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29/06/2010 | FRANCE | N°08PA02681

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 29 juin 2010, 08PA02681


Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2008, présentée pour M. et Mme Stéphane A, demeurant ..., par Mes Foucault et Captier ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0112668/2 du 18 juin 2007 en tant que le Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4

000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........

Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2008, présentée pour M. et Mme Stéphane A, demeurant ..., par Mes Foucault et Captier ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0112668/2 du 18 juin 2007 en tant que le Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2010 :

- le rapport de Mme Merloz, rapporteur,

- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;

Considérant, qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société en nom collectif (SNC) Réunion Promer, dont M. A est associé, l'administration a refusé la déduction de son résultat imposable pour l'année 1995 d'une somme de 19 623 065 F qu'elle avait pratiquée au titre du régime de défiscalisation prévu par l'article 238 bis HA du code général des impôts pour certains investissements réalisés dans les départements d'outre-mer à raison de l'acquisition auprès de la société Viking Océan d'un atelier de transformation et de conditionnement de produits de la mer, seul point contesté par les requérants, et de la cession de matériel par la Compagnie des Long Liners ; qu'elle a également réintégré au résultat imposable des années 1995 et 1996 les annuités d'amortissement pratiqués, selon le mode dégressif, au titre de cet atelier, pour des montants respectifs de 345 143 F et de 4 433 289 F ; qu'elle a en conséquence remis en cause l'imputation sur le revenu global de M. et Mme A de la quote-part du déficit de la société Réunion Promer leur revenant ; que M. et Mme A relèvent appel du jugement du 18 juin 2007 en tant que le Tribunal administratif de Paris ne leur a pas accordé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu résultant de la remise en cause du régime de défiscalisation prévue à l'article 238 bis HA du code général des impôts au titre de l'année 1995 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT doit être regardé comme formant appel incident de ce même jugement en ce qu'il a fait droit à leur demande de décharge du complément d'impôt sur le revenu de l'année 1995 résultant de la remise en cause des amortissements dégressifs ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, aucune disposition ni aucun principe général n'exige que les notifications de redressement comportent la mention des textes sur le fondement desquels elles sont établies ;

Considérant que la notification de redressement du 19 décembre 1997 adressée à la SNC Réunion Promer mentionne, outre l'impôt et les années concernés, la nature, le montant et, sur quatre pages, les motifs de fait et de droit justifiant la remise en cause de la déduction pour investissement dans les départements d'outre-mer et des amortissements pratiqués par la société ; que ces éléments étaient, malgré l'absence de mention expresse de l'article 238 bis HA du code général des impôts, suffisamment explicites pour permettre au contribuable de présenter utilement des observations ; que la notification de redressements du 23 novembre 1998 adressée à M. A, qui tire les conséquences financières pour celui-ci des redressements notifiés à la SNC Réunion Promer dont il est associé et se réfère à la notification adressée à cette société, est, dès lors, elle-même suffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage de redresser l'impôt de l'origine, de la nature et de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir auprès de tiers dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisés, afin de permettre à celui-ci de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents qui contiennent ces renseignements ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'administration a précisé, dans la notification de redressements du 19 décembre 1997 adressée à la SNC Réunion Promer, que les redressements se fondaient pour partie sur les éléments comptables recueillis auprès de la société Viking Océan ; que les requérants n'ont toutefois demandé la communication de ces documents que postérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses intervenue le 31 décembre 1999, dans un courrier du 19 janvier 2000 ; qu'ils ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'absence de communication desdits documents aurait vicié la procédure d'imposition ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité (...) de la pêche (...). La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209 (...) ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies A de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Les investissements productifs que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables en vertu de l'article 238 bis HA, I du code général des impôts s'entendent des acquisitions ou créations d'immobilisations neuves, amortissables affectées aux opérations professionnelles des établissements exploités dans les départements d'outre-mer et appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies D de la même annexe dans sa rédaction alors applicable : La déduction est pratiquée par l'entreprise propriétaire. Elle est opérée sur les résultats imposables (...) de l'exercice au cours duquel l'immobilisation a été livrée à l'entreprise ou créée par elle ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur du droit à déduction du montant des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans le département de la Martinique ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la facturation établie par la société Viking Océan pour la livraison à la SNC Réunion Promer d'un atelier de transformation de produits de la mer date du 31 décembre 1995, soit à peine douze jours après l'approbation du projet de convention par le conseil d'administration ; que le procès-verbal de livraison du 31 décembre 1995 comporte, pour certains lots livrés, des réserves et des périodes probatoires d'essais pour des équipements indispensables au bon fonctionnement de l'atelier, tels que les chambres froides et la station autonome de puissance frigorifique, et prévoit des adaptations et des réalisations complémentaires pour une partie du matériel de production et des équipements ; que ces éléments sont corroborés par les informations recueillies par l'administration auprès de la société Viking Océan, selon lesquelles les achats de matériels et d'équipements, tels que notamment des chambres froides, un tunnel de congélation, du matériel électrique et d'isolation, ainsi que des travaux d'aménagement et d'adaptation concernant, en particulier, les chambres froides, l'atelier de conditionnement, les locaux techniques et le traitement des eaux usées, tous nécessaires pour permettre la mise en service de l'atelier, se sont échelonnés tout au long de l'année 1996 ; que, selon les propres déclarations de la SNC Réunion Promer dans un courrier du 18 août 1997, annexé à une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, pour la période s'étendant, elle n'a pas eu d'activité dans l'exploitation de son atelier ; qu'elle n'a en outre pas déclaré ses installations aux bases de la taxe professionnelle des années 1995 à 1997 ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments concordants, et en dépit du courrier de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement du 22 mai 1997 qui, au demeurant, se borne à indiquer sans autres précisions qu' il apparaît que les investissements ont été réalisés en décembre 1995 , l'atelier de transformation et de conditionnement de produits de la mer litigieux, dont l'activité était éligible au bénéfice de l'exonération susmentionnée, ne peut être regardé comme ayant donné lieu à une livraison effective le 31 décembre 1995 ; que, par suite, les conditions prévues par l'article 238 bis HA du code général des impôts pour la déduction des investissements par la SNC Réunion Promer en 1995 n'étaient pas remplies ;

Considérant, en second lieu, que M. et Mme A ne peuvent se prévaloir utilement de la violation du principe d'égalité des citoyens devant l'impôt qui résulterait de ce que d'autres associés de la SNC Réunion Promer ont obtenu l'abandon du même redressement, dès lors que l'imposition en litige a été établie conformément à la loi fiscale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté partiellement leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

Sur l'appel incident du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 A du code général des impôts : 1. L'amortissement des biens d'équipement autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession (...) peut être calculé selon un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités (...) de l'amortissement dégressif ; que l'article 22 de l'annexe II au même code relatif, à l'amortissement dégressif des biens d'équipement, dispose que : Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif dans les conditions fixées aux articles 23 et 25 les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après : matériels et outillage utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport ; qu'enfin, aux termes de l'article 23 de l'annexe II au même code : Le montant de l'annuité d'amortissement afférente à chacune des immobilisations énumérées à l'article 22 peut être déterminé : 1° En ce qui concerne l'exercice en cours à la date de l'acquisition ou de la construction de l'immobilisation, en appliquant au prix de revient de ladite immobilisation le taux obtenu en multipliant le taux d'amortissement linéaire correspondant à la durée normale d'utilisation de cette immobilisation par celui des coefficients définis à l'article 24 qui lui est applicable. L'annuité ainsi calculée est réduite, s'il y a lieu, selon la proportion existant entre, d'une part, la durée de la période allant du premier jour du mois d'acquisition ou de la construction à la date de clôture de l'exercice, d'autre part, la durée totale dudit exercice ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le point de départ du délai de l'amortissement dégressif est fixé au premier jour du mois d'acquisition du bien ; que, comme indiqué précédemment, il est constant que l'atelier de transformation et de conditionnement de produits de la mer en litige a été acquis par la SNC Réunion Promer le 31 décembre 1995, date à laquelle le procès-verbal de livraison susmentionné a été établi ; que, par suite, l'administration n'était pas fondée à réintégrer les amortissements pratiqués par la SNC Réunion Promer du seul fait de l'absence d'exploitation réelle de cet atelier en 1995 et 1996 ; que le ministre n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a réduit la base imposable de M. et Mme A à concurrence de leur quote-part dans le déficit de la SNC Réunion Promer résultant de ces amortissements ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : L'appel incident du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est rejeté.

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N° 08PA02681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA02681
Date de la décision : 29/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: M. Goues
Avocat(s) : CABINET J-P FOUCAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-06-29;08pa02681 ?
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