du fait de cette résiliation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Eurl HA'AVITI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de condamnation doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins de " donner acte " :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de " donner acte " à une partie ; que les conclusions par lesquelles la commune de Moorea-Maiao demande à la Cour de lui " donner acte " de ce qu'elle " entend réserver ses demandes s'agissant des frais résultant de la nécessité de faire appel à un nouveau maître d'oeuvre " doivent dès lors être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Moorea-Maiao, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. A et à l'Eurl HA'AVITI la somme demandée par ces dernier au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme de 1 843,62 euros demandée par la commune de Moorea-Maiao au titre de ces mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A et de l'Eurl HA'AVITI est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Moorea-Maiao aux fins de " donner acte " et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA02179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA02179
Date de la décision : 05/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : MAZZOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-05;10pa02179 ?
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