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19/01/2011 | FRANCE | N°10PA03472

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 janvier 2011, 10PA03472


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2010, présentée pour Mme Yanxia A, demeurant ... par Me Liu ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003143 du 11 juin 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 20 février 2010 décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours, sous astr

einte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 5...

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2010, présentée pour Mme Yanxia A, demeurant ... par Me Liu ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003143 du 11 juin 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 20 février 2010 décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2011 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que Mme A fait appel du jugement n° 1003143 du 11 juin 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 20 février 2010 décidant sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la base légale de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, Mme A était titulaire d'un passeport en cours de validité muni d'un visa touristique Schengen délivré par l'Autriche à son arrivée en France le 16 mars 2005 ; qu'ainsi, elle justifie être entrée régulièrement en France ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressée à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressée ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ; qu'en l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du II du même L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, Mme A se trouvait dans la situation où, en application du 2° du II du dit article, le préfet pouvait décider qu'elle serait reconduite à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 dudit code : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : (...) Sous réserve des conventions internationales, pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le conjoint de Français âgé de moins de soixante-cinq ans bénéficie, dans le pays où il sollicite le visa, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, les autorités mentionnées au premier alinéa organisent à l'intention de l'intéressé, dans le pays où il sollicite le visa, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. La délivrance du visa est subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation. Cette attestation est délivrée immédiatement à l'issue de la formation. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées, le contenu de l'évaluation et de la formation, le nombre d'heures minimum que la formation doit compter ainsi que les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé. (...) Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur la demande de visa de long séjour formée par le conjoint de Français dans les meilleurs délais. Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que Mme A a épousé le 23 mai 2009 MB, qui a la double nationalité française et italienne ; qu'il est constant que l'intéressée ne disposait pas du visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois exigé par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort, en outre, pas des pièces du dossier qu'eu égard aux conditions de délivrance d'un visa de long séjour telles que rappelées par les dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 dudit code, et notamment celles relatives à ses capacités d'intégration dans la société française, Mme A était en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un tel visa ; que, par suite, elle ne saurait valablement soutenir que le préfet de police était de plein droit tenu de lui délivrer le titre de séjour prévu au 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que cette circonstance faisait obstacle à ce qu'elle soit reconduite à la frontière ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : [...] 11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 ; que ledit article L. 122-1 dispose que Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3 acquiert également un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français à condition qu'il ait résidé en France de manière légale et ininterrompue avec le ressortissant visé à l'article L. 121-1 pendant les cinq années précédentes. Une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit lui est délivrée ;

Considérant qu'à la date d'intervention de l'arrêté contesté, soit le 20 février 2010, Mme A ne justifiait pas résider en France de manière légale et ininterrompue avec son mari pendant les cinq années précédentes, étant entrée en France le 16 mars 2005, s'étant mariée le 23 mai 2009, et ne se prévalant que d'une durée de vie commune de deux ans ; que, Mme A ne remplissant pas les conditions posées par l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne saurait valablement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 511-4 11° dudit code pour soutenir qu'elle ne pourrait faire l'objet d'un arrêté de reconduite en tant qu'elle est l'épouse d'un ressortissant d'un Etat membre de la communauté européenne ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que, si Mme A fait valoir qu'elle est entrée en France il y a cinq ans, qu'elle s'y est mariée et qu'elle a besoin de son époux car elle est souffrante, il ressort des pièces du dossier qu'elle était âgée de quarante-sept ans lors de son arrivée sur le territoire national, qu'elle a déjà fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 21 août 2006, que le mariage est récent et que l'intéressée ne justifie pas de la durée de la vie commune qu'elle aurait eue avec son futur époux antérieurement à son mariage ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessiterait une aide que seul son époux pourrait lui apporter ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de la requérante en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, ladite mesure n'a pas porté aux droits de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision attaquée ne saurait être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions de Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre par le préfet de police le 20 février 2010, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions sus-analysées doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 08PA04258

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N° 10PA03472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03472
Date de la décision : 19/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : LIU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-01-19;10pa03472 ?
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