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07/12/2011 | FRANCE | N°09PA04407

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 décembre 2011, 09PA04407


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 juillet 2009, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) SERCA, dont le siège est 18 rue de la Grande Batelière à Paris (75009), représentée par son gérant en exercice, par Me Delpeyroux ; la SARL SERCA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0410766 du 19 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de

l'exercice clos en 1995 et des cotisations supplémentaires de ces mêmes impôts au...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 juillet 2009, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) SERCA, dont le siège est 18 rue de la Grande Batelière à Paris (75009), représentée par son gérant en exercice, par Me Delpeyroux ; la SARL SERCA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0410766 du 19 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 et des cotisations supplémentaires de ces mêmes impôts auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1997 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise en vue de déterminer la valeur de son immeuble au 31 décembre 1994 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu la décision n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010 du Conseil constitutionnel ;

Vu la décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Delpeyroux, pour la SARL SERCA ;

Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) SERCA, constituée le 21 décembre 1990 par Mme A et ses deux enfants et dont ils détiennent ensemble la totalité du capital, a opté, au titre des exercices clos en 1995, 1996 et pour la période allant du 1er janvier au 31 mai 1997, pour le régime fiscal des sociétés de personnes sur le fondement de l'article 239 bis AA du code général des impôts ; que la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1995, 1996 et 1997, à l'issue de laquelle le service a remis en cause le bénéfice de l'option de la SARL SERCA pour le régime fiscal des sociétés de personnes ; que l'administration a, d'autre part, réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1995 une provision pour dépréciation constituée par la contribuable à la clôture de l'exercice 1994, destinée à constater la dépréciation de son bien immobilier, et a estimé qu'une dette de 10 000 000 F inscrite dans les écritures de l'exercice clos en 1997 n'était pas justifiée ; que, par la présente requête, la SARL SERCA fait appel du jugement du 19 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt mises à sa charge au titre des exercices clos en 1995 et 1997, découlant de ces redressements ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 239 bis AA du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Les sociétés à responsabilité limitée exerçant une activité (...) commerciale (...) et formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et soeurs, ainsi que les conjoints, peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l'article 8 (...) ; que le législateur a ainsi entendu réserver le régime fiscal des sociétés de personnes à des sociétés à responsabilité limitée de famille exerçant une activité de la nature de celles qu'il a limitativement énumérées et en exclure les sociétés à responsabilité limitée de famille exerçant une activité d'une autre nature, à moins, le cas échéant, qu'une telle activité ne présente un caractère accessoire et ne constitue le complément indissociable d'une activité notamment commerciale exercée par la société ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des exercices clos en 1995, 1996 et 1997, la SARL SERCA exerçait, outre une activité commerciale de négoce d'oeuvres d'art, une activité, de nature civile, de location immobilière ; qu'elle louait ainsi ses locaux nus à la société Drouot services, qui elle-même les louait au cabinet d'expertise A ; que, quand bien même le sous-locataire de la SARL SERCA était expert en oeuvres d'art, l'activité de location de locaux nus à la société Drouot services ne saurait être regardée comme un complément indissociable de l'activité commerciale de la société ; que la requérante n'établit pas qu'il en irait différemment en se bornant à faire valoir que son activité de location avait pour but d'augmenter ses débouchés commerciaux ; qu'il s'ensuit que la SARL SERCA ne pouvait bénéficier de l'option pour le régime fiscal des sociétés de personnes prévue par les dispositions précitées de l'article 239 bis AA du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que la SARL SERCA ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, du mémoire du 14 avril 2003 par lequel l'administration a indiqué abandonner les redressements notifiés à l'un de ses associés au titre des années 1991, 1992 et 1993 et prononcé le dégrèvement des impositions correspondantes, dès lors qu'en tout état de cause, ce mémoire est postérieur aux impositions primitives en litige de la requérante ;

En ce qui concerne la provision pour dépréciation constituée à la clôture de l'exercice 1994 :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution qu'une disposition législative déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pas annulée rétroactivement mais abrogée pour l'avenir à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que, par sa décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;

Considérant que, lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions précitées, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ;

Considérant que, par sa décision n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le IV de l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ; qu'en vertu de l'article 2 de sa décision, cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 8 , aux termes duquel elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ;

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, compte tenu de la déclaration d'inconstitutionnalité mentionnée ci-dessus : (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ; que, lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL SERCA a constitué, à la clôture de l'exercice 1994, une provision destinée à constater la dépréciation de son bien immobilier ; que l'administration, estimant que cette écriture était irrégulière, en a rapporté le montant aux résultats de l'exercice clos en 1995, premier exercice non prescrit ; que, si ladite provision a été constituée irrégulièrement dès l'origine, l'administration n'établit pas que l'erreur comptable ainsi commise par la requérante était délibérée ; qu'il s'ensuit que, par voie de correction symétrique des écritures du bilan, le bien immobilier en cause devait être inscrit à l'ouverture du bilan de l'exercice 1995 pour sa valeur nette avant provision ; que, dès lors, l'administration ne pouvait pas procéder audit redressement ;

En ce qui concerne le passif regardé comme injustifié au titre de l'exercice clos en 1997 :

Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1997 la dette, d'un montant de 10 000 000 F, afférente à un emprunt contracté par la SARL SERCA auprès de la société Crédit agricole du Luxembourg SA, au motif que la réalité du versement effectif des fonds n'était pas démontrée ; qu'il résulte des termes de la convention conclue le 28 novembre 1996 par la requérante avec la société Crédit agricole du Luxembourg SA que, d'une part, le prêt en cause devait être affecté au remboursement d'un prêt à court terme consenti par M. A et d'une partie du compte-courant de Mme A, que, d'autre part, la mise à disposition du prêt se ferait par virement sur le compte bancaire de M. A, créancier de la société à hauteur de 7 000 000 F, et que le solde de 3 000 000 F serait versé à Mme A ; que la requérante établit que ledit prêt a été débloqué le 2 janvier 1997 ; qu'elle justifie aussi, par la production d'un extrait de ses écritures comptables au 20 janvier 1997, que l'inscription de cette dette a donné lieu, en contrepartie, à une écriture de débit de 3 000 000 F sur le compte-courant d'associé de Mme A et à deux écritures de débit d'un montant respectif de 6 835 013,45 F et 164 986,55 F sur les comptes ouverts au nom du cabinet A et de M. A ; que la SARL SERCA apporte ainsi la preuve qui lui incombe de l'emploi de l'emprunt conformément aux termes de la convention du 28 novembre 1996 et de la réalité de la dette inscrite au passif du bilan à la clôture de l'exercice 1997 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ni d'ordonner une expertise, que la SARL SERCA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 et des cotisations supplémentaires de ces mêmes impôts auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1997 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL SERCA et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0410766 du 19 mai 2009 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La SARL SERCA est déchargée des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1995, à concurrence d'un montant total en droits et pénalités respectivement de 243 146 euros et 16 309 euros.

Article 3 : La SARL SERCA est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1997, à concurrence d'un montant total en droits et pénalités respectivement de 724 663 euros et 54 597 euros.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL SERCA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 08PA04258

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N° 09PA04407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA04407
Date de la décision : 07/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-07;09pa04407 ?
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