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02/03/2012 | FRANCE | N°11PA03468

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 02 mars 2012, 11PA03468


Vu, I, sous le n° 11PA03468, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 6 septembre 2011, présentés pour M. Richard A, demeurant ..., Polynésie française, par Me Balat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000509 en date du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit à la demande de la Polynésie française en le condamnant à verser à la Polynésie française une amende de 100 000 francs CFP et à remettre les lieux en état dans le délai de deux mois à compter de la notificati

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2°) de rejeter la demande présentée par la Polynésie françai...

Vu, I, sous le n° 11PA03468, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 6 septembre 2011, présentés pour M. Richard A, demeurant ..., Polynésie française, par Me Balat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000509 en date du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit à la demande de la Polynésie française en le condamnant à verser à la Polynésie française une amende de 100 000 francs CFP et à remettre les lieux en état dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la Polynésie française devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, II, sous le n° 11PA04043, la requête enregistrée le 6 septembre 2011, présentée pour M. Richard A, demeurant ..., par Me Balat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1000509 en date du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a fait droit à la demande de la Polynésie française en le condamnant à verser à la Polynésie française une amende de 100 000 francs et à remettre les lieux en état dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu la loi du 19 mars 1898 déclarant les Iles sous le Vent de Tahiti partie intégrante du domaine colonial de la France ;

Vu l'arrêté gubernatorial du 22 décembre 1898 ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 de l'assemblée de la Polynésie française portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 11PA03468 et n° 11PA04043 présentées pour M. A présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que le président de la Polynésie française a, le 19 juillet 2010, fait constater par un agent assermenté, la réalisation d'un remblai sur le domaine public maritime sans autorisation administrative au droit de la terre Punaaro, lot n° 1 (partie) situé à Avera sur le territoire de la commune de Taputapuatea, dans l'île de Raiatea située dans l'archipel des Iles sous le Vent appartenant à M. A ; qu'un procès verbal de contravention de grande voirie a été établi le 24 août 2010 et déféré au tribunal administratif par le président de la Polynésie française le 28 septembre 2010 ; que M. A relève appel du jugement du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Papeete l'a condamné à verser à la Polynésie française une amende de 100 000 francs CFP et à remettre les lieux en état dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens d'irrégularité :

Considérant que le mémoire produit par la Polynésie française le 4 mars 2011, jour de la clôture, qui répond de manière circonstancié à celui produit le même jour par M. A, comporte des éléments nouveaux sur l'appréciation des documents produits par l'intéressé, notamment les actes de cession de droits intervenus en 1911 et 1916 ; qu'en se bornant à viser et analyser ce mémoire sans l'avoir communiqué, alors même qu'il s'agissait d'une production tardive répondant à un mémoire déposé par M. A le même jour, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire et entaché son jugement d'irrégularité ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Polynésie française devant le Tribunal administratif de la Polynésie française et la requête d'appel de M. A ;

Au fond :

En ce qui concerne l'autorité de la chose jugée par le jugement du 24 février 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la délibération n° 2004-34 de l'assemblée de la Polynésie française du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " Le domaine public naturel comprend : le domaine public maritime qui se compose notamment des rivages de la mer, des lais et relais de mer, des étangs salés communiquant librement ou par infiltration ou par immersion avec la mer, du sol et du sous-sol des eaux intérieures dont les havres et rades non aménagés et les lagons jusqu'à la laisse de basse mer sur le récif côté large, du sol et du sous-sol des golfes, baies et détroits de peu d'étendue, et du sol et du sous-sol des eaux territoriales... " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même délibération : " Nul ne peut sans autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente, effectuer aucun remblaiement, travaux, extraction, installation et aménagement quelconque sur le domaine public, occuper une dépendance dudit domaine ou l'utiliser dans les limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous... " ; que l'article 27 de ladite délibération dispose que : " Les infractions à la réglementation en matière de domaine public (...) constituent des contraventions de grande voirie et donnent lieu à poursuite devant le tribunal administratif, hormis le cas des infractions à la police de la conservation du domaine public routier qui relèvent des juridictions judiciaires. Les contrevenants pourront être punis des peines d'amende ou des peines privatives ou restrictives de droit, telles que définies dans le code pénal pour les contraventions de la cinquième classe. En cas de récidive, le montant maximum de l'amende pourra être doublé. En outre, l'auteur d'une contravention de grande voirie pourra être tenu de réparer le dommage causé, au besoin sous astreinte " ; qu'enfin, selon l'article 131-13 du code pénal applicable en Polynésie française l'amende pour les contraventions de 5ème classe est de 1 500 euros au plus, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit ;

Considérant que, par une requête du 28 août 2003, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a déféré M. Richard A au tribunal administratif comme prévenu d'une contravention de grande voirie tenant en la réalisation d'un remblai sur l'île de Raiatea au droit de la terre Punaaro à Avera ; que, par jugement du 24 février 2004, le Tribunal administratif de la Polynésie française a relaxé M. A des poursuites de contravention de grande voirie engagées à son encontre au motif que ce dernier pouvait être regardé comme établissant que le droit de propriété sur le lagon situé au droit de sa parcelle Punaaro trouve son origine dans un titre de propriété antérieur à l'entrée en vigueur à Raiatea des dispositions de l'article 538 du code civil ; que, l'appel interjeté par la Polynésie française a été rejeté par un arrêt du 5 juillet 2007 de la Cour de céans au motif qu'à la date de constatation des faits litigieux le domaine public maritime de la Polynésie française ne faisant l'objet d'aucune protection spécifique, la procédure de contravention de grande voirie était ainsi dépourvue de base légale ; que l'arrêt de la Cour s'étant substitué au jugement, la relaxe de M. A prononcée par la Cour auquel est attaché l'autorité de la chose jugée est fondée sur le seul moyen retenu par la juridiction d'appel ; que par suite, le moyen tiré de ce que le motif du jugement de relaxe du 24 février 2004 aurait acquis l'autorité de la chose jugée ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la contestation de l'appartenance au domaine public de la portion du lagon de Raiatea au droit de la propriété de M. A :

Considérant, d'une part, qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur la délimitation du domaine public et de trancher la question portant sur la revendication de la propriété du lagon ; que la circonstance que cette question ait pu faire l'objet d'appréciations divergentes n'est pas, en l'espèce, de nature à justifier la mise en oeuvre d'une procédure de question préjudicielle auprès du juge judiciaire ;

Considérant, d'autre part, que les Iles sous le Vent ont été intégrées dans le domaine colonial de la France par une loi du 19 mars 1898 ; qu'un arrêté gubernatorial du 22 décembre 1898 consécutif à la promulgation de cette loi a organisé une procédure d'instauration d'un régime des titres fonciers fondée sur une revendication, sa publication, puis la délivrance du titre par une commission locale ; qu'en vertu de ces dispositions spéciales dérogatoires au droit commun, un particulier originaire des Iles sous le Vent, peut être regardé comme propriétaire des eaux du rivage des lagons de ces îles lorsqu'il tient directement ses droits du détenteur originel en vertu d'un titre antérieur à l'annexion desdites îles par la France et si le titre de propriété dont il peut faire état mentionne expressément cette propriété sur une fraction du lagon, cette propriété n'étant pas remise en cause par les mutations successives intervenant à titre gratuit ou onéreux ; qu'en l'espèce, pour justifier de sa propriété le requérant se borne à produire un certificat établi le 1er mars 1907 faisant référence à une décision de la commission d'arrondissement du 25 mars 1901 prise sur le fondement de l'arrêt gubernatorial du 22 décembre 1898, laquelle a attribué la propriété de la terre Punaaro à M. Toitua dit " Maitui ", à la suite des revendications portant sur les parcelles référencées n° 22, 291 et 342 insérées au journal officiel des 29 juin 1899 et 4 janvier 1900, indiquant que la terre Punaaro s'étend jusqu'à 40 mètres sur le lagon pour les parcelles n° 22 et 342 et jusqu'à 100 mètres pour la parcelle n° 291 ; que les actes de cession ultérieurs signés les 10 juillet 1911 et 20 septembre 1916 ne mentionnent pas le lagon comme faisant partie de cette propriété ; que si M. A produit deux documents datés du 14 février 1881 et du 9 décembre 1885, ces pièces qui ne constituent que des contrats de bail ne sont pas de nature à remettre en cause la décision résultant de la mise en oeuvre de la procédure de constitution des titres de propriété intervenue en 1901, alors même que le second précise que le bien comprend au droit de la terre Punaaro la partie du lagon jusqu'à son tombant ; qu'il n'est donc pas établi que la propriété acquise par le grand-père du contrevenant comportait une partie du lagon attenant à la terre de Punaaro et qu'à la date du procès-verbal, le lagon jouxtant la terre Punaaro appartenait ainsi à M. A ; que, par suite, la réalisation sans aucune autorisation administrative du remblai litigieux sur ce lagon, au droit de la terre Punaaro constitue une contravention de grande voirie ;

En ce qui concerne la régularité de la saisine du tribunal :

Considérant, d'une part, que M. B a été nommé secrétaire général du gouvernement de la Polynésie française par un arrêté n° 2268 CM du 9 décembre 2009 régulièrement publié au journal officiel de la Polynésie française ; que, par ailleurs, l'article 2 de l'arrêté n° 2897/PR du 11 décembre 2009 du président de la Polynésie française confère à M. B, en sa qualité de secrétaire général, une délégation à l'effet de signer les actes de poursuite et de procédure ainsi que les mémoires en matière de contravention de grande voirie ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la saisine du tribunal manque en fait ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 774-11 du code de justice administrative : " Pour l'application des articles L. 774-1 à L. 774-8 en Polynésie française (...) Le président de la Polynésie française, pour le domaine public de la Polynésie française, exerce les attributions dévolues au haut-commissaire de la République en Polynésie française dans les conditions prévues par le présent article. / Pour l'application de l'alinéa précédent, à l'article L. 774-2, le mot " préfet " est remplacé par les mots " président de la Polynésie française " ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal ne pouvait être saisi, pour une contravention de grande voirie portant sur le domaine public maritime de la Polynésie française, que par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, manque en droit ;

En ce qui concerne l'action publique :

Considérant qu'il ressort des énonciations du procès-verbal n° 1127/GEG/CP du 24 août 2010 qu'il a été procédé à la réalisation d'un remblai sur le domaine public maritime, au droit de la terre Punaaro - lot n° 1 - située à Avera sur le territoire de la commune de Taputapuatea de l'île de Raiatea ; que ces travaux ont été réalisés pour le compte de M. A, sans aucune autorisation administrative ; que cette atteinte au domaine public maritime de la Polynésie française constitue l'une des infractions prévues à l'article 6 de la délibération n° 2004-34 de l'assemblée de la Polynésie française du 12 février 2004 et réprimée par l'article 27 de ce texte ; que, dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'infliger à M. A une amende d'un montant de 800 euros ;

En ce qui concerne l'action domaniale :

Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que M. A, qui ne justifie d'aucune autorisation, ait régularisé la situation ; que dans ces conditions, il y a lieu, pour autant qu'il n'ait pas déjà procédé à la remise en état les lieux, d'enjoindre à M. A de procéder à cette remise en état dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte, et, à l'expiration de ce délai, d'autoriser l'administration à y procéder d'office aux frais du contrevenant aux termes de ce même délai de deux mois ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions de M. A à fin d'annulation du jugement n° 1000509 en date du 22 mars 2011 susvisé ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement précité sont devenues sans objet ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française la somme que M. A demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. A une somme de 1 000 euros sur ce même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 11PA04043 tendant au sursis à exécution du jugement attaqué.

Article 2 : Le jugement n° 1000509 du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 22 mars 2011 est annulé.

Article 3 : M. A est condamné à verser à la Polynésie française une amende de 800 cents euros.

Article 4 : M. A devra sous le contrôle de la Polynésie française, pour autant qu'il n'y ait pas déjà procédé, remettre les lieux en état dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. L'administration est autorisée à défaut d'exécution du jugement au terme du délai de deux mois, à procéder d'office à la remise en état des lieux aux frais de M. A.

Article 5 : M. A versera une somme de 1 000 euros à la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11PA03468 - 11PA04043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03468
Date de la décision : 02/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-02;11pa03468 ?
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