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06/03/2012 | FRANCE | N°11PA02180

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 06 mars 2012, 11PA02180


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 31 mai 2011, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005949/6-2 en date du 29 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 12 février 2010 refusant de délivrer à M. Seydou Kramokho son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour ;

2°) d

e rejeter la demande de M. devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 31 mai 2011, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005949/6-2 en date du 29 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 12 février 2010 refusant de délivrer à M. Seydou Kramokho son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour ;

2°) de rejeter la demande de M. devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006, l'avenant à cet accord, signé à Dakar le 25 février 2008 et le décret n° 2009-1073 du 26 août 2009 portant publication de cet accord et de son avenant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la confédération suisse et la liste qui y est annexée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2012 :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

Considérant que M. , de nationalité sénégalaise, est entré en France, selon ses déclarations, le 28 février 2000 ; qu'à la suite de son interpellation, le 22 février 2005, pour infraction à la législation sur les étrangers, le PREFET DE POLICE, par un arrêté du 23 février 2005, a décidé de le reconduire à la frontière ; que M. , qui s'est maintenu en France, a sollicité le 30 juillet 2009 son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 12 février 2010, le PREFET DE POLICE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, par un arrêté du 8 décembre 2010, le PREFET DE POLICE a décidé d'abroger cet arrêté ; que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement en date du 29 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 12 février 2010 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté du 12 février 2010 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention salarié lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois (...) ;

Considérant, d'une part, que M. soutient qu'il a connu plusieurs expériences professionnelles dans le domaine du BTP entre le mois de juillet 2001 et le mois de février 2008 en qualité de manoeuvre puis d'ouvrier compagnon professionnel spécialisé dans le coffrage du béton, que la société SICRA IDF lui a proposé en dernier lieu un contrat de travail pour un poste de coffreur boiseur , qu'il n'a pas causé de troubles à l'ordre public et a déclaré régulièrement ses revenus à l'administration fiscale et, enfin, que sa soeur réside régulièrement en France et que son oncle, qui l'héberge, et ses trois cousins ont la nationalité française ; que, compte tenu notamment de ses conditions de séjour en France, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. ne répondait pas à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à lui permettre la délivrance d'une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

Considérant, d'autre part, que si M. se prévaut du poste de coffreur boiseur qui lui a été proposé, ce métier ne figure pas dans la liste des métiers connaissant des difficultés de recrutement fixée par l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisé ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté au motif qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. ne répondait à aucun motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour administrative d'appel de Paris ;

Considérant que, saisi d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui n'est pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présente pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention vie privée et familiale répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire ; que, lorsque l'autorité administrative décide de rejeter une telle demande, l'obligation de motivation de cette décision découle ainsi nécessairement de l'examen précis des motifs avancés par l'étranger ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté contesté, que M. a présenté une demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 en se prévalant, notamment, de sa qualité de salarié ; qu'ainsi, eu égard aux motifs avancés par M. , cette demande devait nécessairement être analysée comme tendant à l'obtention d'une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale et, à défaut, d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire ;

Considérant qu'en estimant que M. était célibataire et sans charge de famille, qu'il ne justifiait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et que, compte tenu notamment de la durée de son séjour habituel sur le territoire français, sa demande ne répondait ni à des motifs exceptionnels, ni à des considérations humanitaires , le PREFET DE POLICE a suffisamment motivé sa décision de ne pas délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu'en revanche, cette seule motivation était insuffisante pour justifier les raisons pour lesquelles M. ne pouvait en l'espèce pas prétendre, à défaut, à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. , ce dernier est fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation ;

En ce qui concerne l'injonction ordonnée par le Tribunal administratif de Paris :

Considérant qu'eu égard à l'illégalité entachant l'arrêté du 12 février 2010, analysée ci-dessus, l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris n'impliquait pas nécessairement que le PREFET DE POLICE délivrât à M. une carte de séjour temporaire ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris lui a enjoint, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à M. une carte de séjour temporaire ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions aux fins d'injonction présentées, à titre subsidiaire, par M. devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'eu égard à l'illégalité entachant l'arrêté du 12 février 2010, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le PREFET DE POLICE procède au réexamen de la situation du requérant puis adopte une nouvelle décision sur la demande de titre de séjour que M. ... a présentée et, dans l'attente de sa décision, qu'il le munisse d'une autorisation provisoire de séjour ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au PREFET DE POLICE, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder au réexamen de la situation de M. dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

En ce qui concerne la somme mise à la charge de l'Etat par le Tribunal administratif de Paris en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, compte tenu des motifs retenus par le présent arrêt, les premiers juges ont pu, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une évaluation exagérée du montant des frais exposés en première instance par M. , mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il lui a ordonné de délivrer à M. ...... un titre de séjour ; qu'il n'est en revanche pas fondé à se plaindre de ce que, par ce même jugement, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 février 2010 pas plus qu'il n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement la somme demandée par M. au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1005949/6-2 en date du 29 mars 2011 du Tribunal Administratif de Paris, en tant qu'il a enjoint au PREFET DE POLICE de délivrer à M. ... un titre de séjour, est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE POLICE, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de procéder au réexamen de la situation de M. ....... Le PREFET DE POLICE tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction..

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

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N° 11PA02180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02180
Date de la décision : 06/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-06;11pa02180 ?
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