Vu la décision n° 327045 du 30 mai 2011, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 30 juin 2011 sous le n° 11PA02939, par laquelle la 8ème sous-section du contentieux du Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt du 12 février 2009 de la Cour de céans en tant qu'il portait sur les conclusions de la requête de M. Guy A tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'elle prétend avoir subi au titre de la responsabilité de l'administration en matière d'établissement de l'impôt et, d'autre part, a renvoyé l'affaire à la Cour dans cette mesure ;
Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2007 sous le n° 07PA00839, présentée pour M. A, demeurant ..., par Me Gasquet ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0314551/2 du 4 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 067 952 euros majorée des intérêts de retard et de leur capitalisation ;
2°) de prononcer la condamnation sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2012 :
- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,
- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,
- et les observations de Me Goulard, pour M. A ;
Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 22 mars 2012, présentée pour M. A ;
Considérant qu'à la suite de deux vérifications de la comptabilité de la société MM. B et Compagnie, devenue Société de Gestion Laborde au cours de l'année 1995, portant sur les années 1987 à 1989, d'une part, et sur les années 1990 à 1992, d'autre part, ainsi que de la vérification de comptabilité de plusieurs sociétés en participation créées par les clients de la société, l'administration a mis en recouvrement en 1991, 1994 et 1995 des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été abandonnés en 2000 et 2002 à l'occasion des instances engagées par la Société de Gestion Laborde pour obtenir le dégrèvement de ces impositions ; que M. Guy A, associé et directeur général de la société MM. B et Compagnie, a demandé à l'Etat la réparation des préjudices qui lui auraient été causés par les fautes commises par l'administration à l'occasion des procédures d'établissement et de recouvrement des impôts susmentionnés ; que, par une décision du 30 mai 2011, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour de céans du 12 février 2009 en tant que, par cet arrêt, la Cour a statué sur la responsabilité de l'administration lors de l'établissement de l'impôt et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la Cour ; que, dans le dernier état de ses écritures, M. A recherche la responsabilité de l'Etat à raison des seules fautes résultant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société MM. B et Compagnie au titre de l'exercice clos en 1990 et de celles résultant des contrôles de la société en participation (SEP) Lyon-Victoire et de ses associés ; qu'il limite sa demande indemnitaire à la somme de 2 290 999 euros ;
Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;
Sur la responsabilité de l'administration du fait de l'établissement des impositions mises à la charge des associés de la SEP Lyon-Victoire :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SEP Lyon-Victoire, qui avait été constituée à l'initiative de la société MM. B et Compagnie et avait pour activité l'exploitation d'un hôtel à Lyon, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 30 décembre 1992 au 31 décembre 1994 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a notifié aux trente-deux associés de la SEP, qui étaient également clients de la société MM. B et Compagnie, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, qui ont finalement été intégralement dégrevées ; que, si M. A soutient que les redressements notifiés à la SEP Lyon-Victoire et à ses trente-deux associés ont porté une atteinte telle à la réputation de la société MM. B et Compagnie qu'elle a définitivement perdu son fonds de commerce, il n'établit pas que cette société a été contrainte de rompre ses relations commerciales avec l'ensemble de sa clientèle, laquelle était alors composée de près de sept cents personnes ; que le requérant n'établit pas non plus l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ces redressements et la résiliation, le 17 janvier 1996, de sa police d'assurance responsabilité civile professionnelle en produisant un courrier de la société GAN du 17 janvier 1996 faisant état d'"investissements dans l'hôtellerie suivant un montage juridique qui s'est révélé défectueux", sans préciser toutefois l'investissement dont il s'agit ; qu'enfin, M. A ne démontre pas, par la production d'un courrier rédigé par le directeur de la banque Monod le 15 décembre 2004, soit de nombreuses années après le déroulement des faits, que la remise en cause du projet de rapprochement de la société MM. B et Compagnie avec cette banque, qui avait donné lieu à la signature d'un protocole d'accord du 2 novembre 1994, a eu pour origine directe les redressements notifiés à la SEP Lyon-Victoire et à ses associés ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'administration fiscale à raison des impositions mises à tort à la charge des associés de la SEP Lyon-Victoire ;
Sur la responsabilité de l'administration du fait de l'établissement des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société MM. B et Compagnie au titre de l'exercice clos en 1990 :
Considérant que, par sa décision du 30 mai 2011, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour du 12 février 2009 au motif qu'elle avait commis une erreur de droit en jugeant que, compte tenu des difficultés particulières dans l'appréciation de la situation de la société contribuable, la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée que sur le terrain de la faute lourde à raison des erreurs qui auraient pu être commises par l'administration fiscale lors de l'établissement des impositions ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société MM. B et Compagnie a fait l'objet pour les exercices clos en 1990, 1991 et 1992, l'administration a remis en cause le bénéfice de l'allégement d'impôt sur les sociétés dont cette société avait bénéficié en tant qu'entreprise nouvelle sur le fondement de l'article 44 quater du code général des impôts alors en vigueur et a, en conséquence, assujetti la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 1990 ; qu'elle a finalement prononcé, le 21 décembre 2000, le dégrèvement intégral de ces impositions, après avoir admis que la société exerçait une activité de courtage et de gestion d'affaires de nature commerciale ; qu'en estimant à tort que la société MM. B et Compagnie avait une activité de conseil financier, l'administration a commis une erreur dans l'appréciation de la nature de son activité ; que cette erreur dans l'appréciation de la situation du contribuable au regard de la loi fiscale est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de M. A, directeur général de la société MM. B et Compagnie ;
Considérant que l'administration soutient que la société MM. B et Compagnie et M. A, en sa qualité de dirigeant de la société, ont eux-mêmes commis une faute en ne produisant que le 9 février 2000 les justificatifs établissant le caractère commercial de l'activité ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que le service disposait d'ores et déjà des bordereaux de commissions d'assureurs communiqués à nouveau le 9 février 2000 ; que, si en revanche les documents relatifs aux opérations immobilières "Les Terrasses de Bristol" et "Résidence Grand Maison" ont été produits pour la première fois le 9 février 2000, il ressort des termes mêmes de la notification de redressements du 22 décembre 1993 que l'administration connaissait, dès ce stade, l'étendue des interventions de la société MM. B et Compagnie dans les investissements immobiliers qu'elle proposait à ses clients, notamment le fait que son activité consistait à identifier les projets, à promouvoir ces opérations auprès d'investisseurs et à rechercher les crédits bancaires, à créer sous la forme de sociétés en participation et de sociétés à responsabilité limitée les structures ayant vocation à réaliser l'investissement et à exploiter les immeubles, à élaborer les statuts de ces sociétés et à en exercer la gérance, enfin, à suivre les travaux de construction liés à ces projets ; que l'administration avait également connaissance de ce que la société MM. B et Compagnie était rémunérée, pour l'ensemble de ces interventions, par des commissions versées par les sociétés en participation et les sociétés à responsabilité limitée ; qu'en outre, dans sa demande de première instance du 19 décembre 1994 et dans sa réclamation contentieuse du 11 avril 1995, la société MM. B et Compagnie avait fait la description de son activité en matière d'investissements immobiliers, indiqué qu'elle percevait des commissions de trois natures, consistant en des commissions initiales au lancement du projet, des commissions de gestion et des commissions d'intéressement calculées en fonction du profit réalisé par les investisseurs et produit des documents relatifs à une opération immobilière réalisée à Lyon ; que l'ensemble de ces éléments permettait à l'administration, dès la fin de l'année 1994 au plus tard, de porter une appréciation sur la nature de l'activité de la société MM. B et Compagnie ; que la ministre fait également valoir que M. A et la société MM. B et Compagnie auraient commis une faute en ne demandant pas au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1990 dès l'expiration du délai de six mois visé à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales suivant le dépôt de la réclamation contentieuse du 11 avril 1995 ; que, toutefois, la circonstance que la société aurait, compte tenu de la position adoptée par le service dans le litige portant sur les exercices précédents, pu saisir le tribunal administratif dès octobre 1995 n'est pas non plus de nature à exonérer l'administration de sa responsabilité dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, elle était en mesure de prononcer la décharge avant même cette date, au vu des éléments dont elle disposait ;
Considérant que M. A soutient qu'à la suite de la liquidation de la société MM. B et Compagnie, il a subi un préjudice résultant de la perte de la valeur des titres qu'il détenait dans cette société ; que, toutefois, ces apports, qui constituaient une partie du capital social, étaient un élément du passif de la société et ont vocation à être remboursés à l'associé dans le cadre de la liquidation ; que, par suite, quand bien même le requérant n'avait pas la qualité de créancier de la société MM. B et Compagnie, le préjudice qu'il invoque n'a pu résulter que de ses liens avec cette société et ne peut, dès lors, être regardé comme découlant directement des agissements fautifs de l'administration, de sorte que sa réparation, qui n'est pas dissociable de celle allouée à la Société de Gestion Laborde, n'incombe pas à l'Etat ;
Considérant que M. A invoque également un préjudice résultant d'une perte de rémunérations et de droits à la retraite entre 1996 et 2001 du fait de la liquidation judiciaire de la société MM. B et Compagnie ; que, toutefois, les éléments qu'il verse au dossier ne permettent pas à la Cour d'établir avec suffisamment de précision l'importance du préjudice résultant d'une perte de rémunérations et de fixer le montant de l'indemnité devant être allouée à ce titre ; qu'il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction contradictoire aux fins de permettre aux parties de communiquer à la Cour, dans un délai de trois semaines, tous éléments permettant de connaître le montant de l'ensemble des revenus professionnels de M. A entre juin 1996 et décembre 2001, par la production, notamment, de ses avis d'imposition établis au titre des années 1996 à 2000 ;
D E C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. A, procédé au supplément d'instruction aux fins indiquées dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N° 08PA04258
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