Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 13 juillet 2009, présentés pour M. Abdelkader A, demeurant ..., par Me Martaguet ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0815772/12 du 20 février 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé de lui reconnaitre la qualité de combattant ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer la carte du combattant dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 du Conseil constitutionnel déclarant contraire à la constitution les mots du troisième alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domicilié en France à la même date ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu l'arrêté du 11 février 1975 relatif aux formations constituant les forces supplétives françaises ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2011 :
- le rapport de M. Rousset, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant algérien, fait appel de l'ordonnance du 20 février 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé de lui reconnaitre la qualité de combattant ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a présenté dans le délai d'appel devant la Cour une requête et un mémoire complémentaire qui concluaient à l'annulation de l'ordonnance et de la décision attaquées, qui ne constituaient pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et qui énonçaient de manière précise les critiques adressées à la décision dont il avait demandé l'annulation au tribunal administratif ; qu'une telle motivation répond aux exigences imposées par l'article R. 411-1 précité du code de justice administrative ; que la fin de non-recevoir ne peut qu'être rejetée ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235 ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : /Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date ,/ Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. /Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; /Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; /Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; /2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; /3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; /4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; / 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; /6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève (...) ; que l'arrêté inter ministériel du 11 février 1975 susvisé qui énumère les formations constituant les forces supplétives françaises qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 mentionne notamment 1. Les formations de harkis (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l' attestation des services militaires établie par les services du ministère de la défense le 12 novembre 2003, que M. A a servi dans une formation de harkis, pendant la période allant du 5 novembre 1961 au 13 avril 1962 ; qu'il a donc été membre des forces supplétives françaises et présent en Algérie à ce titre pendant une période d'au moins 4 mois et remplit ainsi la condition de services et de durée posée par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; que si le ministre de la défense soutient que les services que le requérant a effectués en tant que harki ne peuvent lui donner droit à la reconnaissance de la qualité de combattant dès lors qu'il ne remplissait pas la condition de nationalité française ou de domiciliation en France exigée pour les membres des forces supplétives françaises par le 3° alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il ressort toutefois de la décision susvisée du 23 juillet 2010 que le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'exigence d'une telle condition de nationalité et de domiciliation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé de lui attribuer la qualité de combattant ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;
Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'ordonner au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de reconnaître à M. A la qualité de combattant et de lui attribuer la carte du combattant ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Martaguet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 20 février 2009 du vice-président du Tribunal administratif de Paris et la décision du 4 juillet 2008 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de reconnaître à M. A la qualité de combattant et de lui attribuer la carte du combattant. Le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) informé des mesures prises pour l'exécution de cette injonction.
Article 3 : L'Etat versera à Me Martaguet la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 09PA04279