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07/06/2011 | FRANCE | N°09PA05740

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 07 juin 2011, 09PA05740


Vu la requête, enregistrée le 22 septembre 2009, présentée pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS (SNCF), dont le siège est 34 rue du Commandant Mouchotte à Paris (75014), par Me Couette ; la SNCF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0514666/6-2 du 15 juillet 2009 en tant que le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société Seco-Rail la somme de 101 500 euros ;

2°) de condamner la société Seco-Rail à lui restituer la somme de 101 500 euros assortie des intérêts contractuels et de la capitalisation des intérêts

;

3°) de mettre à la charge de la société Seco-Rail une somme de 3 000 euros en ...

Vu la requête, enregistrée le 22 septembre 2009, présentée pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS (SNCF), dont le siège est 34 rue du Commandant Mouchotte à Paris (75014), par Me Couette ; la SNCF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0514666/6-2 du 15 juillet 2009 en tant que le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société Seco-Rail la somme de 101 500 euros ;

2°) de condamner la société Seco-Rail à lui restituer la somme de 101 500 euros assortie des intérêts contractuels et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la société Seco-Rail une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SNCF soutient que la société Seco-Rail a méconnu le délai prévu par l'article 85.2 du cahier des clauses et condition générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF (CCCG SNCF) et que, dès lors, sa demande devant le Tribunal administratif de Paris n'était pas recevable ; que la société Seco-Rail, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas l'existence des obstacles qu'elle aurait rencontrés dans l'exécution de ses prestations et que les pénalités infligées au titre de l'abandon de zone, qui font suite à la défaillance de l'entreprise, sont justifiées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2010, présenté pour la société Colas-Rail, anciennement dénommée Seco-Rail, ayant son siège social 38 à 44 rue Jean Mermoz à Maisons Laffite (78600) par la Selarl Shen, qui conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire, à la fixation du décompte général à la somme de 744 243,88 euros HT, à la condamnation de la SNCF à lui verser la somme de 459 537,27 euros HT assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts et, enfin, à ce que soit mise à la charge de la SNCF une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la société Colas-Rail fait valoir qu'elle a rencontré des sujétions techniques imprévues dans l'exécution de son marché qui lui ouvrent droit à une indemnisation, au titre du marché, de la somme de 297 195 euros des préjudices qu'elle estime avoir subi à ce titre ; que la demande indemnitaire qu'elle a présenté devant le Tribunal administratif de Paris n'a pas méconnu les stipulations des articles 85.1. et 85.2. du CCCG SNCF et était dès lors recevable ; qu'elle n'a pas été défaillante dans l'exécution de ses prestations ; que la SNCF ne pouvait en tout état de cause lui infliger des pénalités sur le fondement de l'article 17 du CCCG SNCF sans lui avoir préalablement adressé une mise en demeure ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 juillet 2010, présenté pour la SNCF, par Me Couette, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et en outre que la société Seco-Rail a méconnu le délai prévu par l'article 85.1 du CCCG SNCF et que, dès lors, sa demande devant le Tribunal administratif de Paris n'était pas recevable ; que la société Seco-Rail n'a pas rencontré de sujétions techniques imprévues dans l'exécution du marché et n'établit pas la réalité des préjudices qu'elle estime avoir subi à ce titre ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 janvier 2011, présenté pour la société Colas-Rail, par le cabinet Shen, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, à la fixation du DGD à la somme de 744 243,88 euros HT sous déduction de la somme de 284 706,61 euros HT, à la condamnation de la SNCF à lui verser la somme de 549 606,57 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 11 octobre 2004 pour ce qui concerne les pénalités et du 29 novembre 2004 pour ce qui concerne les travaux supplémentaires, et de la capitalisation des intérêts et, enfin, à ce que soit mise à la charge de la SNCF une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la lettre, en date du 3 mai 2011, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2011 :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,

- les observations de Me Couette, pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS, et celles de Me Giral, pour la société Colas-Rail,

- et connaissance prise de la note en délibéré en date du 25 mai 2011, présentée pour société Colas-Rail, par le cabinet Shen ;

Considérant qu'en vertu d'un accord cadre n° 0100.4.1.001.000, daté du 1er janvier 2004 et signé le 22 décembre 2003, la SNCF a confié à la société Seco-Rail la réalisation de travaux de renouvellement partiel ou complet de voies ferrées et ballast dans les régions d'Amiens, de Chambéry, de Lille, de Paris-Nord, de Paris rive gauche, de Paris-Saint-Lazare et de Rouen qui ont été décomposés en huit lots distincts ; que, par un ordre d'exécution n° 97 000.4.1.0051.0001, en date du 24 février 2004, le directeur d'opération délégué a demandé à la société Seco-Rail de réaliser le lot 34 concernant des travaux de renouvellement de voie et de ballast à proximité de Chambéry entre les PK 138,023 et 140,075, sur la ligne Culoz Modane, pour un montant de 670 181,86 euros HT ; que ces travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 23 avril 2004 avec effet au 2 avril 2004 et les réserves ont été levées le 16 novembre 2004 ; que, le 11 octobre 2004, la SNCF a notifié à l'entrepreneur un décompte d'un montant de 345 548,88 euros et un solde à payer de 60 842,27 euros HT ; que, dans un mémoire de réclamation en date du 24 novembre 2004, la société Seco-Rail a demandé à la SNCF de lui payer, au titre du règlement du lot n° 34 , outre la somme de 101 500 euros HT égale à des pénalités injustifiées, une somme supplémentaire de 248 435 euros pour le manque à gagner lié à l'impossibilité de réaliser la totalité des travaux prévus et de 48 760 euros pour les moyens supplémentaires mis en oeuvre ; que la SNCF fait appel du jugement en date du 15 juillet 2009 en tant que le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société Seco-Rail la somme de 101 500 euros HT ; que, par la voie de l'appel incident, la société Seco-Rail fait appel de ce même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire et demande en outre à la Cour de fixer le décompte du marché à la somme de 744 243,88 euros HT et de condamner la SNCF à lui verser la somme de 459 537,27 euros HT soit 549 606,57 euros TTC assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ;

Sur l'appel principal de la SNCF :

En ce qui concerne l'irrecevabilité contractuelle opposée par la SNCF à la demande de la société Colas-Rail :

Considérant qu'aux termes de l'article 13.3 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF (CCCG SNCF), relatif aux décomptes définitifs : 13.31 Dans les quarante-cinq jours suivant la date d'établissement du procès-verbal de réception des travaux, l'entrepreneur dresse et remet au maître d'oeuvre le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché. Ce projet de décompte final est établi, comme les projets de décomptes mensuels, à partir des prix de base , c'est-à-dire des prix figurant dans le marché, y compris les minorations ou majorations qui peuvent y être indiquées, et hors TVA. L'effet de l'actualisation ou de la révision des prix est, le cas échéant, pris en compte dans le calcul de ce montant. Le projet de décompte final comporte les différentes parties prévues au paragraphe 22 du présent article et est accompagné des pièces justificatives prévues au paragraphe 21 du présent article. Les évaluations sont faites en tenant compte des prestations réellement exécutées sur la base de métrés établis à partir des attachements ou des constatations contradictoires. / Le maître d'oeuvre peut demander à l'entrepreneur d'établir le projet de décompte final suivant un modèle ou des modalités particulières. / 13.32 Sous peine de forclusion l'entrepreneur joint au projet de décompte final toutes les réserves antérieurement formulées. L'entrepreneur est lié par les indications figurant dans un projet de décompte final, sauf sur le montant définitif des intérêts moratoires de paiement. / Passé le délai de quarante-cinq jours précité, le décompte final peut, quinze jours après une mise en demeure restée sans effet, être établi d'office par le maître d'oeuvre aux frais de l'entrepreneur. Ce décompte est alors notifié à l'entrepreneur avec le décompte général. / 13.33 Le maître d'oeuvre établit le décompte général comprenant : / le décompte final arrêté sur la base du projet défini au paragraphe 31 du présent article ; / le calcul du solde, selon des dispositions similaires à celles prévues au paragraphe 24 du présent article pour les acomptes mensuels, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel ; / la récapitulation des acomptes mensuels, des décomptes partiels lorsqu'en application du paragraphe 37 du présent article, le marché a prévu leur confection, et du solde. / Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. / 13.34 Le décompte général est signé par la personne responsable du marché et notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : / quatre-vingt-dix jours après la date de réception, par le maître d'oeuvre, du projet de décompte final ; / trente jours après la publication des indices ou index de référence permettant la révision du solde. / Au vu du décompte général qui lui est notifié, l'entrepreneur émet la facture pour solde du montant résultant du calcul établi par le maître d'oeuvre et la transmet à celui-ci qui l'adresse, à son tour, à la personne responsable du marché. / 13.35 L'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour signer et renvoyer au maître d'oeuvre ce décompte général, sans ou avec réserves. / Si la signature est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature est donnée avec réserves, l'entrepreneur doit motiver ces réserves dans un mémoire de réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires, en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et n'ayant pas fait l'objet de paiement définitif. Le règlement du différend intervient alors selon les modalités indiquées à l'article 85. Dans le cas où les réserves n'affectent qu'une partie du décompte, l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. Le décompte général devient définitif lorsque l'ensemble des réclamations a été traité. / 13.36 Si le décompte général n'est pas retourné dans le délai fixé au paragraphe 35 du présent article, il est censé être accepté par l'entrepreneur. Ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / 13.37 Décomptes partiels / Le marché peut prévoir, dans le délai qu'il fixe, l'établissement de projets de décomptes partiels pour des tranches de travaux, ouvrages, parties d'ouvrages ou ensembles de prestations, qu'il identifie et pour lesquels il fixe des délais d'exécution distincts du délai d'exécution de l'ensemble des travaux. Un projet de décompte partiel est établi par l'entrepreneur, dans les mêmes conditions que le projet de décompte final, mais en tenant compte des travaux réellement exécutés pour ces parties d'ouvrages ou ensembles de prestations. Il en est ainsi obligatoirement pour les parties d'ouvrages ou ensembles de prestations faisant l'objet d'une réception partielle. / Le maître d'oeuvre peut demander à l'entrepreneur d'établir le projet de décompte partiel suivant un modèle ou des modalités particulières. / Le maître d'oeuvre établit le décompte partiel comprenant, pour la tranche de travaux, l'ouvrage, la partie d'ouvrage, ou l'ensemble de prestations concernés : / le calcul du solde partiel correspondant ; / la récapitulation des acomptes mensuels et du solde partiel correspondants. Les stipulations des paragraphes 32 ainsi que 34 à 36 du présent article sont applicables aux décomptes partiels. (...) / 13.7 Paiement des marchés sur ordres ou ouverts sur ordres/ Pour les marchés sur ordres ou ouverts sur ordres, les décomptes et calculs d'acomptes prévus aux paragraphes 2 à 5 du présent article sont établis en distinguant chaque ordre d'exécution. / Si le marché le prévoit, les factures d'acompte et de solde, relatives à des ordres d'exécution signés par une personne habilitée par la personne responsable du marché, distincte de celle-ci, lui sont adressées aux lieu et place de la personne responsable du marché ; qu'aux termes de l'article 85-1 du même CCCG SNCF : Si, au cours de l'exécution du marché, un différend intervient entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre, celui-ci en réfère à la personne responsable du marché qui fait connaître sa réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire justificatif de l'entrepreneur exposant les motifs et indiquant le montant de sa réclamation. / L'absence de notification de décision dans le délai de deux mois vaut rejet de la demande de l'entrepreneur. / Si l'entrepreneur n'accepte pas la décision de la personne responsable du marché, ou le rejet implicite de sa demande, il doit, à peine de forclusion, dans les trois mois qui suivent la notification de la décision du marché ou l'expiration du délai de réponse de la personne responsable du marché : / soit aviser par écrit la personne responsable du marché de son désaccord et de son intention de réitérer sa réclamation lors de la signature du décompte général, soit saisir le tribunal compétent et en informer la personne responsable du marché ; qu'aux termes de l'article 85.2 de ce CCAG SNCF : Si l'entrepreneur refuse de signer sans réserve le décompte général, la personne responsable du marché dispose, à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation exprimant ces réserves et remis dans les conditions du paragraphe 35 de l'article 13, d'un délai de six mois pour notifier sa décision (...) / Si, dans le délai de trois mois à partir de la notification de décision ou de l'expiration du délai de réponse de six mois de la personne responsable du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il est considéré comme ayant adhéré à la décision de la personne responsable du marché et toute réclamation se trouve éteinte ;

Considérant, d'une part, qu'à l'ordre d'exécution du lot n° 34 étaient joints une notice descriptive des travaux à réaliser et un cahier des prescriptions spéciales mentionnant notamment que le marché était régi, au titre des documents particuliers, par l'ordre d'exécution , le présent cahier des prescriptions spéciales , la notice descriptive , le bordereau de prix formant détail estimatif propre au lot n° 34, les sous détails des prix unitaires propres au lot n° 34 et un plan d'assurances qualité puis, au titre des documents généraux, par le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF version 1 du 24/10/2001 (CCCG SNCF) ainsi que par un certain nombre de documents techniques et enfin par la lettre d'offre de l'entrepreneur ; que l'article 12 du cahier des prescriptions spéciales du lot n° 34 , relatif au paiement des travaux, prévoit une dérogation à l'article 13.31 du CCCG SNCF concernant l'établissement du projet de décompte final de l'entrepreneur ainsi qu'une dérogation à l'article 13.34, l'entrepreneur devant adresser sa facture et le solde à la personne désignée à l'ordre d'exécution ; que ni l'accord cadre du 1er janvier 2004 ni les pièces particulières du lot n° 34 n'ont par ailleurs prévu l'établissement des décomptes partiels mentionnés à l'article 13.37 du CCCG SNCF ; que si, par un ordre de service du 11 octobre 2004, le directeur de l'établissement équipement de Savoie a notifié à la société Seco-Rail le décompte partiel du marché, il a cependant indiqué qu' en vue de l'application de l'article 13.33 du CCCG SNCF , lequel concerne le décompte général, un délai de 45 jours commencerait à courir le lendemain du jour de la remise par la Poste de l'ordre de service à la société ; que cet ordre de service mentionnait également que le décompte s'élevait à 345 548,88 euros HT et, dans le document demande de facture joint à cet ordre de service, il a mentionné que le 2ème acompte et solde s'élevait à 60 842,27 euros HT ; que, dans ces conditions, compte tenu, en outre, du comportement des parties au cours de l'exécution et de la réception des travaux, le lot n° 34 doit être regardé comme ayant le caractère du marché spécifique sur ordre ou ouvert sur ordre prévu par l'article 13.7 du CCCG SNCF, distinct de l'accord-cadre par ailleurs conclu, et l'ordre de service du 11 octobre 2004 doit être regardé, non comme un décompte partiel, mais comme le décompte général du lot n° 34 ;

Considérant, d'autre part, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le différend opposant la SNCF à la société Colas-Rail n'a pas le caractère d'un différend intervenu entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre au cours de l'exécution du marché, lequel est réglé par l'article 85.1 précité du CCCG SNCF, mais celui d'un différend entre l'entrepreneur et la personne responsable du marché sur le décompte général du marché, dont le règlement est prévu par l'article 85.2 précité du même CCCG SNCF ; qu'il résulte de l'instruction que le mémoire de réclamation adressé par la société Colas-Rail a été reçu par la SNCF le 29 novembre 2004 ; qu'après avoir, le 29 mai 2005, implicitement rejeté cette réclamation, la SNCF l'a ensuite expressément rejetée le 1er août 2005 ; que, dès lors, le délai dont disposait la société Colas-Rail, en application des stipulations de l'article 85.2 du CCCG SNCF, pour porter sa réclamation devant le Tribunal administratif de Paris en application de l'article 86 du CCCG SNCF expirait, au plus tôt, le 30 août 2005 ; que la demande contentieuse de la société Colas-Rail a été enregistrée par le Tribunal administratif de Paris le 30 août 2005 ; que, par suite, la SNCF n'est pas fondée à soutenir que la réclamation de la société Colas-Rail a été introduite tardivement devant le juge du contrat et qu'elle était éteinte en application des stipulations des articles 85.1 et 85.2 du CCCG SNCF ;

En ce qui concerne la somme de 101 500 euros HT au titre des pénalités pour abandon de zone :

Considérant qu'aux termes de l'article 17 du cahier des prescriptions spéciales applicable au lot n° 34 : Si la totalité des travaux prévus au marché n'est pas exécutée en raison d'une défaillance de l'entrepreneur ou à la demande de celui-ci, la SNCF lui retient d'office et sans mise en demeure préalable la pénalité hors TVA de 50 EUR x L où L est la longueur en mètres de la zone abandonnée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du décompte n° 1, qu'après avoir constaté qu'au terme de l'exécution des travaux, la société Seco-Rail n'avait réalisé que 35,77 % du renouvellement voie et ballast et 33,08 % du renouvellement de ballast qu'elle devait initialement exécuter au titre du lot n° 34 , la SNCF a décidé de lui infliger des pénalités pour abandon de zone d'un montant de 101 500 euros HT correspondant à 2 030 mètres de zone abandonnée ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports journaliers de chantier et des procès-verbaux de chantier produits en appel, qui ne sont pas contestés, que la société Seco-Rail a rencontré, à plusieurs reprises au cours de l'exécution de ses travaux, des obstacles qui ne permettaient pas l'utilisation de la dégarnisseuse et que les moyens humains et matériels mis en oeuvre pour enlever ces obstacles justifient pour l'essentiel le retard pris par la société Séco-Rail dans l'exécution des travaux qui lui avaient été confiés ;

Considérant, il est vrai, que l'article 4 du cahier des prescriptions spéciales prévoit, au nombre des travaux exécutés par le maître de l'ouvrage, la démolition des obstacles visibles et détectés en amont du chantier ; que l'article 4.3. de la notice descriptive, concernant les travaux principaux et ramassage des rails déposés , prévoit notamment que, pour les opérations de dégarnissage, au droit des points singuliers où l'utilisation d'une dégarnisseuse est impossible, l'entrepreneur met en oeuvre tous les moyens de dégarnissage et d'évacuation adaptés ; que le bordereau de prix formant détail estimatif prévoit que la composition des prix rémunère toutes sujétions et notamment les sujétions et perte de temps résultant notamment de l'embarras résultant de la présence d'obstacle de toute nature ; que les prix du renouvellement de voie et ballast (BP01) et le prix du renouvellement de ballast (BP02) comprennent notamment les sondages préparatoires au chantier ; qu'il résulte de ces stipulations contractuelles que les obstacles non visibles rencontrés constituait un élément du prix proposé ; que, dès lors, il appartenait à la société Seco-Rail de présenter une offre qui tînt compte de ces incertitudes et de vérifier elle-même, par des études préalables, la présence d'éventuels obstacles ; qu'en ne prévoyant pas à l'avance les moyens matériels propres à enlever ces obstacles, la société Seco-Rail a ainsi contribué au ralentissement des travaux ;

Considérant, toutefois, qu'eu égard à la nécessité de maintenir l'ouverture de la ligne sur laquelle avaient lieu les travaux, la période d'intervention de la société Seco-Rail avait été strictement délimitée, du 1er mars au 2 avril 2004, avec des contraintes horaires très précises ; que, dans ces conditions, compte tenu également de la nature même des obstacles rencontrés et des lourds moyens matériels à mettre en oeuvre, il n'apparaît pas que la vitesse d'exécution des travaux aurait pu être significativement améliorée, même avec la mobilisation plus rapide d'un matériel à même d'enlever ces obstacles ;

Considérant, en second lieu, que si la SNCF soutient que la société Seco-Rail a commis des manquements concernant le non respect des normes de libération des contraintes résultant du mauvais positionnement de la voie, des carences dans le nivellement complémentaire de la voie, le travelage irrégulier des traversées en bois et la détérioration de pièces constitutives des appareils de dilatation, elle n'établit toutefois pas que ces manquements, que conteste d'ailleurs la société Colas-Rail, auraient substantiellement contribué au ralentissement de l'exécution des travaux ; qu'il n'est pas davantage établi que le matériel utilisé par la société Seco-Rail, et en particulier la dégarnisseuse, n'aurait pas été conforme aux prescriptions du marché et aurait significativement contribué à ralentir l'exécution des travaux ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le comportement que la société Seco-Rail a adopté vis-à-vis de la SNCF pour traiter les difficultés rencontrées ait anormalement contribué à la mauvaise exécution du chantier ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'exécution partielle des travaux initialement confiés à la société Seco-Rail ne saurait être analysée, en l'espèce, comme la conséquence d'une défaillance de sa part ; que la SNCF n'était dès lors pas fondée à lui infliger les pénalités pour abandon de zone définies par l'article 17 du cahier des prescriptions spéciales ; que, par suite, la SNCF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Seco-Rail de ces pénalités et a condamné la SNCF à lui verser la somme de 101 500 euros HT au titre du solde du marché ;

Sur l'appel incident de la société Colas-Rail :

En ce qui concerne les conclusions relatives à la condamnation de la SNCF au versement d'une somme de 60 842,27 euros HT au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, et à la fixation du décompte général définitif à la somme de 744 243,88 euros HT :

Considérant, d'une part, que la société Seco-Rail, en première instance, a demandé la condamnation de la SNCF à lui verser une somme qui s'élevait, globalement, à 398 655 euros HT ; qu'en appel, la société Colas-Rail a augmenté le chiffrage de sa demande indemnitaire à la somme globalement de 459 537,27 euros HT soit 549 606,57 euros TTC en faisant valoir une nouvelle créance de 60 842,27 euros HT soit 72 767,35 euros TTC ; que si cette créance se rattache bien au litige principal concernant la détermination du solde du lot n° 34 , ces nouvelles prétentions indemnitaires excèdent en revanche la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance et n'ont pas le caractère d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement du tribunal administratif ; que, dès lors, les conclusions de la société Colas-Rail tendant à la condamnation de la SNCF à lui verser la somme de 60 842,27 euros HT au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, sont nouvelles en appel et ne sont par suite pas recevables ;

Considérant, d'autre part, que les conclusions tendant à ce que la Cour fixe le décompte définitif du marché à la somme de 744 243,88 euros HT sont nouvelles en appel et ne sont dès lors pas davantage recevables ;

En ce qui concerne les sommes de 248 435 euros HT au titre de l'indemnisation des zones non traitées et de 48 760 euros HT au titre de l'indemnisation des moyens supplémentaires :

Considérant que, compte tenu de l'analyse des stipulations contractuelles conduite ci-dessus, les sujétions rencontrées par la société Seco-Rail dans l'exécution du marché en raison de la présence d'obstacles non visibles sur une partie du linéaire du chantier n'ont pas présenté en l'espèce un caractère imprévisible ; que, dès lors, et en tout état de cause, la société Colas-Rail n'est pas fondée à réclamer, sur le fondement de la théorie des sujétions imprévues, une indemnisation supplémentaire au titre du manque à gagner pour les zones non traitées et des moyens supplémentaires qu'elle a dus mettre en oeuvre pour enlever ces obstacles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Colas-Rail n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes indemnitaires ;

En ce qui concerne les intérêts moratoires et la capitalisation de ces intérêts dus sur la somme de 101 500 euros HT :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 13.11 du CCCG SNCF, auquel l'article 12 du cahier des prescriptions spéciales applicable au lot n° 34 ne déroge pas : Le paiement est effectué sur le vu de factures payables à soixante jours de leur réception, selon le mode stipulé au marché, après vérification de leurs mentions et de l'exécution des travaux correspondants, selon les stipulations des paragraphes 2 à 5 du présent article. Si les sommes dues à l'entrepreneur au titre de son marché ne sont pas payées dans le délai contractuel de paiement, l'entrepreneur a droit, sur simple demande, à des intérêts moratoires à hauteur d'une fois et demie le taux de l'intérêt légal. Ces intérêts sont calculés à compter du lendemain du jour d'expiration du délai contractuel et jusqu'au jour du paiement inclus ; qu'en vertu des stipulations combinées des articles 13.34 du CCCG SNCF et 12 du cahier des prescriptions spéciales du lot n° 34 , l'entrepreneur, au vu du décompte général qui lui est notifié, adresse sa facture pour solde à la personne désignée à l'ordre d'exécution ; qu'enfin, les stipulations de l'article 13.35 prévoient que lorsque l'entrepreneur signe le décompte général avec réserve, il doit motiver ces réserves dans un mémoire de réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires ;

Considérant que, dès lors que le titulaire du marché le demande, le défaut de mandatement du solde d'un marché de travaux régi par les stipulations précitées du CCCG SNCF dans le délai de 60 jours à compter de la réception de la facture pour solde de l'entrepreneur ou de son mémoire de réclamation sur le décompte général fait courir au bénéfice de ce dernier des intérêts moratoires ; que la circonstance que le solde du marché donne lieu à réclamation est sans incidence sur l'assiette de calcul des intérêts, laquelle doit inclure l'ensemble des sommes restant à payer par la SNCF au titre du règlement du marché ;

Considérant que la SNCF a reçu, le 29 novembre 2004, le mémoire de réclamation par lequel la société Seco-Rail a notamment revendiqué le paiement de la somme de 101 500 euros HT correspondant aux pénalités qui lui ont été indûment infligées ; que la SNCF était ensuite tenue de mandater cette somme avant l'expiration d'un délai de 60 jours, soit au plus tard le 29 janvier 2005 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SNCF, à la date du présent arrêt, ait payé à la société Colas-Rail la somme de 101 500 euros résultant de sa condamnation par le jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 juillet 2009 ; que, dès lors, les intérêts moratoires demandés par la société Colas-Rail lui sont dus à compter du 30 janvier 2005 ; que, par suite, la société Colas-Rail a droit aux intérêts moratoires contractuels sur la somme de 101 500 euros HT à compter du 30 janvier 2005 ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que la société Colas-Rail a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire enregistré le 10 mai 2010 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Colas-Rail a droit aux intérêts moratoires contractuels sur la somme de 101 500 euros HT à compter du 30 janvier 2005 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 10 mai 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNCF une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Colas-Rail et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Colas-Rail, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SNCF et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 101 500 euros HT, allouée par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 15 juillet 2009, est majorée des intérêts moratoires contractuels à compter du 30 janvier 2005. Les intérêts échus le 10 mai 2010 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date.

Article 2 : La SNCF versera à la société Colas-Rail une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS et à la société Colas-Rail.

Copie en sera adressée au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2011, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 7 juin 2010.

Le rapporteur, Le président, L. BOISSY J-M. PIOT Le greffier, A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 09PA05740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA05740
Date de la décision : 07/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme DESCOURS GATIN
Avocat(s) : COUETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-06-07;09pa05740 ?
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