Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juillet 2010 et 11 août 2010, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0916260/3-1 du 18 mai 2010 par lequel Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. Bamba A tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2009 par lequel le PREFET DE POLICE lui avait refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui avait fait obligation de quitter le territoire français et avait fixé le pays de destination et a enjoint au PREFET DE POLICE de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Bamba A devant le tribunal administratif ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2011 :
- le rapport de Mme Julliard, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Dakhli, représentant M. A ;
Connaissance prise de la note en délibéré présentée le 4 juillet 2011 pour M. A ;
Considérant que M. Bamba A, ressortissant guinéen né en 1964, entré pour la dernière fois en France en 1993 selon ses déclarations, a sollicité le statut de réfugié qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 18 janvier 1993 confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 6 mai 1993 et a fait l'objet, le 6 avril 1994, d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ainsi que d'une interdiction judiciaire du territoire français de cinq années prononcée la même année par le Tribunal de grande instance de Bobigny ; que, demeuré sur le territoire, il a sollicité la régularisation de sa situation à plusieurs reprises et a fait l'objet de nouveaux refus, assortis d'une invitation à quitter le territoire français en date du 26 novembre 1998, du 19 août 2003 et, le 25 juillet 2007, d'une obligation de quitter le territoire français ; que le 2 juillet 2009, il a une nouvelle fois sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été refusée par arrêté du 8 septembre 2009 du PREFET DE POLICE, lui faisant également obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que ce dernier relève appel du jugement du 18 mai 2010 par lequel Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 8 septembre 2009 et lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant que pour annuler l'arrêté contesté du 8 septembre 2009, le Tribunal s'est fondé sur les circonstances que M. A résidait habituellement en France depuis plus de 16 ans à la date de cette décision, qu'il y avait régulièrement travaillé de 1994 à 1999, en 2002, puis de façon ininterrompue depuis 2004 sans qu'il soit établi ni même soutenu par le PREFET DE POLICE qu'il se serait prévalu à cette fin de faux documents, que M. A s'acquittait de ses impôts en France, dont il parle couramment la langue, et bénéficiait depuis 2009 d'un contrat de travail à temps plein à durée indéterminée, qu'enfin, il faisait valoir sans être contesté qu'il n'avait revu ni son épouse ni sa fille née en 1991 depuis son entrée en France, et qu'ainsi, eu égard à l'ancienneté et à la stabilité de ses liens avec la France où il était parfaitement intégré et où il avait établi le centre de ses intérêts économiques et personnels, M. A était fondé à soutenir que l'arrêté attaqué était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que, toutefois, l'ancienneté et la continuité alléguées de la présence en France de M. A, qui soutient y résider depuis 1993, n'est pas suffisamment établie par les documents produits par ce dernier, en particulier par les fiches de paye faisant apparaître pour l'intéressé deux numéros de sécurité sociale différents ainsi que des adresses différentes pour les mêmes périodes ; qu'au surplus, le contrat de travail produit établi le 7 février 2008 fait apparaître un troisième numéro de sécurité sociale différent des deux précédents ; que l'intéressé, qui était âgé d'au moins 28 ans à la date de son arrivée en France, s'y est maintenu en situation irrégulière en dépit de plusieurs décisions de refus de séjour et ne justifie pas d'une insertion particulièrement exemplaire ; qu'il ne fait par ailleurs état d'aucune attache familiale en France alors qu'il a reconnu avoir une femme et un enfant dans son pays d'origine ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a estimé que le PREFET DE POLICE avait commis une erreur manifeste d'appréciation pour annuler l'arrêté contesté du 8 septembre 2009 ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour ;
Sur la légalité de l'arrêté du 8 septembre 2009 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision ;
Considérant, d'une part, que l'arrêté contesté vise les textes applicables à la situation de M. A, en particulier la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 313-14 sur lequel il est constant que se fondait la demande de titre de séjour de M. A ; que, d'autre part, ledit arrêté énonce que l'intéressé n'est pas en mesure d'attester de façon probante d'une ancienneté de résidence en France depuis plus de dix ans et ne peut se prévaloir ni de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels, ni encore de l'intensité de sa vie privée et familiale en France, où il est sans charge de famille alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales à l'étranger où réside son épouse ; qu'ainsi, il est suffisamment motivé tant en droit qu'en fait ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier ou une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) ;
Considérant, que si les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent au préfet de délivrer une carte de séjour portant la mention salarié à un étranger pour des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un tel titre de séjour ; que, contrairement à ce que soutient M. A, celui-ci ne justifie pas, par le seul fait qu'il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de plongeur, de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires qui pourraient le faire admettre au séjour, dès lors notamment qu'il n'établit pas, ainsi qu'il a été dit plus haut, d'une durée alléguée de seize années de présence en France ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le PREFET DE POLICE aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes d'une part de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; que l'article L. 312-2 dispose que : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12. ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers remplissant effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, et L. 314-12, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers se prévalant de ces dispositions ; qu'aux termes d'autre part de l'article L. 313-14 du même code : L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale en application de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, il ne justifie pas de plus de dix de présence en France à la date de l'arrêté préfectoral attaqué ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu, en application des articles L. 312-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que ce moyen doit être écarté ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que M. A fait valoir que l'arrêté contesté a été pris en violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, il est constant que l'épouse et l'enfant de M. A résident en Guinée ; que s'il soutient, sans toutefois l'établir, n'avoir plus de contact avec sa famille, il est également constant qu'il est sans charge de famille sur le territoire français et ne justifie d'aucune vie privée à laquelle l'arrêté contesté porterait une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, ledit arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 8 septembre 2009 par lequel il avait refusé de délivrer à M. A un titre de séjour, refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A portant la mention vie privée et familiale dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 mai 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Bamba A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
''
''
''
''
5
N° 10PA03855
2
N° 10PA03596