Vu l'ordonnance en date du 10 juin 2010, enregistrée le 22 juin au greffe de la Cour sous le 10PA03061, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée pour M. Stuart A, demeurant ... ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 23 décembre 2009 et le 23 mars 2010, présentés pour M. Stuart A, par Me Spinosi ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0905089 du 19 octobre 2009 par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire émis à son encontre le 20 novembre 2008, pour un montant de 36 089, 43 euros par Voies navigables de France ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit titre exécutoire ;
3°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
- et les observations de Me Charluet pour Voies Navigables de France ;
Considérant que M. A relève appel de l'ordonnance n° 0905089 du 19 octobre 2009, par laquelle le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre par Voies navigables de France le 20 novembre 2008, pour un montant de 36 089, 43 euros à raison du stationnement sans autorisation du bateau Festina sur le domaine public fluvial ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1 ; (...) ;
Considérant que les arrêts de la cour de céans auxquels se réfère l'ordonnance attaquée ont été pris sur le fondement de l'article L. 28 du code du domaine de l'Etat alors que le litige en cause, dans la présente instance, porte sur l'application de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui s'est substitué à l'article L. 28 du code du domaine de l'Etat à compter du 1er juillet 2006 ; que, dans ces conditions, le vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, rejeter cette demande en application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 6° du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris du 19 octobre 2009 doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'état exécutoire contesté comporte la signature de l'ordonnateur et du comptable secondaire ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de signature de l'état exécutoire manque en fait et doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 91-796 du 20 août 1991 : L'établissement public exerce sur le domaine public qui lui est confié par l'Etat et pour la réalisation des missions définies à l'article 124 de la loi de finances pour 1991 (n° 90-1168 du 29 décembre 1990) et par son statut les pouvoirs d'administration et de gestion. A ce titre, il lui appartient notamment, dans le respect des principes de la domanialité publique (...) d'autoriser toute occupation et autre utilisation du domaine public fluvial (...) ; qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui s'est substitué à l'article L. 28 du code du domaine de l'Etat à compter du 1er juillet 2006 : Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ; qu'aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (...) donne lieu au paiement d'une redevance (...) ; qu'aux termes de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques : Sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, il résulte des dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques que l'indemnité due par l'occupant sans titre du domaine public ne présente pas la même nature que la redevance normalement due par les titulaires d'une autorisation d'occuper le domaine public et obéit à un régime juridique distinct ; que, par suite, si les dispositions de l'article L. 2125-8 précitées ont pour objet de déterminer le mode de calcul de l'indemnité due par l'occupant sans titre du domaine public par référence au montant de la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire , elles ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de conditionner la légalité de cette indemnité à celle de la redevance exigée des bénéficiaires d'une autorisation d'occupation ; que si l'article 13 du décret du 26 décembre 1960 portant statut de Voies navigables de France investit le conseil d'administration du pouvoir de fixer le montant des redevances, il ne résulte d'aucune disposition du statut régissant cet établissement public que les indemnités réclamées à un occupant sans titre ne pourraient résulter que de l'application d'une délibération tarifaire prise par le conseil d'administration ; qu'ainsi, l'absence de publication régulière de l'acte réglementaire fixant les tarifs des redevances ne fait pas obstacle à ce que Voies navigables de France puisse se référer aux règles de calcul figurant dans ce document pour fixer le montant de l'indemnité réclamée à un occupant sans titre ; que l'indemnité mise à la charge de M. A est due à raison de l'occupation sans titre du domaine public fluvial ; que la circonstance que le requérant pourrait se prévaloir, s'il était bénéficiaire de l'autorisation requise, de ce que la redevance perçue par Voies navigables de France serait fondée sur un acte réglementaire inopposable, n'est pas de nature à priver l'établissement public de l'exercice des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques en vue de réparer les atteintes au domaine public fluvial résultant d'une occupation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que Voies navigables de France ne pourrait justifier d'aucun préjudice ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que tout état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ; que l'état exécutoire attaqué du 20 novembre 2008 mentionne d'une part, l'article 124 de la loi du 29 décembre 1990 de finances pour 1991 et les décrets du 20 août 1991 relatifs au domaine confié à Voies navigables de France et aux recettes instituées au profit de cet établissement et indique le nom du bateau et les périodes d'occupation concernées ; que M. A ne conteste pas avoir reçu au préalable les avis de sommes à payer mensuels accompagnés d'un document intitulé éléments de liquidation des sommes à payer précisant l'identité du bateau, sa catégorie, son lieu de stationnement et le mode de calcul de l'indemnité mensuelle ; que, dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que l'état exécutoire ne fait pas référence à la délibération de Voies navigables de France relative aux redevances en fonction desquelles l'indemnité due par M. A aurait été calculée, ledit état est suffisamment motivé ;
Considérant, enfin, que si M. A soutient que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en tant que l'indemnité réclamée serait disproportionnée, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que l'état exécutoire émis à son encontre le 20 novembre 2008, pour un montant de 36 089, 43 euros par Voies navigables de France est entaché d'illégalité ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, en vertu de ces mêmes dispositions, de mettre à sa charge le versement à Voies navigables de France, de la somme de 2 000 euros à Voies navigables de France ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 0905089 du vice-président de la 7ème section du Tribunal administratif de Paris en date du 19 octobre 2009 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : M. A versera à Voies navigables de France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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