Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril 2010 et 30 avril 2010, présentés pour la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL, dont le siège est 87 boulevard de Grenelle à Paris cedex 15 (75738), par Me Appietto et la SCP Vier - Barthélémy - Matuchansky ; la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0613820/6-3 en date du 21 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de son conseil fédéral en date du 2 juin 2006 en tant qu'elle remettait M. Jean-Marc A à la disposition de sa Ligue régionale de football pour la saison 2006-2007 ;
2°) de rejeter la demande de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du sport ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2011 :
- le rapport de Mme Julliard, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Lazaud, pour M. A ;
Considérant que M. A avait, au titre de la saison 2005-2006, la qualité d'arbitre de Ligue 2 de football Fédéral 2 ; que, sur le fondement de la décision de la direction nationale de l'arbitrage en date du 30 mai 2006 arrêtant le nombre de rétrogradations et de promotions qui devaient être mises en oeuvre à l'issue de la saison 2005-2006 ainsi que de la proposition de classement des arbitres fédéraux pour cette saison établie par la direction nationale de l'arbitrage en fonction des notes obtenues par les arbitres dans le cadre du contrôle de leurs performances, le conseil fédéral de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL a, le 2 juin 2006, après accord du conseil supérieur de l'arbitrage, validé ce classement et nommé les arbitres fédéraux pour la saison 2006-2007 ; que M. A, constatant qu'il ne figurait sur aucune liste d'arbitres fédéraux et qu'il était donc remis à la disposition de sa Ligue régionale, a demandé sa réintégration en Fédéral 2 ; que la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL ayant rejeté sa demande, il a saisi le 4 juillet 2006 le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) d'une demande de conciliation en application de l'article L. 141-4 du code du sport ; que le conciliateur du CNOSF a proposé le reclassement de l'intéressé comme arbitre Fédéral 3 ou 4 ; que cette proposition de conciliation a été rejetée par M. A et par la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL respectivement le 27 juillet 2006 et le 3 août 2006 ; que la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL relève appel du jugement du 21 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de son conseil fédéral en date du 2 juin 2006 en tant qu'elle remettait M. A à la disposition de sa Ligue régionale de football pour la saison 2006-2007 ;
Sur la compétence du Tribunal administratif de Paris et de la Cour :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 4° Des recours dirigés contre les décisions administratives des organismes collégiaux à compétence nationale ; qu'aux termes de l'article R. 311-2 du même code : Par dérogation aux dispositions du 4° de l'article R. 311-1, les décisions individuelles, prises à l'encontre d'une personne physique ou morale par une fédération sportive dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sont portées, nonobstant toute disposition contraire, devant le tribunal administratif ;
Considérant que la décision attaquée, prise le 2 juin 2006 par le conseil fédéral de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL, qui constitue un organisme collégial à compétence nationale, est une décision fixant le tableau des effectifs des arbitres fédéraux (F1, F2, F3, F4, F5) pour la saison 2006-2007 et intéressant l'ensemble des arbitres qui y sont inscrits, qui n'a pas le caractère d'une décision individuelle prise à l'encontre d'une personne physique ou morale au sens des dispositions précitées de l'article R. 311-2 du code de justice administrative ; qu'elle relevait, à la date de l'introduction de la requête de première instance de M. A, de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est reconnu compétent pour statuer sur la demande de M. A ; qu'il en résulte que le jugement du 21 janvier 2010 du Tribunal administratif de Paris doit être annulé ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-164 du 22 février 2010 dont les dispositions s'appliquent aux requêtes enregistrées à compter du 1er avril 2010 et qui énumère les litiges pour lesquels le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort, la Cour de céans est compétente pour connaître du présent litige en cause d'appel ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris :
Considérant que l'organisation et la gestion par la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL du corps arbitral, nécessaire au bon fonctionnement des compétitions régionales et nationales de football, participe à l'exécution d'un service public administratif ; que les principes définissant l'organisation et la gestion du corps arbitral sont ainsi soumis au principe d'égalité, qui régit l'ensemble des services publics ;
Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1 C de l'annexe 3 du règlement intérieur de la direction nationale de l'arbitrage, dans sa rédaction adoptée lors de la réunion du conseil fédéral de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL du 14 juin 2005 et entré en vigueur le 1er juillet 2005 : S'il [l'arbitre] n'est plus promotionnel mais âgé de moins de 42 ans, il est reversé chez les F2 et reste dans cette catégorie jusqu'à l'âge limite de 42 ans instauré chez les F2, à la condition que son classement le lui permette : finir chaque saison dans les 6 premiers en F2 et dans les 8 premiers en AAF2. Si son classement le place au-delà de la 6ème place pour un central au-delà de la 8ème place pour un assistant, il est automatiquement remis à la disposition de sa Ligue. ; qu'aux termes de l'article 2 de l'annexe 3 dudit règlement : (...) L'arbitre F2 rétrogradé au classement (descente sportive) peut être dans 3 cas de figure : A - Il s'agit d'un ancien F1 de moins de 42 ans déjà rétrogradé en F2 ; il est alors remis automatiquement à disposition de sa Ligue. B - S'il est encore promotionnel, il est reversé chez les F3 et concourt avec les autres arbitres F3 dès la saison suivante dans les conditions définies pour cette population. C - S'il n'est plus promotionnel, il est reversé chez les F4 où il effectuera une seule saison, en étant non contrôlé. A l'issue de cette saison, il est remis à la disposition de sa Ligue. ;
Considérant que ces dispositions instituent une différence de traitement entre les arbitres Fédéral 2 anciens Fédéral 1 non promotionnels et les autres arbitres Fédéral 2 ; qu'il est ainsi impossible à un arbitre F2 ancien F1 non promotionnel d'être promu F1 ; qu'un arbitre F2 ancien F1 non promotionnel est nécessairement rétrogradé s'il ne finit pas dans les six premiers du classement F2 à la fin de la saison, alors que les autres arbitres F2 ne sont rétrogradés que s'ils finissent derniers du classement ; qu'en cas de rétrogradation, un arbitre F2 ancien F1 non promotionnel est rétrogradé automatiquement en Ligue régionale, soit au minimum quatre niveaux en dessous de la Ligue 2, alors que les autres arbitres F2 ne peuvent être rétrogradés qu'en F3, soit au niveau immédiatement inférieur, ou bien en F4 ;
Considérant, d'une part, que si la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL soutient que cette différence de traitement est justifiée par le fait que les arbitres F1 rétrogradés ne seraient plus motivés après leur rétrogradation de F1 à F2, elle ne l'établit pas ; qu'au surplus, il ressort des pièces du dossier que les appréciations des examinateurs de M. A lors de ses matchs n'ont jamais fait état d'un éventuel manque de motivation ;
Considérant, d'autre part, que si la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL fait valoir que la différence de traitement opérée entre les arbitres de F2 selon qu'ils sont ou non anciens F1 non promotionnels est également justifiée par un objectif d'intérêt général de promotion des jeunes arbitres et de renouvellement du corps arbitral, cette différence est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi, alors qu'un arbitre F2 non promotionnel classé 7ème sera relégué en Ligue régionale tandis qu'un arbitre promotionnel classé 17ème et dernier sera, pour sa part, relégué Fédéral 3 ; que la rétrogradation d'au minimum quatre niveaux en dessous du niveau Fédéral 2 d'un arbitre F2 non promotionnel ancien F1 est disproportionnée par rapport à l'objectif de promotion des jeunes arbitres défendu par la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'annexe 3 du règlement intérieur de la direction nationale de l'arbitrage méconnaissent le principe d'égalité ; que, dès lors, M. A était fondé à exciper devant le Tribunal administratif de Paris de l'illégalité de ces dispositions pour demander l'annulation de la décision du 2 juin 2006 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a, par un jugement suffisamment motivé, annulé la décision de son conseil fédéral du 2 juin 2006 en tant qu'elle remet M. A à la disposition de sa Ligue régionale pour la saison 2006-2007 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 21 janvier 2010 est annulé.
Article 2 : La délibération du 2 juin 2006 du conseil fédéral de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL entérinant le tableau général des arbitres pour la saison 2006-2007 est annulée en tant qu'elle remet M. A à la disposition de la Ligue régionale pour la saison 2006-2007.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL est rejeté.
Article 4 : La FEDERATION FRANÇAISE DE FOOTBALL versera la somme de 1 500 euros à M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 10PA03855
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N° 10PA01650