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16/12/2010 | FRANCE | N°09PA05781

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 16 décembre 2010, 09PA05781


Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2009, présentée pour la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE (SANEF), dont le siège social est ... (75015), par Me Ramdenie; la SANEF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0618382 du 23 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société France-Télécom à lui verser la somme de 859 560 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal ;

2°) de condamner France-Télécom à verser la somme de 138 294,60 euros hors taxes,

assortie des intérêts au taux légal ;

3°) d'ordonner la capitalisation des inté...

Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2009, présentée pour la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE (SANEF), dont le siège social est ... (75015), par Me Ramdenie; la SANEF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0618382 du 23 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société France-Télécom à lui verser la somme de 859 560 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal ;

2°) de condamner France-Télécom à verser la somme de 138 294,60 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal ;

3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 4 janvier 2004 ;

4°) de mettre à la charge de France-Télécom la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 90/388 de la Commission du 28 juin 1990 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la voie routière ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code général des propriété publiques ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 02 décembre 2010 :

- le rapport de M. Even, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- les observations de Me Ortega, pour la SOCIETE SANEF,

- et les observations de Me Prevot-Leygonie, pour France-Télécom ;

Considérant que, par une lettre datée du 23 décembre 2003, la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE (SANEF) a adressé à la société France-Télécom une facture de 859 560 euros hors taxes, correspondant aux redevances d'occupation du domaine public autoroutier concédé à la SANEF, dues au titre des années 1998 à 2002 ; que, par une lettre du 17 février 2004, la société France-Télécom a refusé le paiement de cette redevance ; que par le jugement attaqué du 23 juillet 2009, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SANEF ; que, dans le dernier état de ses écritures, la SANEF demande la condamnation de la société France-Télécom au paiement de la somme de 138 294,60 euros hors taxes, assortie du versement d'intérêts capitalisés ;

Sur la détermination de la personne créancière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière : (...) peuvent être concédées par l'Etat soit la construction et l'exploitation d' une autoroute, soit l'exploitation d'une autoroute ainsi que la construction et l'exploitation de ses installations annexes telles qu'elles sont définies au cahier des charges (...) ; qu'aux termes de l'article L. 28 du code du domaine de l'Etat, alors en vigueur : Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l'autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l'utiliser dans des limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous ; que l'article L. 29 du même code, également applicable, prévoit que : La délivrance des autorisations de voirie sur le domaine public national est subordonnée au paiement, outre les droits et redevances perçus au profit soit de l'Etat, soit des communes, d'un droit fixe correspondant aux frais exposés par la puissance publique ; qu'il résulte de l 'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat que : Le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat a, sauf prescription contraire de son titre, un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice d'une activité autorisée par ce titre. Ce droit confère à son titulaire, pour la durée de l'autorisation et dans les conditions et les limites précisées dans la présente section, les prérogatives et obligations du propriétaire (...). ; que l'article L. 34-5 du même code prévoit que : Les dispositions de la présente section sont également applicables aux conventions de toute nature ayant pour effet d'autoriser l'occupation du domaine public(...). ; qu'aux termes de l'article L. 47 modifié du code des postes et communications électroniques : L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie délivrée par l'autorité compétente (...). L'autorité mentionnée à l'alinéa précédent doit prendre toutes dispositions utiles pour permettre l'accomplissement de l'obligation d'assurer le service public universel des télécommunications (...). La permission de voirie (...) donne lieu à versement de redevances dues à la collectivité publique concernée pour l'occupation de son domaine public dans le respect du principe d'égalité entre tous les opérateurs (...).Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article et notamment le montant maximum de la redevance mentionnée à l'alinéa ci-dessus. ; qu'il résulte de ces dispositions que toute occupation privative du domaine public est subordonnée à la délivrance d'une autorisation et au paiement d'une redevance ; que, d'autre part, il appartient à l'autorité chargée de la gestion du domaine public, en l'absence de dispositions contraires, de fixer les conditions de délivrance des permissions d'occupation et, à ce titre, de déterminer le tarif des redevances en tenant compte des avantages de toute nature que le permissionnaire est susceptible de retirer de l'occupation du domaine public ; que ces règles trouvent à s'appliquer, même en l'absence de toute réglementation particulière, au concessionnaire autorisé à délivrer des permissions d'occupation sur le domaine public dont l'exploitation lui est concédée ;

Considérant que les voies autoroutières sur lesquelles la société France-Telecom dispose de titres valant occupation domaniale, qui appartiennent à l'Etat, ont été données en concession à la SANEF ; que si, par un arrêt n° 189191 en date du 21 mars 2003 le Conseil d'Etat a annulé les dispositions du paragraphe III de l'article 1er du décret susvisé du 30 mai 1997 qui avaient inséré dans le code des postes et communications électroniques une section fixant le régime juridique applicable aux permissions de voirie, notamment l'article R. 20-51 qui prévoyait le versement du produit des redevances relatives à l' occupation du domaine public au gestionnaire ou au concessionnaire du domaine occupé, la SANEF qui, en sa qualité de concessionnaire du domaine public autoroutier, exerçait les mêmes prérogatives que le propriétaire en application de l'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat, tenait des dispositions précitées de ce code la possibilité pour les années concernées de percevoir auprès de la société France Télécom, le produit des redevances correspondant au domaine occupé, sans qu'y fasse obstacle la mention des seules collectivités publiques par l'article L. 47 précité du code des postes et communications électroniques ;

Sur l'exception de prescription quinquennale opposée par France Télécom :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 48 du code du domaine de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : Les redevances, droits et produits périodiques du domaine public ou privé de l'Etat, recouvrés par le service des domaines en vertu des lois, décrets, arrêtés généraux ou particuliers ou décisions administratives, suivant des tarifs uniformes ou variables, sont soumis à la prescription quinquennale édictée par l'article 2277 du code civil. Cette prescription commence à courir à compter de la date à laquelle les droits et redevances sont devenus exigibles ; qu'aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction alors applicable: L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer ; qu'aux termes de l'article 2262 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ; qu'enfin, selon l'article 2277, dans sa rédaction alors applicable : Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : Des salaires (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la prescription quinquennale édictée par l'article 2277 du code civil, laquelle doit être interprétée strictement, ne vise que les créances payables et exigibles périodiquement ; qu'à défaut de dispositions ou de clauses contractuelles définissant les modalités d'émission et de recouvrement des redevances d'occupation du domaine public autoroutier dues par la société France-Télécom à la SANEF, la créance détenue par cette dernière ne peut être regardée comme étant soumise au régime de la prescription quinquennale spéciale édictée par l'article 2277 du code civil ; que la société France Télécom n'est donc pas fondée à soutenir que la créance litigieuse que détient la SANEF à son encontre serait prescrite ;

Sur le montant de la redevance due :

Considérant que le montant de la redevance susceptible d'être réclamée à la société France-Télécom au titre des années litigieuses 1998 à 2002 doit être déterminé, en application du droit commun, en fonction des avantages de toute nature procurés au permissionnaire de voirie par l'occupation du domaine public ;

Considérant que, dans le dernier état de ses dernières écritures, la SANEF indique vouloir, afin de déterminer le montant de la redevance, s'inspirer des nouvelles dispositions du décret n° 2005-1676 du 27 décembre 2005 relatif aux redevances d'occupation du domaine public non routier, aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes sur les propriétés privées prévus par les articles L. 45-1, L. 47 et L. 48 du code des postes et des communications électroniques, codifiées aux articles R. 20-51 et R. 20-52 du code des postes et des télécommunications, devenu code des postes et des communications électroniques, bien que ces dispositions ne soient pas applicables à la période en litige ; qu'elle produit à cette fin des éléments portant sur la longueur du domaine public autoroutier qui lui a été concédé occupé par la société France-Télécom, soit 112,767 km ; qu'il résulte de l'instruction, eu égard aux avantages de toute nature procurés au permissionnaire de voirie par l'occupation du domaine public et à l'utilisation par la société France Télécom, mesurée en kilomètres d'artères, non contestée en défense, que eu égard au taux de 300 euros par kilomètre d'autoroute occupé, minoré en fonction de l'index général relatif aux travaux publics pour les années 1998 à 2002, le montant de la redevance due par la société France-Télécom à la société SANEF doit être fixé pour les cinq années en litige, 1998 à 2002, à la somme globale de 138 294,60 euros hors taxe ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant qu'aux termes de l'ancien article L. 32 du code du domaine de l'Etat applicable en l'espèce jusqu'au 30 juin 2006: En cas de retard dans le paiement des redevances, les sommes restant dues sont majorées d'un intérêt moratoire dont le taux est fixé par décision du ministre des finances ; qu'aux termes de l'article L. 2125-5 du code général des propriété publiques applicable depuis le 1er juillet 2006 : En cas de retard dans le paiement des redevances dues pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, les sommes restant dues sont majorées d'intérêts moratoires au taux légal ; que la SANEF a droit, comme elle le demande dans le dernier état de ses écritures, aux intérêts moratoires de la somme de 138 294,60 euros, à compter du jour où la demande de paiement est parvenue au débiteur, soit le 4 janvier 2004, au taux de l'ancien article L. 32 du code du domaine de l'Etat jusqu'au 30 juin 2006 et au taux légal depuis le 1er juillet 2006 ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par la SANEF le 24 septembre 2009, date d'enregistrement de la présente requête d'appel; qu'à cette date les intérêts étant dus pour plus d'une année entière, il y a lieu d'ordonner leur capitalisation ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence les conclusions de la société France-Telecom présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société France-Télécom la somme de 2 000 euros à verser à la SANEF ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0618382 du Tribunal administratif de Paris du 23 juillet 2009 est annulé.

Article 2 : La société France-Télécom est condamnée à verser à la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE, une somme de 138 294,60 euros hors taxe, assortie des intérêts moratoires à compter du 4 janvier 2004, au taux de l'ancien article L 32 du code du domaine de l'Etat jusqu'au 30 juin 2006 et au taux légal depuis le 1er juillet 2006. Les intérêts échus à la date du 24 septembre 2009 puis à l'échéance annuelle suivante à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La société France-Télécom est condamnée à verser à la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la société France-Télécom tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 09PA05781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09PA05781
Date de la décision : 16/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : GRANGE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-12-16;09pa05781 ?
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