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30/03/2012 | FRANCE | N°10PA04700

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 30 mars 2012, 10PA04700


Vu le recours, enregistré le 16 septembre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance n° 0510637/2-1 du 18 mai 2010 en tant que le président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la Société Bellaby, venant aux droits de la SA Parisse ;

2°) de rétablir à la charge de la Société Bellaby la cotisation d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été

assujettie au titre des exercices clos respectivement les 30 juin 2000 et 2001;

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Vu le recours, enregistré le 16 septembre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance n° 0510637/2-1 du 18 mai 2010 en tant que le président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la Société Bellaby, venant aux droits de la SA Parisse ;

2°) de rétablir à la charge de la Société Bellaby la cotisation d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos respectivement les 30 juin 2000 et 2001;

3°) de réformer, en ce sens, l'ordonnance entreprise ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2012 :

- le rapport de Mme Pons-Deladrière ;

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Parisse qui exerçait la gestion centralisée de la trésorerie du groupe Maxime Laurent, a acquis le 28 avril 2000, via la société Inter Art, 1000 titres de la société Chaussures Clarence, pour un montant de

1 008 926 Francs ; qu'elle en a perçu le 26 mai 2000, des dividendes d'un montant de

428 800 Francs, avant de les revendre, le 30 mai de la même année, pour 580 126 Francs, créant ainsi une moins value à court terme égale aux dividendes ; qu'elle a acquis le 2 avril 2001 via la société Immobilière Michelet, 173 051 titres de la société Holfib, pour un montant de 37 744 389 Francs ; qu'elle en a perçu, le 6 avril 2001 des dividendes de 2 924 562 Francs, avant de les revendre, le 17 avril de la même année pour un montant de 34 819 827 Francs, créant ainsi une moins value à court terme égale aux dividendes ; que, grâce à ces dividendes la société Parisse a pu bénéficier d'un avoir fiscal total de 171 520 Francs au titre de l'exercice clos en juin 2000 et de 731 401 Francs au titre de l'exercice suivant ; que par l'imputation d'une partie des avoirs fiscaux, la société Parisse a ainsi réduit sa charge fiscale de 9 168 Francs et 10 637 Francs au titre respectivement des exercices clos en juin 2000 et juin 2001, en application des dispositions des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts dans leur rédaction alors applicable ; que l'administration, constatant que les dividendes perçus n'avaient subi aucune imposition dès lors que leur montant avait été neutralisé par la moins-value sur titres, a réintégré les avoir fiscaux reçus sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'il en est résulté une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, assortie d'intérêts de retard et de pénalités au taux de 80 % prévus à l'article 1729 du code général des impôts en cas d'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, soit un redressement en droits et pénalités d'un montant total de 9168 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2000 et de 10 637 euros au titre de l'exercice clos le 30 juin 2001 ; que la société Bellaby a obtenu devant le Tribunal administratif de Paris la décharge de la totalité de cette somme ;

Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers ; qu'il s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, l'administration, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe sus-rappelé pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition en litige : " I- Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. -Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Il est reçu en paiement de cet impôt. Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables "; qu'aux termes de l'article 209 bis du même code dans sa rédaction en vigueur lors de cette même année : " Les dispositions des articles 158 bis et

158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt. Il n'est pas restituable " ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des travaux préparatoires de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1965 créant l'avoir fiscal, alors codifié à l'article 158 bis précité du code général des impôts, que le législateur a eu comme objectifs de favoriser l'actionnariat des entreprises ainsi que le développement de la place financière de Paris et d'éliminer à cet effet la double imposition qui frappait les dividendes ; qu'eu égard à l'objet de la loi, l'actionnaire, imposable à raison des dividendes qu'il perçoit, est en droit de prétendre à l'avoir fiscal qui leur est attaché, de sorte que ces dividendes ne soient pas soumis à une double imposition ; que le droit à l'avoir fiscal n'est nullement subordonné à une durée minimum de détention des titres avant ou après la mise en paiement des dividendes auxquels il est attaché ; que, s'agissant des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, l'avoir fiscal, s'il constitue aussi un élément du bénéfice de l'actionnaire, est essentiellement, aux termes mêmes des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts, un moyen de paiement de l'impôt dû par ce dernier au titre de ses résultats d'ensemble d'une année donnée ; que ces articles excluent ainsi qu'il puisse être restitué par l'administration, en particulier dans l'hypothèse où l'avoir fiscal excède l'impôt sur les sociétés dû, ainsi qu'en présence de résultats déficitaires ; que, par suite, dès lors qu'une société a effectivement la qualité d'actionnaire, les dividendes qu'elle perçoit à raison des titres qu'elle détient, ouvrent droit à son profit au bénéfice de l'avoir fiscal qui y est attaché ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations en litige n'ont été ni dissimulées ni réalisées en méconnaissance d'aucune des dispositions applicables aux achats et reventes de titres et aux distributions de dividendes ; que si, dans le contexte où elles ont été réalisées, et eu égard à la brièveté de la durée de détention des titres, laquelle peut être regardée, comme le soutient le ministre, comme n'ayant pas, en réalité, excédé une durée d'un mois, les opérations d'achats puis de reventes des titres effectuées par la Société Parisse ont été inspirées par la volonté d'acquérir les moyens de payer les charges fiscales qu'elle aurait dû normalement acquitter eu égard à sa situation et à ses activités réelles, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ne prouve cependant pas que ces opérations, qui se sont traduites par l'élimination de la double imposition frappant les dividendes, auraient présenté un caractère artificiel et que la société n'aurait pas effectivement acquis la qualité d'actionnaire et n'aurait pas encouru les risques qui s'y attachent ; que, dès lors, le ministre n'établit pas que ces opérations auraient procédé de la recherche par la contribuable du bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts relatifs à l'avoir fiscal, à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles société Parisse, aux droits de laquelle vient la société Garnier Choiseul holding a été assujettie au titre des exercices clos respectivement les 30 juin 2000 et 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la société Garnier Choiseul holding et non compris dans les dépens

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Garnier Choiseul holding une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA04700


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04700
Date de la décision : 30/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: Mme Geneviève PONS DELADRIERE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : CABINET FISCAL CHRISTIAN TROUSSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-30;10pa04700 ?
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