La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2010 | FRANCE | N°08PA03658

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Formation plénière, 25 mars 2010, 08PA03658


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 11 juillet 2008 et régularisée par la production de l'original le 15 juillet 2008, présentée pour la SARL A LA FREGATE, dont le siège est 30 avenue Ledru Rollin à Paris (75012), représentée par son gérant en exercice, par Me Degroote ; la SARL A LA FREGATE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0207182/2 du 13 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 19

97 au 31 décembre 1998 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer, à ti...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 11 juillet 2008 et régularisée par la production de l'original le 15 juillet 2008, présentée pour la SARL A LA FREGATE, dont le siège est 30 avenue Ledru Rollin à Paris (75012), représentée par son gérant en exercice, par Me Degroote ; la SARL A LA FREGATE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0207182/2 du 13 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction demandée ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive n°77/388/CEE du 17 mai 1977, modifiée notamment par la directive n°95/7/CE du 10 avril 1995 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2010 :

- le rapport de Mme Merloz, rapporteur,

- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public,

- et les observations de Me Degroote, représentant la SARL A LA FREGATE ;

Considérant que la SARL A LA FREGATE fait appel du jugement du 13 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998 et des pénalités y afférentes, au motif qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une doctrine administrative jugée contraire à la sixième directive ;

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 256-1 et 266 du code général des impôts que les sommes encaissées à titre de pourboires par le personnel ont le caractère d'un supplément de prix perçu par le prestataire de services et sont imposables comme telles à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la SARL A LA FREGATE ne conteste pas, sur le terrain de la loi fiscale, l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des pourboires distribués à Mme , serveuse et conjointe du gérant de la SARL A LA FREGATE, à M. , maître d'hôtel, et à M. , serveur et fils du gérant ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ;

Considérant que la garantie prévue par ces dispositions, qui assurent en droit interne le respect du principe de confiance légitime reconnu en droit communautaire, permet au contribuable de bonne foi de se prévaloir de l'interprétation faite par l'administration d'un texte fiscal, même si elle est contraire à une norme communautaire ; que cette garantie n'affecte pas l'obligation faite aux Etats membres, sauf à s'exposer à une action en manquement, de prendre les mesures nécessaires en vue d'assurer la pleine efficacité du droit communautaire ;

Considérant que la SARL A LA FREGATE se prévaut, sur le fondement de cette garantie, de la tolérance administrative exprimée par l'instruction n° 3-B-4-76 du 31 décembre 1976, reprise dans la documentation de base du 20 juin 1995 référencée 3 B-1123, n°31, selon laquelle les pourboires ne sont pas retenus dans la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, sous quatre conditions ; que par un arrêt n°404/99 du 29 mars 2001, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que cette tolérance administrative constituait un manquement de la République française aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 point 1 et 11 A § 1 a) de la sixième directive susvisée ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Paris, cette incompatibilité ne saurait toutefois faire obstacle à ce que la SARL A LA FREGATE se prévale pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction litigieuse qui n'avait pas été rapportée ;

Considérant toutefois que, selon l'instruction susmentionnée du 31 décembre 1976, les pourboires ne sont pas retenus dans la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée à la condition, notamment, que le client soit préalablement informé de l'existence d'un prélèvement présentant le caractère d'un pourboire et de son pourcentage par rapport au prix service non compris ; que le vérificateur a relevé lors des opérations de contrôle que ni l'affichage extérieur du restaurant, ni les cartes mises à disposition des consommateurs, à l'exception toutefois d'une carte fournie lors de sa dernière intervention, ni les notes délivrées aux clients ne mentionnaient le pourcentage afférent au pourboire, seule figurant la mention prix net ; que, dans ces conditions, et alors que les copies de cartes produites par la société requérante devant les premiers juges et en appel, si elles comportent la mention prix nets, service inclus 15 % , ne sont pas datées, la SARL A LA FREGATE n'établit pas que les clients de l'établissement étaient, pour les années vérifiées, préalablement informés du pourcentage du prélèvement à titre de pourboire obligatoire ; que, par suite, à défaut de satisfaire à l'une des conditions cumulatives fixées par la doctrine invoquée, la SARL A LA FREGATE n'est pas fondée à demander le bénéfice de la dite instruction, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les autres conditions auraient été remplies pour tout ou partie des pourboires perçus ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL A LA FREGATE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL A LA FREGATE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL A LA FREGATE est rejetée.

''

''

''

''

2

N° 08PA03658

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 08PA03658
Date de la décision : 25/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. TEXTES FISCAUX. OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES (ART. L. 80 A DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES). EXISTENCE. - OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES FAVORABLES AU CONTRIBUABLE (ARTICLE L. 80 A DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES) - CHAMP D'APPLICATION - INVOCATION D'UNE DOCTRINE ADMINISTRATIVE CONTRAIRE AU DROIT COMMUNAUTAIRE - MANQUEMENT RECONNU PAR LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (C.J.C.E.) - INCOMPATIBILITÉ NE FAISANT PAS OBSTACLE À CE QU'UN CONTRIBUABLE SE PRÉVALE D'UNE INSTRUCTION NON RAPPORTÉE.

19-01-01-03-01 Selon l'article L. 80 A, second alinéa, du livre des procédures fiscales, aucun rehaussement ne peut être poursuivi, par l'administration, sur le fondement d'une interprétation différente lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation qu'elle avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause.,,La garantie prévue par ces dispositions, qui assurent en droit interne le respect du principe de confiance légitime reconnu en droit communautaire, permet au contribuable de bonne foi de se prévaloir de l'interprétation faite par l'administration d'un texte fiscal, même si elle est contraire à une norme communautaire. Cette garantie n'affecte pas l'obligation faite aux Etats membres, sauf à s'exposer à une action en manquement, de prendre les mesures nécessaires en vue d'assurer la pleine efficacité du droit communautaire.,,Une société se prévalait, sur le fondement de cette garantie, de la tolérance administrative exprimée par l'instruction n° 3-B-4-76 du 31 décembre 1976, reprise dans la documentation de base du 20 juin 1995 référencée 3 B-1123, n°31, selon laquelle les pourboires ne sont pas retenus dans la base imposable à la TVA, sous quatre conditions.... ...Par un arrêt n° 404/99 du 29 mars 2001, la C.J.C.E. a jugé que cette tolérance administrative constituait un manquement de la République française aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 point 1 et 11 A § 1 a) de la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée. Cette incompatibilité ne pouvait toutefois faire obstacle à ce que la société se prévale pour la période en cause du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, sur le fondement de l'article L. 80 A du L.P.F., de l'instruction litigieuse qui n'avait pas été rapportée.,,[RJ1],,[RJ2],,[RJ3].


Références :

[RJ1]

Cf. sur les principes de sécurité juridique et de confiance légitime en tant que principes inhérents à l'ordre juridique communautaire : C.J.C.E., 21 septembre 1983, n°s 205 à 215/82 ;

C.J.C.E., 20 septembre 1990, § 13, affaire n° 5/89, arrêt selon lequel l'ordre juridique communautaire ne saurait s'opposer à une législation nationale qui protège chacun de ces deux principes.,,,

[RJ2]

Cf. sur l'impératif de sécurité juridique : CE, Société Tropic travaux signalisation, 16 juillet 2007, n° 291545 ;

sur l'opérance du principe de confiance légitime : CE, Association pour le maintien de l'élevage en Bretagne, 10 avril 2009, n° 310184 et sur la combinaison des deux principes : CE, SA PGL Aventures, 30 décembre 2009, n° 301077.,,,

[RJ3]

Cf. C.A.A. de Paris, plénière, S.A.R.L. Restauration Gestion Service, 17 décembre 1991, n° 90PA00357 ;

a contrario, C.A.A. de Douai, plénière, Société Segafredo Zanetti France, 26 avril 2005, n° 02DA00736.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle MERLOZ
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : DEGROOTE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-03-25;08pa03658 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award