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06/04/2011 | FRANCE | N°10PA02183

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 avril 2011, 10PA02183


Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2010, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0915416/3-2 du 24 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé, à la demande de Mme , son arrêté du 7 septembre 2009 refusant à celle-ci le renouvellement du titre temporaire de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dont il l'avait munie jusqu'au 5 juin 2009, en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant son pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'inté

ressée un certificat de résidence d'un an dans un délai de trois mois à ...

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2010, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0915416/3-2 du 24 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé, à la demande de Mme , son arrêté du 7 septembre 2009 refusant à celle-ci le renouvellement du titre temporaire de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dont il l'avait munie jusqu'au 5 juin 2009, en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant son pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence d'un an dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par Mme ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, et ses avenants, modifié en dernier lieu par l'avenant du 11 juillet 2001 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble et en tant que de besoin l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ensemble le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à son application ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades, pris en application de l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2011 :

- le rapport de M. Bernardin, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Boisset, pour Mme ;

Considérant que le PREFET DE POLICE relève régulièrement appel du jugement du 24 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé, à la demande de Mme , ressortissante algérienne, son arrêté du 7 septembre 2009 refusant à celle-ci le renouvellement de son titre temporaire de séjour portant la mention "vie privée et familiale" qu'elle avait sollicité le 5 mai 2009, en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant son pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence d'un an dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ; que le PREFET DE POLICE demande à la Cour de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par Mme ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à Mme , par l'arrêté attaqué, le renouvellement de son titre temporaire de séjour portant la mention "vie privée et familiale", en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant son pays de destination, le PREFET DE POLICE s'est fondé sur l'avis rendu le 4 août 2009 par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police selon lequel, si l'état de santé de Mme nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement médical dans son pays d'origine ; que, d'une part, si, tant dans le certificat médical qu'il a établi le 7 avril 2009, que dans le certificat confirmatif du 7 septembre 2009, le psychiatre agréé consulté par Mme reconnaît que l'intéressée "souffre d'une pathologie grave de longue durée nécessitant une prise en charge médicale spécialisée dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en cas de rupture de la prise en charge actuelle dans l'état clinique de ce patient" et que "le traitement approprié de cette pathologie ne peut être actuellement dans son pays d'origine", cette dernière affirmation est peu circonstanciée, alors que l'existence de structures de soins psychiatriques sur l'ensemble du territoire algérien n'est pas sérieusement contestée ; que, d'autre part, Mme ne peut pas plus sérieusement se prévaloir de la circonstance que la pathologie dont elle souffre résulte de violences graves et d'agression sexuelle commises par son ancien compagnon, de nationalité libanaise, pour établir l'impossibilité pour elle d'être soignée en Algérie ; que, dans ces conditions, et à supposer même qu'ainsi qu'elle le soutient, elle aurait créé avec son médecin psychiatre une relation de confiance indispensable à l'amélioration de son état de santé, la relation dont se prévaut Mme avec son médecin traitant, le docteur , qui n'est au demeurant pas établie par les pièces du dossier et ne remonte, au plus, qu'à mars 2009, n'est pas, en tout état de cause, d'une ancienneté avérée suffisante pour lui permettre d'affirmer qu'elle ne pourra pas recréer en Algérie, en raison de la nature même de son affection, la relation de confiance nécessaire à son état de santé avec un médecin psychiatre exerçant dans ce pays ; qu'en tout état de cause, la référence à ce lien et à sa bonne intégration sociale depuis 2004 ne suffisent pas à démontrer que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée, laquelle reconnaît qu'entrée en France en 2004, elle est retournée plusieurs fois en Algérie depuis cette date ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif son arrêté du 7 septembre 2009 ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme tant devant le tribunal administratif que devant elle ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il vise l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 6-7 et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'il indique que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police a estimé, le 4 août 2009, que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine, que Mme ne remplit pas les conditions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, qu'elle ne peut pas non plus prétendre au bénéfice des stipulations de l'article 6-5 de l'accord précité, qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France et qu'elle ne justifie pas être démunie d'attaches familiales à l'étranger, où réside une partie de sa famille ; que, dès lors, l'arrêté litigieux doit être regardé comme suffisamment motivé au sens de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : [...] 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. " ;

Considérant que, si Mme soutient qu'elle souffre de troubles psychopathologiques graves depuis l'agression dont elle a été victime en décembre 2006 de la part de son ancien compagnon, elle n'établit pas, par les certificats médicaux peu circonstanciés, établis les 7 avril et 7 septembre 2009 par un psychiatre agréé, et le 22 septembre 2009, soit postérieurement à l'arrêté attaqué, par un psychiatre psychothérapeute, qu'elle ne pourrait pas se voir prodiguer les soins exigés par son état de santé dans son pays d'origine, dont il n'est pas contesté qu'il dispose de structures adaptées ; que, par ailleurs, l'intimée n'établit, ni même d'ailleurs n'allègue que les médicaments qui lui seraient prescrits ne seraient pas commercialisés dans son pays d'origine ; qu'ainsi, alors que les éléments du dossier ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis rendu le 4 août 2009 par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, consulté lors de la demande de renouvellement de titre de séjour formulée par Mme , et selon lequel si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut bénéficier d'un traitement médical dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : [...] 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que Mme fait valoir qu'elle remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien précité, dès lors qu'elle séjourne sur le territoire français depuis 2004, qu'elle occupe un emploi d'auxiliaire de vie et a des activités à titre bénévole au sein d'une association d'éducation populaire, qu'elle a obtenu la validation de son diplôme de master de biologie et a pu s'inscrire au diplôme universitaire de technicien de recherche clinique et de ressources biologiques à l'université Paris XII et qu'ainsi, l'arrêté porte atteinte à sa vie privée et familiale ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que Mme est célibataire, sans charge de famille sur le territoire français, qu'elle n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans et où résident sa mère et une partie de sa fratrie ; que le fait qu'elle soit bien intégrée et qu'elle justifie d'une inscription pour une formation de technicien de recherche clinique et de ressources biologiques ne suffit pas à démontrer que l'arrêté aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que par suite, en prenant l'arrêté en litige, le PREFET DE POLICE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, que les circonstances que la requérante ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'elle soit titulaire d'une promesse d'embauche sont sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ; que ces stipulations, qui sont inopérantes lorsqu'elles sont dirigées à l'encontre d'une décision de refus de séjour ou d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, lesquelles ne fixent pas par elles-mêmes de pays de destination, peuvent en revanche être utilement invoquées à l'encontre d'une décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant que, si Mme soutient qu'elle serait exposée à des traitements inhumains et dégradants si elle devait regagner l'Algérie, du fait de la vindicte populaire, de l'ostracisme et de l'exclusion à laquelle elle serait soumise et dont elle ferait l'objet en raison de l'agression qu'elle a subie en décembre 2006, elle ne produit aucun élément de nature à établir les dangers qu'elle encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine, alors qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier qu'elle s'est rendue très régulièrement en Algérie depuis son entrée sur le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de destination, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être accueilli ;

Considérant, en dernier lieu, qu'eu égard à tout ce qui précède, Mme ne peut, en tout état de cause, sérieusement soutenir que l'arrêté pris à son encontre le 7 septembre 2009 par le PREFET DE POLICE serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, tant au regard de son état de santé que des traitements qu'elle pourrait subir en cas de retour en Algérie, alors qu'en particulier, elle reconnaît qu'entrée en France en 2004, elle est retournée plusieurs fois en Algérie depuis cette date ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 septembre 2009, lui a enjoint de délivrer à Mme un titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991; que, par voie de conséquence, les conclusions de cette dernière présentées devant la Cour et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0915416/3-2 du 24 mars 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 10PA02183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA02183
Date de la décision : 06/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. André-Guy BERNARDIN
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : BOISSET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-04-06;10pa02183 ?
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