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06/10/2011 | FRANCE | N°10PA01176

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 06 octobre 2011, 10PA01176


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2010, présentée pour

Mme Marie-Brigitte A, demeurant ..., par Me Le Mière ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 095094/3-3 en date du 29 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 20 mars 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville annulant la décision implicite de rejet de l'inspecteur du travail et autorisant son licenciement ;

2°) d'annuler la décision préci

tée du 20 mars 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euro...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2010, présentée pour

Mme Marie-Brigitte A, demeurant ..., par Me Le Mière ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 095094/3-3 en date du 29 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 20 mars 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville annulant la décision implicite de rejet de l'inspecteur du travail et autorisant son licenciement ;

2°) d'annuler la décision précitée du 20 mars 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Julliard, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Mière, pour Mme A et celles de Me Abbes, pour la société CM-CIC Asset Management ;

Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 28 septembre 2011 présentée pour Mme A ;

Considérant que Mme A, qui a été engagée en 1985 en qualité d'attachée de direction par le groupe du Crédit Mutuel, occupait au moment de la fusion de cette entité avec la société CIC Asset Management, le 31 décembre 2004, les fonctions de responsable de la gestion des taux et était également membre du comité de direction ; qu'à la suite de ladite fusion, elle a été nommée adjointe au responsable de la gestion des taux ; que des difficultés relationnelles avec son supérieur hiérarchique étant apparues, sa direction lui a proposé de nouvelles affectations en qualité d'adjointe au responsable de la gestion des actions en septembre 2006, puis de responsable de l'activité de multigestion en novembre 2006 au sein de ce même service, postes qu'elle a refusés ; qu'elle a fait l'objet d'une affectation, le 12 janvier 2007, dans le pôle gestion de taux, gestion épargne salariale et gestion privée, au poste de responsable de l'analyse crédit et de la recherche obligataire, affectation qu'elle a contestée la considérant comme une mutation-sanction à son égard ; qu'elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 2 avril 2007, resté sans suite à raison de son élection, le 3 avril 2007 comme membre de la délégation unique du personnel au comité d'entreprise ; que, le 4 avril suivant, elle a été affectée en qualité de responsable de la multigestion et de la table de négociation auprès du responsable de la gestion des actions, affectation qu'elle a contestée auprès de la commission de recours interne ; que le 27 février 2008, le président du directoire lui a fait savoir qu'en raison des difficultés, dont Mme A lui avait fait part, à gérer simultanément la multigestion et la table de négociation, il lui confiait la responsabilité du seul secteur table portefeuille et négociation ; que plusieurs courriers électroniques ont alors été échangés entre Mme A et les responsables de la société au sujet des attributions de la table portefeuille et négociations qui lui étaient dévolues et le 5 mai 2008, Mme A a adressé au président du directoire un courrier électronique dans lequel elle déclarait refuser la modification de son contrat de travail qui lui était imposée et réitérait sa demande de réintégration dans ses fonctions de responsable de la gestion des taux ; qu'à la suite de ce dernier courrier, la société CM-CIC Asset Management a engagé à son encontre une seconde procédure de licenciement ; qu'elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour faute le 4 juin 2008 ; que le comité d'entreprise a émis le 20 juin 2008 à l'unanimité un avis défavorable à son licenciement ; que saisi, le 3 juillet 2008, d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute, l'inspecteur du travail ne s'est pas prononcé dans le délai imparti ; que la société CM-CIC Asset Management a alors formé, le 3 novembre 2008, un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'autorisation de licenciement ; qu'en l'absence de réponse expresse du ministre, une décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique est née le 4 mars 2009 ; que, par une décision en date du 10 mars 2009, le ministre du travail s'est expressément prononcé sur la demande dont il était saisi, a annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement pour faute de Mme A, puis, par une nouvelle décision en date du 20 mars 2009, a prononcé le retrait de sa décision du 10 mars 2009, l'estimant entachée d'illégalité faute d'avoir prononcé le retrait de sa décision implicite du 4 mars 2009, a également prononcé le retrait de sa décision implicite du 4 mars 2009, et, enfin, a annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de Mme A ; que cette dernière relève appel du jugement du 29 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 20 mars 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que si Mme A soutient que le jugement attaqué, rendu au seul visa de sa requête du 25 mars 2009 et de son mémoire complémentaire du 8 décembre 2009, n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure en violation de l'article 5 du code de justice administrative, dès lors qu'il n'est fait nullement état des écritures et arguments des autres parties, il ressort, en tout état de cause, de la minute dudit jugement que ce dernier vise et analyse les moyens développés dans les mémoires de la société CM-CIC Asset Management enregistrés les 19 juin 2009, 11 et 18 septembre 2009, ainsi que ceux du mémoire de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Paris enregistré le 30 novembre 2009 et du ministre du travail enregistré le 3 décembre 2009 ; que le moyen manque donc en fait ;

Considérant, en second lieu, que si Mme A soutient que les premiers juges auraient statué ultra petita, il ressort du jugement attaqué que saisi d'une demande d'annulation de la décision du ministre du travail du 20 mars 2009, le tribunal s'est borné à rejeter la requête sans prononcer d'autres mesures que celles que les parties avaient sollicitées ; que, par suite, le moyen manque également en fait ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que Mme A soutient que les modifications envisagées de son contrat de travail n'ont été préalablement notifiées ni aux organes élus ni à l'inspecteur du travail, ce qu'auraient dû relever le ministre, puis les premiers juges ; qu'aucune règle n'impose, en tout état de cause, qu'une modification du contrat de travail d'un salarié protégé soit préalablement notifiée aux organes élus de la représentation du personnel ou à l'inspection du travail ; que ce moyen doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la circonstance que les élus du comité d'entreprise aient été consultés sur une demande de licenciement pour faute grave, alors que la direction de la société CM-CIC Asset Management avait fondé sa demande de licenciement sur la faute simple, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure de licenciement de Mme A, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ce sont les mêmes faits qui fondent la demande de licenciement pour motif disciplinaire ;

Considérant, en troisième lieu, que si Mme A soutient que la décision ministérielle contestée est irrégulière faute d'avoir respecté la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du recours hiérarchique de la société CM-CIC Asset Management, le ministre du travail a engagé une contre-enquête menée par le directeur départemental du travail et que Mme A a été reçue par celui-ci le 17 décembre 2008 ; qu'à la suite de cet entretien elle lui a également adressé le 5 janvier 2009 des observations écrites ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été mise à même de présenter des observations écrites et que la décision attaquée aurait été prise en l'absence de procédure contradictoire ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la décision ministérielle du 20 mars 2009, qui mentionne le mandat de déléguée syndicale , comporte une erreur sur le mandat réellement détenu par Mme A, il ressort des pièces du dossier que tant la demande de licenciement du 3 juillet 2008 que le recours hiérarchique du 3 novembre 2008 faisaient état du mandat de membre titulaire de la délégation unique du personnel de cette dernière ; qu'ainsi, l'autorité administrative a été en mesure d'exercer son contrôle sur la demande qui lui était présentée ;

Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que la décision ministérielle litigieuse vise la décision implicite de l'inspecteur du travail comme datant du 3 novembre 2008 alors que le recours initial de la société CM-CIC Asset Management aurait été reçu par l'inspecteur du travail le 7 juillet de la même année est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

Considérant, en sixième lieu, que, contrairement à ce que soutient Mme A, le ministre chargé du travail pouvait légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite du 4 mars 2009 rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision implicite du 4 novembre 2008 de l'inspecteur du travail refusant son licenciement, lesquelles étaient créatrices de droit à son profit, dès lors que ces deux décisions étaient illégales ; que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en septième lieu, que Mme A soutient qu'il appartenait au ministre du travail, dans le cadre de l'examen du recours hiérarchique qui lui était soumis, de vérifier la légalité de la décision de l'inspecteur du travail et qu'il résulte des termes mêmes de la décision du ministre que celui-ci n'a pas apprécié la légalité de cette décision avant de l'annuler ; qu'il ressort toutefois des visas, des motifs et du dispositif de la décision litigieuse que ce moyen manque en fait ;

Considérant, en huitième lieu, que Mme A ne saurait utilement se prévaloir de ce que la société CM-CIC Asset Management ayant saisi le ministre d'un recours hiérarchique visant seulement à annuler la décision de l'inspecteur du travail, le ministre aurait méconnu l'étendue de sa compétence en accordant une autorisation de licenciement dès lors que tout recours hiérarchique à l'encontre d'un refus de licenciement d'un salarié protégé vise nécessairement à obtenir l'autorisation de licenciement dudit salarié ;

Considérant, en neuvième lieu, que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus ; qu'après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié que des conditions d'exercice de son mandat ; qu'en tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;

Considérant, d'une part, que pour rejeter la demande de Mme A, le Tribunal administratif de Paris a estimé que les griefs retenus par le ministre chargé du travail étaient établis par les pièces du dossier et qu'il ressortait en particulier des courriers émanant de la société CM-CIC Asset Management, ainsi que des organigrammes produits par elle, que toutes les propositions qui avaient été faites à la requérante comportaient le maintien de sa rémunération, de ses garanties statutaires, de ses responsabilités et de son positionnement hiérarchique et constituaient seulement des modifications de ses attributions décidées par l'employeur en vertu de son pouvoir de direction ; que Mme A n'établit pas plus en appel qu'en première instance que les différentes propositions ci-dessus énumérées de changement d'affectation qui lui ont été faites par la direction de la société CM-CIC Asset Management auraient eu un autre but que de résoudre les problèmes rencontrés avec son supérieur hiérarchique dans le cadre de ses fonctions d'adjointe au responsable de la gestion des taux, tout en préservant sa rémunération et son positionnement hiérarchique et d'aménager le périmètre de ses responsabilités en fonction des remarques qu'elle pouvait formuler ; qu'il ressort des pièces du dossier que ses refus répétés ont réduit les possibilités pour l'entreprise de répondre à ses demandes ; que les différents postes proposés, nonobstant le changement de spécialité qu'ils lui imposaient et l'éventuelle diminution du nombre de personnes encadrées qu'ils induisaient, ne conduisaient pas à une modification substantielle de son contrat de travail ; qu'il en résulte que les refus réitérés de Mme A de tout changement dans ses conditions de travail ont, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, présenté un caractère de faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

Considérant, d'autre part, que si Mme A soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur dans la qualification juridique des faits en retenant le caractère outrancier des propos tenus dans son courrier électronique du 5 mai 2008 et qu'en tout état de cause, ce caractère outrancier n'est pas constitutif d'une faute, il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé du travail aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que l'autre grief reproché à la requérante et relatif au caractère fautif de ses refus répétés de changement dans ses conditions de travail ; que par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en dixième lieu, que le moyen tiré de ce que le refus persistant d'accepter les postes proposés n'aurait jamais donné lieu à une procédure de licenciement pour ce motif, manque en fait, Mme A ayant fait l'objet en avril 2007 d'une première procédure de licenciement pour motif disciplinaire n'ayant pas été menée à son terme en raison de son élection, le 3 avril 2007 en qualité de membre de la délégation unique du personnel au comité d'entreprise ;

Considérant, enfin, que Mme A n'établit pas plus en appel qu'en première instance que son licenciement aurait un lien avec la dénonciation des irrégularités, au demeurant non établies, qu'aurait pu commettre son supérieur hiérarchique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché ni de contradiction de motifs ni d'une insuffisance de motivation, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 20 mars 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

Sur les conclusions tendant à la suppression de passages injurieux :

Considérant que les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, permettent aux juridictions, dans les causes dont elles sont saisies, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que le mémoire en défense de la société CM-CIC Asset Management ne comporte pas de passages présentant ces caractères ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susmentionnées du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société CM-CIC Asset Management, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société

CM-CIC Asset Management et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera à la société CM-CIC Asset Management une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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N° 10PA01176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA01176
Date de la décision : 06/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : LE MIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-10-06;10pa01176 ?
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