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22/06/2011 | FRANCE | N°10PA04166

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 juin 2011, 10PA04166


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 août 2010, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0920282/5-2 du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 14 septembre 2009 refusant à Mme A épouse B le renouvellement de son titre de séjour, en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant son pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale,

enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'ar...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 août 2010, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 0920282/5-2 du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 14 septembre 2009 refusant à Mme A épouse B le renouvellement de son titre de séjour, en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant son pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

2) de rejeter la demande présentée par Mme B devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien de 1968 du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2011 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que, par un arrêté du 14 septembre 2009, le PREFET DE POLICE a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que, sur la demande de l'intéressée, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté par un jugement du 8 juillet 2010, dont le PREFET DE POLICE relève régulièrement appel ;

Sur les conclusions du PREFET DE POLICE à fin d'annulation du jugement attaqué :

Considérant que Mme B, née en 1972 en Algérie, pays dont elle a la nationalité, est entrée en France le 30 juillet 2006, sous couvert d'un visa Schengen court séjour, accompagnée de ses quatre enfants mineurs ; qu'elle a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour pour assister sa mère malade de nationalité française, autorisation renouvelée jusqu'au 11 août 2009 ; que Mme B n'établit pas le caractère indispensable de sa présence auprès de sa mère, bénéficiaire d'une allocation personnalisée d'autonomie ; que, si la mère de l'intéressée souffre de plusieurs pathologies, il n'est toutefois pas établi qu'elle se trouverait dans un état de dépendance nécessitant la présence permanente d'une tierce personne, ni que Mme B serait la seule personne susceptible de lui apporter cette aide ; que, par ailleurs, l'intéressée conserve des attaches en Algérie, où résident sa fratrie et son époux, dont elle n'établit pas être séparée ; que, par suite, eu égard à la durée de la présence en France de l'intéressée, et alors même qu'elle a donné naissance à un enfant sur le territoire français le 26 mars 2007, que ses autres enfants y sont scolarisés et qu'elle bénéficierait d'une promesse d'embauche, l'arrêté en cause ne saurait être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que c'est par suite à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif l'arrêté litigieux ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lequel il se fonde ; qu'ainsi, et alors même qu'il ne contient aucune mention sur la présence en France des enfants de l'intéressée, dont le PREFET DE POLICE n'avait d'ailleurs pas été informé, et sur la naissance d'un enfant sur le territoire français, le moyen tiré de ce qu'il serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le PREFET DE POLICE a explicitement constaté que Mme B était descendante d'une mère française et ne s'est, par suite, pas mépris sur la nationalité de la mère de l'intéressée ; qu'il a en outre à bon droit constaté, ainsi qu'il vient d'être dit, que la présence de Mme B auprès de sa mère n'était pas indispensable ; que, dans ces conditions, la circonstance, pour malencontreuse qu'elle soit, que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, saisi pour donner son avis sur l'état de santé de la mère de Mme B, ait indiqué par erreur qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que le PREFET DE POLICE ait, dans les motifs de son arrêté, repris les termes de cet avis, est sans influence sur la légalité dudit arrêté ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le PREFET DE POLICE, d'ailleurs sur les indications de l'intéressée, a mentionné dans l'arrêté litigieux que Mme B était sans charge de famille en France, alors que ses enfants résident en France et y sont scolarisés, est sans influence sur la légalité de la décision, dans la mesure où il résulte de l'instruction que le PREFET DE POLICE aurait pris la même décision s'il avait été informé de la présence en France desdits enfants ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; que, pour les mêmes motifs que précédemment, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 14 septembre 2009 n'a pas méconnu les stipulations de

l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que la circonstance que les enfants mineurs de Mme B soient entrés en France en même temps que leur mère, qu'ils y soient scolarisés et que le plus jeune soit né sur le territoire national le 26 mars 2007 ne suffit pas à établir que l'intérêt supérieur de ces enfants n'a pas été pris en compte par le PREFET DE POLICE, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de l'intéressée seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en Algérie ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 / [...] ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables aux ressortissants algériens, que le PREFET DE POLICE n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour demandé, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; que, par suite, Mme B n'étant pas, contrairement à ce qu'elle soutient, au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-1 précité, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, dès lors, Mme B n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure à défaut de la saisine de ladite commission ;

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, par un arrêté n° 2009-00565 du 21 juillet 2009, publié au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris le 28 juillet 2009, le PREFET DE POLICE a donné délégation à M. René D conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 9ème bureau de la préfecture de police, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même d'ailleurs allégué qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté ;

Considérant que, pour les mêmes raisons que celles énoncées précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni été entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas intervenue en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 septembre 2009 refusant un titre de séjour à Mme B, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale et, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0920282/5-2 du 8 juillet 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 10PA04166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04166
Date de la décision : 22/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : MAUGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-06-22;10pa04166 ?
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