Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2011, présentée pour M. Abdelkader A, demeurant ..., par Me Lanes ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903488/1 du 13 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 octobre 2008 par laquelle l'inspectrice du travail des transports de la subdivision de Melun a accordé à son employeur, la société Val d'Europe Airports, l'autorisation de le licencier, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ;
2°) d'annuler la décision du 23 octobre 2008 de l'inspectrice du travail des transports de la subdivision de Melun autorisant son licenciement, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ;
3°) de condamner la société Val d'Europe Airports à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :
- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouaffassa, pour M. A, et de Me Ramognino, pour la société Val d'Europe Airports ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2511-1 du code du travail : " La grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-3 du même code : " Le licenciement d'un délégué syndical (...) ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) " ; et qu'en vertu de l'article L. 2411-13 de ce code : " Le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail " ; qu'en vertu des dispositions du code du travail, les délégués syndicaux et les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ; que lorsque leur licenciement est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, éventuellement, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, notamment dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 2511-1 du code du travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont celui-ci est investi ;
Considérant que le licenciement pour faute de M. A, conducteur receveur de car au sein de la société Val d'Europe Airports (VEA), qui exerce les mandats de délégué syndical et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, a été autorisé par l'inspectrice du travail des transports de la subdivision de Melun, par la décision du 23 octobre 2008 au motif qu'il avait participé à une action collective de blocage de bus de la société VEA lors du mouvement illicite de cessation de travail débuté le 3 juillet 2007 ; que M. A a demandé également l'annulation de la décision du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du 12 mai 2009 confirmant cette décision ; que le Tribunal administratif de Melun, par jugement du 13 mai 2011 dont il relève appel devant la Cour de céans, a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, que M. A soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun ne s'est pas prononcé sur la licéité du mouvement de grève du 3 au 7 juillet 2008, alors même que la demande d'autorisation de licenciement a été fondée principalement sur sa participation à une grève prétendument illicite ; que toutefois dans la mesure où l'inspecteur du travail a considéré que la simple participation à un mouvement de grève illicite ne revêtait pas un caractère suffisant de gravité pour autoriser un licenciement et, tout comme le ministre, a fondé sa décision sur la circonstance que l'opération de blocage de bus à laquelle a participé l'intéressé, les 4 et 5 juillet 2008, était constitutive d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, ce moyen est inopérant et, en n'y répondant pas, le tribunal n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité ;
Au fond :
Considérant, en premier lieu, que l'autorisation de licencier M. A a, ainsi qu'il a été dit, été accordée à la société VEA à raison de sa participation à un mouvement de blocage de cars les 4 et 5 juillet 2008 ; que le moyen tiré de ce que l'article L. 2512-2 du code du travail ne s'appliquerait pas à la société VEA doit, dès lors, être écarté comme inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du constat d'huissier établi le 4 juillet 2008 que M. A a le même jour bloqué avec d'autres personnes un bus de la société VEA, de 7h50 à 8h01 ; qu'un second bus a été bloqué à 7h52 ; que ces deux bus avaient des passagers à leur bord dont certains ont été conduits vers des taxis ; que le second bus aura finalement le passage libre après l'intervention des forces de l'ordre ; que l'intéressé a participé également au blocage de deux bus de la société Marne et Morin et un bus de la société Transdev Visual le 5 juillet aux alentours de 9h30, et d'un autre bus en fin de matinée, ainsi qu'il ressort du constat d'huissier établi ce jour ; qu'il n'est pas contesté que ces bus avaient été affrétés par la société VEA ; que si M. A conteste la valeur probante de ces deux constats d'huissier au motif qu'ils ont été établis à la demande et sur les indications de son employeur et qu'ils ne sont pas accompagnés de photographies suffisamment précises permettant de l'identifier et de démontrer sa présence effective sur les lieux du blocage des bus, ces contestations ne sauraient valablement remettre en cause la valeur probante desdits constats établis par ces deux officiers ministériels ; que les attestations produites par le requérant ne permettent pas de démontrer qu'il n'aurait pas pu participer aux actions de blocage ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que l'inspectrice du travail aurait commis une erreur de droit en s'estimant liée par les constatations faites par les huissiers de justice ; que ce moyen doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que M. A soutient que les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas une faute de nature à justifier son licenciement, dès lors que les blocages de bus n'ont pas constitué une entrave à la liberté du travail, mais seulement un ralentissement ponctuel de l'activité de l'entreprise, qui n'a subi aucun préjudice ; que toutefois, si les préjudices financiers invoqués par la société VEA ne peuvent être utilement retenus dès lors qu'ils auraient résulté de l'exercice normal du droit de grève, les faits reprochés à M. A, causant une entrave à la liberté du travail des salariés non-grévistes, à la liberté de commerce et d'industrie d'entreprises de transport, à la liberté d'aller et de venir des voyageurs, et susceptible de présenter un risque d'accident sont détachables de l'exercice normal du droit de grève dont pouvait user M. A et, en ce qu'ils portent atteinte aux libertés fondamentales, sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement d'un salarié protégé qui, de surcroît, n'a pas joué le rôle modérateur que doit remplir un délégué syndical dans un conflit du travail ; que par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que son comportement ne constitue pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Considérant, enfin, que M. A soutient que " tous les salariés auxquels les mêmes faits pouvaient être reprochés n'ont pas fait l'objet de sanction de sorte qu'il ne peut être exclu un lien avec le mandat " ; que toutefois il ressort des pièces du dossier que les salariés ayant participé au mouvement d'arrêt concerté de travail illicite du 3 juillet 2008 et ayant participé à des opérations de blocage ont fait l'objet d'une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse, appréciée en fonction de la nature des agissements, et que les salariés ayant participé aux actions de blocage ont tous fait l'objet d'un licenciement pour faute lourde, qu'ils soient salariés protégés ou non ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'existence d'un lien entre la demande de licenciement et le mandat détenu par M. A ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société VEA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du requérant le versement à la société VEA de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à la société Val d'Europe Airports (VEA) la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 10PA03855
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N° 11PA03094