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13/10/2011 | FRANCE | N°11PA00774

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 octobre 2011, 11PA00774


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2011, présentée pour M. David B et Mme Laure A, demeurant ..., agissant tant en leurs noms personnels qu'au nom de leur enfant mineur, Mlle Ely B, par Me Metzker ; M. B et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0914652/7-2 du 17 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2009 du garde des sceaux refusant de l'autoriser à changer de nom en substituant à son patronyme celui de C ;

2°) d'annuler cette décision pour e

xcès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 eu...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2011, présentée pour M. David B et Mme Laure A, demeurant ..., agissant tant en leurs noms personnels qu'au nom de leur enfant mineur, Mlle Ely B, par Me Metzker ; M. B et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0914652/7-2 du 17 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2009 du garde des sceaux refusant de l'autoriser à changer de nom en substituant à son patronyme celui de C ;

2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance organique n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York, le 26 janvier 1990 ;

Vu le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2011 :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- et les observations de Me Metzker pour M. B et Mme A ;

Considérant que M. B, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure Ely, a sollicité du garde des sceaux l'autorisation de changer de nom en substituant à son patronyme celui de sa mère C ; que, toutefois, par une décision en date du 30 mars 2009, le garde des sceaux a rejeté sa demande ; que M. B ainsi que son épouse, Mme A, relèvent appel du jugement du 17 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / [...] ;

Considérant que la requête présentée par M. B l'a, également, été par son épouse, Mme A ; que, cependant, à défaut d'avoir été présente ou appelée en première instance, celle - ci n'est pas recevable à relever appel du jugement attaqué ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la cour administrative d'appel saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ; que le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat [...] ;

Considérant que le 21 juillet 2001 M. B a présenté un mémoire par lequel il demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l'article 311-21 et de l'alinéa 1er de l'article 61 du code civil aux droits et libertés garantis par la Constitution ; que ce mémoire reprend les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui d'une première question prioritaire de constitutionalité présentée le 29 avril 2011 dans la présente instance qui a fait l'objet d'une ordonnance du 22 juin 2011 par laquelle le président de la première chambre a jugé qu'il n'y avait pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat ; que, d'une part, si M. B conteste la régularité de la procédure contentieuse suivie et la motivation de la dite ordonnance, ces moyens ne pourront être utilement examinés que dans le cadre d'un éventuel pourvoi en cassation formé à l'encontre du présent arrêt ; que, d'autre part, pour les mêmes motifs que ceux de l'ordonnance précitée du 22 juin 2011, il n'y a pas lieu de transmettre cette nouvelle question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'à supposer que M. B, qui fait valoir que le jugement du tribunal administratif sera infirmé au nom du droit à une procédure équitable , ait entendu soutenir que le jugement rendu par les premiers juges serait irrégulier en ce qu'il a été rendu en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1er de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort que ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien - fondé ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom : Le refus de changement de nom est motivé. [...] ;

Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient M. B, la motivation d'une décision refusant un changement de nom est régie par un texte spécial, l'article 6 précité du décret du 20 janvier 1994, et non par la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que, d'autre part, la décision du 30 mars 2009 en litige comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la circonstance que le garde des sceaux aurait retenu dans la motivation de sa décision un motif qui n'était pas expressément invoqué par le requérant n'est pas de nature à faire regarder cette motivation comme irrégulière ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes de la requête de M. B que ce dernier doit être regardé comme ayant entendu faire valoir un défaut d'instruction ou un défaut d'examen de sa demande ; que, d'une part, s'il ressort des pièces versées au dossier que le garde des sceaux a formellement accusé réception de la demande de l'intéressé le 30 mars 2009, demande qui a été rejetée à cette même date, ces mêmes pièces établissent qu'il a, en réalité, été saisi le 28 novembre 2008, que l'administration a demandé à deux reprises à M. B de compléter sa demande, ce qui a été fait le 15 janvier 2009, enfin que le conseil des intéressés a été en contact téléphonique à plusieurs reprises avec le service du sceau bien avant que la décision de rejet ne soit prise ; que, d'autre part, la motivation de la décision critiquée n'est pas de nature à établir la précipitation de l'administration ainsi que l'absence d'examen de la demande de l'intéressé nonobstant la circonstance que le garde des sceaux n'aurait cité ni la notice relative à l'étymologie du nom B ni les extraits de dictionnaire communiqués ni le courrier du 23 février 2009 par lequel l'intéressé se prévalait du caractère péjoratif de son nom ; qu'enfin, l'instruction du dossier de M. B n'appelait aucune mesure d'enquête et relevait de la seule appréciation du garde des sceaux ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la demande du requérant doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que M. B ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui ne sont pas applicables aux procédures administratives ainsi que celle des dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui ne sont pas applicables aux demandes des administrés ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 61 du code civil : Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. [...] ;

Considérant, d'une part, que si M. B se prévaut du port du nom de sa mère, qui traduirait un motif affectif, il ne justifie d'aucune circonstance exceptionnelle de nature à lui conférer un intérêt légitime au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil ; que, d'autre part, il ne résulte pas des pièces versées au dossier que le patronyme de l'intéressé revêtirait un caractère péjoratif et ridicule patent et avéré au point que cette circonstance lui confèrerait un intérêt légitime justifiant qu'il soit dérogé aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ; que, dès lors, il ne peut être fait grief au garde des sceaux d'avoir entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le garde des sceaux aurait commis un détournement de pouvoir ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;

Considérant, d'une part, que si, en tant que moyen d'identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d'une personne concerne sa vie privée et familiale, l'Etat peut toutefois en réglementer l'usage notamment pour assurer une sécurité juridique suffisante de l'état civil ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que la décision en litige constitue une ingérence excessive dans l'exercice du droit de M. B au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs pour lesquels elle a été prise et notamment des principes de fixité du nom définis par la loi ;

Considérant, d'autre part, qu'à la date de la décision attaquée, le régime de dévolution du nom patronymique était identique pour toutes les personnes placées dans la même situation que M. B, notamment, du point de vue de la loi applicable compte tenu de la date de naissance de l'intéressé ; que ce dernier ne peut utilement invoquer l'inconventionnalité, au regard des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions du code civil consacrant le principe de la dévolution automatique du nom patronymique, dans leur rédaction antérieure à la loi du 4 mars 2002, ces dernières ne concernant ni le principe de fixité du nom de famille ni les règles relatives au changement de ce nom et n'ayant n'ont pas fondé la décision en litige ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'est constitutive d'aucune discrimination ;

Considérant, en septième et dernier lieu, que M. B ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 7, et notamment celles du 1°, de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'elles créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée le 21 juillet 2011 par M. B et Mme A.

Article 2 : La requête de M. B et de Mme A est rejetée.

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N° 11PA00774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00774
Date de la décision : 13/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : METZKER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-10-13;11pa00774 ?
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