Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 19 janvier et 13 mars 2009, présentés pour la société CBOT (SARL), dont le siège social est 40 avenue de Ségur à Paris (75015), par Me Monod ; la société CBOT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0306391/2 du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 1987 à 1989, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La requérante soutient que le jugement est insuffisamment motivé ; que les premiers juges ont statué ultra petita ; que le moyen retenu pour écarter la demande n'avait été soulevé par aucune des parties ; que le détournement de procédure est caractérisé par l'ouverture d'une enquête ayant constitué une vérification de comptabilité occulte ; que l'investigation ne s'est pas bornée au respect des règles de facturation ; que l'administration ne disposait d'aucun indice sérieux conduisant à l'ouverture d'une enquête sur les règles de facturation ; qu'aucune poursuite n'a été engagée ; que les factures de Buyer ont été saisies ; que les enquêteurs ne pouvaient procéder à des interrogatoires ; que cette enquête est contraire aux articles 8 et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le jugement a dénaturé la portée de la convention du 1er janvier 1987 et des faits de l'espèce ; que M. de Buyer a réalisé les prestations en cause ; que la taxe sur la valeur ajoutée afférente était par suite déductible ; que M. de Buyer est devenu gérant de droit à compter du 28 octobre 1987 ; que les factures Buyer SA ont été acquittées au cours de l'exercice 1989 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui demande que la requête soit rejetée ; il soutient que les premiers juges ont écarté le moyen tiré du détournement de procédure et de l'existence d'une vérification de comptabilité occulte comme inopérant ; que le moyen tiré de ce que l'enquête est contraire aux articles 8 et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est également inopérant ; que les premiers juges n'ont pas statué ultra petita ; que , qui ne dépendait pas de la société Buyer, n'a pas pu réaliser de prestations en tant que délégué de la SA Buyer auprès de la société CBOT ; qu'aucune prestation n'ayant été réalisée par la SA Buyer, la taxe figurant sur les factures établies par celle-ci n'est pas déductible ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 décembre 2009, par lequel la société CBOT maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
Vu la décision du président de la 2ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 9 décembre 2009 à 12 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2011 :
- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- les conclusions de M . Egloff, rapporteur public,
- et les observations de Me Julie, se substituant à Me Monod, pour la société CBOT ;
Considérant que la société CBOT fait appel du jugement du 18 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 1987 à 1989, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par les parties à l'appui de leur moyen, ont répondu au moyen présenté par la société CBOT et tiré de ce que l'enquête diligentée sur le fondement du 1er décembre 1986 était entachée d'un détournement de procédure et n'avait eu pour objet que d'obtenir des éléments en vue de diligenter une vérification de comptabilité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté, sans que la requérante puisse utilement faire valoir que les premiers juges n'ont pas détaillé les motifs qui les ont conduits à estimer que l'enquête diligentée par l'administration avait eu pour objet d'examiner les conditions de facturation de prestations assurées par la société CBOT au profit de clients au cours des années 1987 à 1989 ;
Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges ont rejeté les conclusions présentées par la société CBOT et qui tendaient à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 1987 à 1989, ainsi que des pénalités y afférentes ; qu'ils ne sauraient, par suite, être regardés comme ayant statué au-delà des conclusions qui leur étaient soumises ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'ultra petita doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que les premiers juges, qui étaient saisis par les parties d'un litige relatif à la réalité des prestations facturées à la société CBOT par la SA Buyer et consistant en des prestations d'ingénierie industrielle, financière et technique qui auraient été matériellement rendues par , se sont prononcés sur le point qui leur était soumis ; qu'ils ont, dès lors, pu, sans entacher leur jugement d'irrégularité, faire état de ce que la convention en date du 1er janvier 1987 conclue entre la société CBOT, la SA Buyer et déchargeait la SA Buyer de toute responsabilité à l'égard des actes de , alors même que ce fait particulier, qui ressortait des pièces du dossier, n'avait pas été évoqué par les parties dans les mémoires présentés en cours d'instance ; que le moyen tiré de ce que les premiers juges ont soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la société CBOT fait valoir que l'établissement des impositions litigieuses serait entaché d'un détournement de procédure, dès lors que les compléments d'impôt sur les sociétés en litige auraient été établis à la suite d'auditions et au vu de pièces recueillies dans le cadre d'une enquête pour infraction à la législation économique n'ayant été diligentée qu'à des fins strictement fiscales et présentant le caractère d'une vérification de comptabilité occulte ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de l'un des clients de la société CBOT, l'administration était en possession d'informations selon lesquelles les factures établies par cette société, qui étaient imprécises et ne correspondaient pas à son activité déclarée, méconnaissaient les règles de facturation prévues par la législation économique ; que ces indices précis justifiaient la mise en oeuvre de son droit d'enquête dans le cadre des dispositions de l'article 45 de l'ordonnance susvisée du 1er décembre 1986, désormais codifiées à l'article 450-1 du code de commerce ; qu'elle a, en conséquence, usé des pouvoirs d'enquête qu'elle tenait de ces dispositions en procédant à une visite dans les locaux de la société requérante ; qu'il n'est pas contesté qu'au cours de cette enquête, l'administration a constaté des infractions à l'obligation de facturation dans les conditions prévues par l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui ont donné lieu, à l'issue de ce contrôle, à l'établissement d'un procès-verbal d'infraction ; que la circonstance que ce
procès-verbal n'aurait pas abouti à l'engagement de poursuites pénales n'est pas de nature à établir un détournement de procédure ; que, dans ces conditions, la société CBOT n'est pas fondée à soutenir que cette enquête aurait poursuivi un but exclusivement fiscal, et ce, alors même que les investigations ont amené les enquêteurs à interroger les personnes présentes dans l'entreprise sur les conditions de fonctionnement de celle-ci et que les factures établies par la
SA Buyer ont été saisies ; que, dans ces conditions, le moyen susmentionné ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le redressement en litige ne saurait être regardé comme procédant de l'enquête menée dans le cadre des dispositions de l'article 45 de l'ordonnance susvisée du 1er décembre 1986 et qui avait pour objet de constater des infractions à la législation économique ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que ces dispositions n'autoriseraient pas les enquêteurs à procéder à des interrogatoires et seraient contraires aux articles 8 et 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérants ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 283 du code général des impôts : (...). 4. Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. ; qu'aux termes de l'article 272 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : (...). 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu. ;
Considérant que l'administration a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures émises au cours des trois exercices vérifiés par la SA Buyer en exécution d'un protocole d'accord conclu le 1er janvier 1987 et correspondant à la rémunération de prestations d'assistance à la société CBOT ; qu'il est constant que les factures en cause étaient imprécises et ne permettaient pas d'identifier la nature exacte des prestations ainsi facturées ; qu'il est, en outre, constant que ces prestations devaient être assurées par , qui n'était pas salarié de la SA Buyer ; que la société CBOT ne fournit aucun autre document établissant l'existence de prestations réalisées par la SA Buyer ou pour le compte de celle-ci ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration, en l'absence de prestation de la SA Buyer correspondant aux factures susmentionnées, a réintégré la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur lesdites factures en application des dispositions précitées du code général des impôts, sans que la société CBOT puisse utilement invoquer la circonstance tirée de ce que M. de Buyer est devenu son gérant de droit à compter du 28 octobre 1987 en application d'un protocole d'accord qui ne prévoit d'ailleurs aucune rémunération pour cette fonction, de ce que les prestations qu'il avait prétendument fournies pouvaient être facturées par la SA Buyer sans qu'il en soit nécessairement salarié et de ce que les factures Buyer SA ont été acquittées au cours de l'exercice 1989 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CBOT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société CBOT est rejetée.
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N° 08PA04258
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N° 09PA00314