Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre 2009 et 27 mai 2010, présentés pour M. Abdelmadjid A, demeurant ..., par Me Rodrigue-Moriconi ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0905699 en date du 1er septembre 2009 par laquelle la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 novembre 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé de lui reconnaître la qualité de combattant ;
2°) d'annuler la décision du 28 novembre 2008 susmentionnée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de lui attribuer la qualité de combattant et la carte du combattant sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu la décision n° 338377 du Conseil d'Etat en date du 7 juin 2010 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 publiée au journal officiel de la République française le 24 juillet 2010 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu l'arrêté du 11 février 1975 relatif aux formations constituant les forces supplétives françaises ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2011 :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;
Considérant que M. A, de nationalité algérienne, a présenté une demande tendant à la reconnaissance de la qualité de combattant qui lui a été refusée par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, par une décision du 28 novembre 2008 ; que, par la présente requête, M. A fait appel de l'ordonnance du 1er septembre 2009 par laquelle la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 28 novembre 2008 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 susvisé : Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...). Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A ait reçu notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 11 décembre 2009 lui accordant l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Rodrigue-Moriconi pour le représenter ; que celle-ci a régularisé la requête d'appel de M. A, le 20 mai 2010, avant même que la Cour ne la mette en demeure d'accomplir les diligences qui lui incombaient à ce titre ; que, dès lors, compte tenu des dispositions précitées de l'article 39 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et des règles de procédure spécialement applicables aux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, la requête d'appel de M. A, en tout état de cause, n'est pas tardive ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense et des anciens combattants doit être écartée ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235 ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : / Les militaires des armées françaises / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date. / Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. / Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; / Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; / Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; / 2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; / 3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; / 4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; / 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; / 6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève (...) ; que l'arrêté inter ministériel du 11 février 1975 susvisé qui énumère les formations constituant les forces supplétives françaises qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 mentionne notamment 1. Les formations de harkis (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'extrait des services établi le 6 mai 1999 par les services du ministre de la défense, que M. A a servi dans une formation de harkis, pendant la période allant du 1er novembre 1957 jusqu'au 31 juillet 1961 ; qu'il a ainsi été membre des forces supplétives françaises pendant une période d'au moins 4 mois et remplit ainsi la condition de services et de durée posée par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; que, dès lors, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris ne pouvait pas, sans entacher la décision contestée d'illégalité, refuser la qualité de combattant à M. A au motif qu'il ne justifiait pas d'une présence en Afrique du nord pendant au minimum 120 jours ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 novembre 2008 et à demander l'annulation de cette ordonnance et de cette décision ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;
Considérant que M. A demande à la Cour, sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de lui attribuer la qualité de combattant et la carte du combattant à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;
Considérant que le juge de l'exécution statue en tenant compte de la situation de droit et de fait existant au jour où de sa décision ;
Considérant que, par une décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les conditions de nationalité et de domiciliation posées par le troisième alinéa de l'article 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; que ces dispositions législatives ont été abrogées à compter du 24 juillet 2010, date de la publication de la décision n° 2010-18 QPC au journal officiel de la République française ; qu'eu égard à la rédaction de l'article L. 253 bis en vigueur à la date du présent arrêt et compte tenu du motif qui a été retenu pour annuler la décision refusant à M. A la qualité de combattant, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la qualité de combattant soit reconnue à M. A et que la carte du combattant soit attribuée à ce dernier ; que, dès lors, il y a lieu d'ordonner au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de reconnaître à M. A la qualité de combattant et de lui attribuer la carte du combattant dans un délai de quatre mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rodrigue-Moriconi, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son bénéfice de la somme de 1 200 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 0905699 en date du 1er septembre 2009 de la présidente du Tribunal administratif de Paris et la décision du 28 novembre 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a refusé de reconnaître la qualité de combattant à M. A sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de reconnaître à M. A la qualité de combattant et de lui attribuer la carte du combattant dans un délai de quatre mois suivant la notification du présent arrêt. Le préfet tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 4 : L'Etat versera à Me Rodrigue-Moriconi la somme de 1 200 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 09PA06512