Vu la requête, enregistrée le 8 août 2008, présentée pour la SARL INFORMATIONS TECHNIQUES ET SERVICES (ITS), dont le siège social est 16-18 impasse d'Antin à Paris (75008), par Me Savarin ; la société ITS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0215268/2-2 du 9 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant aux années 1996, 1997 et 1998 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2010 :
- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
Considérant que la SARL ITS, qui est une société holding exerçant une activité de conseil et gestion auprès de ses filiales, a fait l'objet d'une vérification ponctuelle de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période allant du 1er janvier 1996 au 31 mai 1999, à l'issue de laquelle le vérificateur a, notamment, appliqué un prorata sur les droits déductibles ; que la SARL ITS fait appel du jugement du 9 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés en conséquence au titre de la période correspondant aux années 1996, 1997 et 1998 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la circonstance que le service ait motivé son redressement sur le fondement d'un article du code général des impôts contraire aux objectifs de la directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 194 du livre des procédures fiscales : Lorsque, ayant donné son accord au redressement ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ; que les redressements litigieux ayant été expressément acceptés, la société requérante a la charge de prouver leur caractère exagéré, alors même que le service aurait motivé ces redressements sur le fondement d'un article du code général des impôts contraire aux objectifs de la directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur le chiffre d'affaires : Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la TVA due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti (...) ; qu'aux termes de l'article 17, paragraphe 5 : En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Ce prorata est déterminé, pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti, conformément à l'article 19 (...) ; qu'aux termes de l'article 19 : 1. Le prorata de déduction prévu par l'article 17, paragraphe 5, premier alinéa, résulte d'une fraction comportant : - au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l'article 17, paragraphes 2 et 3, - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations n'ouvrant pas droit à déduction (...) 2. Par dérogation au paragraphe 1, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, (...) du montant du chiffre d'affaires afférent aux opérations accessoires immobilières et financières ou à celles visées à l'article 13 sous B sous d, lorsqu'il s' agit d'opérations accessoires ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ; qu'aux termes de l'article 261 C du même code : Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée: / 1° Les opérations bancaires et financières suivantes: / a. L'octroi et la négociation de crédits, la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés (...).; qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période litigieuse : 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération (...) ; qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts : Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multipliée par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ; que, selon, enfin, les dispositions de l'article 219 de la même annexe, la déduction de la taxe ayant grevé les biens ne constituant pas des immobilisations et les services dont l'utilisation aboutit concurremment à des opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et dont les autres n'ouvrent pas droit à déduction, est effectuée dans les conditions prévues à l'article 212 ;
Sur le moyen tiré de ce que les intérêts litigieux ne résulteraient pas d'une activité entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées par des assujettis ne se livrant pas exclusivement à des opérations ouvrant droit à déduction, qui, aux termes des articles 212 et 219 c) de l'annexe II au code général des impôts précités, doit être pris en compte dans le rapport servant au calcul du pourcentage des droits à déduction de ces assujettis, s'entend des seules recettes afférentes aux opérations qui sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ou en sont exonérées ; que, pendant la période en cause, la SARL ITS a perçu des intérêts sur les prêts dont elle a accordé le bénéfice à ses filiales ; que les opérations concernées doivent être regardées comme ayant été effectuées dans le cadre d'un objectif d'entreprise et dans un but commercial caractérisé, notamment, par une volonté de rentabilisation des capitaux investis, alors même que ladite société n'aurait pas mis en oeuvre des moyens du type de ceux utilisés par les établissements de crédit ; qu'ainsi, l'octroi de prêts par la SARL ITS au profit de ses filiales doit être regardé comme la contrepartie d'une mise à disposition d'un capital au profit d'un tiers, comme une prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, au sens de l'article 256 précité du code général des impôts, et comme une activité économique effectuée par un assujetti agissant en tant que tel, au sens des articles 2, point 1, et 4, paragraphe 2, de la sixième directive; que, par suite, lesdites opérations entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, sans que la requérante puisse se prévaloir utilement de ce que les intérêts comptabilisés auraient eu pour seul but d'éviter un redressement fiscal sur le fondement de l'acte anormal de gestion ;
Sur le moyen tiré de ce que ces opérations de prêt auraient un caractère accessoire :
Considérant que, selon l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret du 3 juin 1994, il est fait abstraction, pour le calcul du pourcentage de déduction, du montant du chiffre d'affaires afférent au produit des opérations financières exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée et présentant un caractère accessoire par rapport à l'activité principale de l'entreprise, à la condition que ce produit représente au total 5 % au plus du montant du chiffre d'affaires total, toutes taxes comprises, du redevable. ; que, toutefois, par la décision du 29 avril 2004, 77/01, EDM, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que l'octroi annuel par un holding de prêts rémunérés aux sociétés dans lesquelles il détient une participation devait être considéré, lors du calcul du prorata de déduction visé aux articles 17 et 19 de la sixième directive, comme des opérations accessoires au sens de l'article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de celle-ci dans la mesure où elles n'impliquent qu'une utilisation très limitée de biens ou de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due et que quoique l'ampleur des revenus générés par les opérations financières relevant du champ d'application de la sixième directive puisse constituer un indice de ce que ces opérations ne doivent pas être considérées comme accessoires au sens de ladite disposition, le fait que des revenus supérieurs à ceux produits par l'activité indiquée comme principale par l'entreprise concernée sont générés par de telles opérations ne saurait à lui seul exclure la qualification de celles-ci d' opérations accessoires. ; que, dès lors, les dispositions précitées du b) du 2 de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans leur rédaction issue du décret du 3 juin 1994, doivent être regardées comme incompatibles avec les objectifs de la sixième directive du 17 mai 1977 et doivent, dans cette mesure, également être écartées pour la solution du présent litige, ainsi d'ailleurs que le soutiennent aussi bien la société requérante que l'administration ; que les nouvelles dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans leur rédaction modifiée par le décret du 26 décembre 2005, ne peuvent pas davantage servir de base légale aux impositions en litige, dès lors qu'elles sont postérieures à ces impositions ; que, par suite, il y a lieu d'appliquer directement au présent litige les dispositions de l'article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de la sixième directive du 17 mai 1977 ;
Considérant qu'il résulte des décisions rendues par la Cour de justice des communautés européennes dans les affaires n° 306/94 Régie Dauphinoise le 11 juillet 1996 et n° 7/01 SA EDM le 29 avril 2004 qu'un produit financier présente un caractère accessoire, lorsque, d'une part, l'opération de placement en cause, tout en présentant un lien avec l'activité taxable, n'en constitue pas le prolongement direct, permanent et nécessaire et que, d'autre part, cette opération ne nécessite qu'une utilisation très limitée des biens ou services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due ;
Considérant que la SARL ITS , qui a, ainsi qu'il a été ci-dessus, la charge de la preuve de l'exagération des redressements litigieux, n'établit ni même d'ailleurs n'allègue que son activité de prêt ne constituerait pas le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable ; qu'elle a, en outre, constaté au titre de ses produits, au cours de la période vérifiée, des intérêts pour des montants de 2 924 781 F, 1 746 165 F et 2 047 258 F, représentant de 56 à 76 % du total de ses produits annuels, en rémunération des avances sur trésorerie régulières qu'elle consentait à ses filiales déficitaires ; qu'en se bornant à se prévaloir de ce que les écritures comptables relatives aux intérêts litigieux représentent moins de 10 % de ses écritures comptables totales, la SARL ITS n'établit pas n'avoir fait dans le cadre de son activité de prêt qu'une utilisation très limitée des biens et services à raison desquels la taxe sur la valeur ajoutée est due ; qu'elle ne fournit, notamment, aucun chiffrage des charges et immobilisations affectées aux différentes activités menées au titre de la période, ni aucun élément permettant de répartir ces charges entre lesdites activités ; qu'il suit de là qu'elle n' établit pas que les opérations de prêts réalisées présentaient un caractère accessoire au sens du paragraphe 2 de l'article 19 de la sixième directive ;
Sur le moyen tiré de ce que certains produits financiers ne proviendraient pas de l'activité de prêt entrant dans le champ d'application de la taxe :
Considérant qu'en se bornant à produire un tableau réalisé par elle-même, faisant état de ce que les produits financiers constatés au cours de la période comprennent des intérêts sur un compte courant provenant d'une société Foncière Nonneville , des sommes libellées Prov/Intérêts créance PE ainsi que des plus-values sur SICAV, la société requérante n'établit pas que le montant des produits financiers entrant dans le champ d'application de la taxe pris en compte par le service pour la détermination du prorata de déduction serait exagéré ;
Sur le moyen tiré de ce que les intérêts comptabilisés n'ont pas été encaissés :
Considérant que la société requérante soutient qu'elle ne peut être regardée comme ayant effectué des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, dès lors qu'elle n'a pas encaissé les intérêts versés par ses filiales en rémunération des prêts qu'elle leur avait consentis, lesdits intérêts ayant seulement été inscrits au crédit des comptes courants dont elle disposait dans ses filiales ; qu'elle soutient que ses droits à déduction devaient, par suite, être déterminés en ne tenant pas compte de ces intérêts ; que, cependant, la requérante n'établit pas qu'elle n'aurait pas eu la libre disposition des sommes inscrites dans les comptes ouverts à son nom dans les écritures de ses filiales, ni qu'elle aurait été empêchée par la situation de la trésorerie de ces filiales d'effectuer des prélèvements sur ces comptes ; qu'elle doit être regardée, par suite, comme ayant encaissé des recettes afférentes à des opérations de crédit, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions de l'article 261 C du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL ITS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL ITS est rejetée.
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N° 08PA04264