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21/09/2011 | FRANCE | N°09PA04296

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 septembre 2011, 09PA04296


Vu le recours, enregistré le 15 juillet 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 0512883/2 du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. Jean-Claude A a été assujetti au titre de l'année 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre intégralement les impositions contestées ou, subsidiairement, la somme de

211 043 euros, à la charge de M. A ;

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Vu le recours, enregistré le 15 juillet 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 0512883/2 du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. Jean-Claude A a été assujetti au titre de l'année 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre intégralement les impositions contestées ou, subsidiairement, la somme de 211 043 euros, à la charge de M. A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2011 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Cossin, substituant Me Ziegler, pour M. A ;

Considérant que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait appel du jugement du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels M. A a été assujetti au titre de l'année 2000 ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. ; que l'administration peut mettre en oeuvre les pouvoirs qu'elle tient de ces dispositions à l'encontre soit d'actes qui revêtent un caractère fictif, soit d'actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que le contribuable, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 150 A bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : Les gains nets retirés de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux de sociétés non cotées dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens relèvent exclusivement du régime d'imposition prévu pour les biens immeubles. Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale ; qu'aux termes de l'article 150 A de ce même code alors en vigueur : Sous réserve des dispositions particulières qui sont propres aux bénéfices professionnels et aux profits de construction, les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature sont passibles : (...) ; 2° De l'impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent de biens immobiliers cédés plus de deux ans ou de biens mobiliers cédés plus d'un an après l'acquisition. ; qu'en application de l'article 150 M de ce même code alors en vigueur : Les plus-values immobilières réalisées plus de deux ans après l'acquisition du bien sont réduites de 5 % pour chaque année de détention au-delà de la deuxième ;

Considérant que la société Studio des Plantes a été constituée en 1977 ; qu'à compter de 1990, les actifs immobilisés de la société ont été progressivement liquidés, à l'exception d'un bien immobilier, situé 44, rue du Château d'eau à Paris (75010) ; que la société a cédé son fonds de commerce en 1996 ; que, si elle a conservé un temps une activité résiduelle dans le domaine de la photographie, elle a procédé entre 1996 et 1998 à la location de l'immeuble susmentionné avant d'arrêter toute activité en 1999 ; que, par ailleurs, les associés de ladite société, dont M. A, ont signé avec la société Seurlin Immobilier (ci-après Seurlin) une promesse d'acquisition des actions, sous la condition suspensive de la recherche par les cédants d'un acquéreur pour le bien immobilier détenu par la société Studio des Plantes ; que, les cédants ayant trouvé un acquéreur pour le bien immobilier, la cession des titres de la société Studio des Plantes à la société Seurlin est intervenue le 24 février 2000 ; que, le lendemain, la société Seurlin a cédé le bien immobilier susmentionné ; qu'à la suite de la cession de ses titres à la société Seurlin, M. A a réalisé une plus-value qui, en application du 2° de l'article 150 A précité du code général des impôts, a été soumise à l'impôt sur le revenu suivant les règles définies aux articles 150 B à 150 T du code général des impôts, la société Studio des Plantes ayant été considérée comme une société à prépondérance immobilière ; que cette plus-value a été exonérée en application des dispositions précitées de l'article 150 M du code général des impôts, compte tenu de la durée de détention des titres par M. A ; que l'administration a estimé qu'en l'absence d'un tel montage, la plus-value réalisée à raison de la cession du bien immobilier détenu par la société Studio des Plantes, qui était vouée à être liquidée, aurait été, en application des articles 111 bis et 161 du code général des impôts, imposée entre les mains de M. A à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'en conséquence, estimant que les associés de la société Studio des Plantes n'avaient pas poursuivi de but autre que fiscal, l'administration a écarté le montage litigieux sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et, partant, a imposé la plus-value réalisée en 2000 par M. A selon les dispositions combinées des articles 111 bis et 161 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 24 février 2000, date de la cession des titres de la société Studio des Plantes, cette dernière, qui ne disposait plus, en sus de l'immeuble situé 44, rue du Château d'eau à Paris, que de liquidités mises en réserve, qui avait cédé son fonds de commerce, qui avait cessé toute activité depuis la fin de l'année 1998 et dont les dirigeants se préparaient à cesser toute activité professionnelle, était dépourvue de tout moyen d'exploitation, l'immeuble susmentionné ayant fait l'objet d'une promesse de vente ; que cette vente est intervenue le lendemain de la cession des titres ; que l'acquéreur des titres avait pour activité une société d'aide au désinvestissement ; que, le 15 novembre 2000, la société Studio des Plantes a fusionné avec la société Fracoflex ; que, le 15 décembre 2000, la société Fracoflex a été absorbée par la société Gasneuil, laquelle a fait l'objet d'une liquidation à l'amiable le 30 décembre 2001 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Studio des Plantes ait, après la cession de ses titres, poursuivi sous une forme ou sous une autre une quelconque activité ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que la cession des titres de ladite société avait pour seul objet la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes relatifs aux plus-values de cession des sociétés à prépondérance immobilière ; que, dans les conditions susmentionnées, le moyen tiré par M. A de ce que la dissolution de la société Studio des Plantes a été réalisée par les cessionnaires des titres et de ce que la cession des titres est une forme traditionnelle de la transmission, juridiquement beaucoup moins complexe que la dissolution, n'est pas de nature à faire regarder l'opération de cession en cause comme inspirée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que le contribuable, s'il n'avait pas passé cet acte, aurait normalement supportées en cas de dissolution de la société Studio des Plantes ; qu'il suit de là que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif que l'administration n'établissait pas le but exclusivement fiscal des opérations litigieuses au sens des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales pour accorder la décharge des impositions en litige ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, que les extraits invoqués de l'instruction du 7 décembre 1978 et de la réponse ministérielle à M. B, sénateur, en date du 24 août 1989 sont relatifs au régime applicable en cas de cessions de sociétés et ne sauraient, par suite, être utilement invoqués sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales lorsque, comme en l'espèce, l'administration se prévaut de ce que la cession d'une société dissimule en réalité une opération de dissolution ;

Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à évoquer, sans plus de précisions, la position prise par le service lors du contrôle de la société Studio des plantes, M. A ne saurait être regardé comme se prévalant d'une prise de position formelle invocable, eu égard à sa date, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : Lorsqu'un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées, les redressements opérés à ces titres n'entraînent pas l'application de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 ; que M. A se borne à faire référence à une mention qu'il aurait portée sur la note annexée à sa déclaration ; que ce faisant, et en l'absence de précisions sur le contenu de cette mention, il n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l'article 1732 alors applicable du code général des impôts ; qu'il ne peut donc demander la décharge des intérêts de retard qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2000 ;

Sur les pénalités pour abus de droit :

Considérant qu'il résulte de la chronologie des faits telle qu'elle a été retracée ci-dessus que les associés de la société Studio des Plantes ont eu l'initiative principale des actes constitutifs d'abus de droit ; qu'ils en ont été, en outre, les principaux bénéficiaires ; que M. A ne saurait, par suite, utilement se prévaloir de ce que l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2009, ramènerait de 80 % à 40 % la pénalité applicable en cas d'abus de droit lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accordé à M. A la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles l'intéressé a été assujetti au titre de l'année 2000 ; qu'il y a lieu de remettre les impositions correspondantes à la charge de M. A ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0512883/2 du 31 mars 2009 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que les pénalités y afférentes, auxquelles M. A a été assujetti au titre de l'année 2000 sont remises à la charge de l'intéressé.

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N° 08PA04258

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N° 09PA04296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA04296
Date de la décision : 21/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit.


Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : ZIEGLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-09-21;09pa04296 ?
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