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04/02/2010 | FRANCE | N°08PA02468

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 04 février 2010, 08PA02468


Vu, la requête, enregistrée le 9 mai 2008, présentée pour la société ACT, dont le siège est 40, rue de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris (75005), par Me Pascal, avocat ; la société ACT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0214097 du 29 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, à la contribution sur l'impôt sur les sociétés et à l'imposition forfaitaire annuelle, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles e

lle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 1996 et en 1997, d'autre part...

Vu, la requête, enregistrée le 9 mai 2008, présentée pour la société ACT, dont le siège est 40, rue de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris (75005), par Me Pascal, avocat ; la société ACT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0214097 du 29 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, à la contribution sur l'impôt sur les sociétés et à l'imposition forfaitaire annuelle, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 1996 et en 1997, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ;

2°) de prononcer la décharge demandée;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance du 2 mars 2009 fixant la clôture d'instruction au 3 avril 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2010 :

- le rapport de M. Niollet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public,

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au tribunal administratif d'ordonner le renvoi d'une affaire en état d'être jugée ; qu'ainsi, en n'accédant pas à la demande de renvoi formulée par télécopie le 24 janvier 2008, puis à l'audience tenue le 1er février 2008, par l'avocat de la société ACT, alors que l'affaire était en état d'être jugée, le Tribunal administratif de Paris n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que le jugement attaqué n'a pas mentionné dans ses visas cette demande de renvoi, n'entache pas d'irrégularité ce jugement ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 283 du code général des impôts : (...) 3. Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout autre document en tenant lieu est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. (...) ;

Considérant que, si la société ACT soutient qu'en vertu des dispositions de l'article 279 du code général des impôts, elle était en droit de soumettre ses cessions de droits de diffusion à la société Canal Plus à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 5,5%, il est constant qu'elle a établi des factures mentionnant la taxe au taux de 20, 60 % à raison de ces cessions ; que cette circonstance la rendait par elle-même redevable de la taxe au taux de 20, 60 % ; qu'ainsi c'est à bon droit qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'administration a soumis ces cessions à la taxe sur la valeur ajoutée à ce taux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ;

Considérant qu'au cours de la vérification de comptabilité mentionnée ci-dessus, le vérificateur a constaté que la société ACT s'était vue remettre par la société Coficine un chèque d'un montant de 1 500 000 francs, et qu'elle avait encaissé cette somme le 28 juin 1996 sur son compte ouvert auprès de la Banque Transatlantique sans la déclarer ; qu'il a entendu soumettre cette somme à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que, si la société ACT soutient que la société Coficine a commis une erreur en lui remettant ce chèque, à raison d'une opération qui la liait à la société portugaise Animatografo, elle ne l'établit pas ; qu'elle n'établit pas davantage l'avoir reversée à la société portugaise Animatografo, ainsi qu'elle l'avait soutenu dans sa demande devant le tribunal administratif, ou à la société Coficine, ainsi qu'elle l'a soutenu dans sa requête d'appel en se référant aux énonciations de sa comptabilité sans toutefois la produire ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration l'a regardée comme redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la somme litigieuse ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 259 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité (...) et qu'aux termes du 2 de l'article 283 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : Pour les opérations imposables mentionnées aux 3°, 4° bis, 5° et 6° de l'article 259 A, ainsi que celles qui sont mentionnées à l'article 259 B, la taxe doit être acquittée par le preneur. Toutefois, le prestataire est solidairement tenu avec ce dernier au paiement de la taxe ;

Considérant qu'au cours de la vérification de comptabilité, le vérificateur a constaté que la société portugaise Animatografo avait délivré à la société ACT une facture d'un montant de 128 639 838 escudos, soit 4 287 994,61 francs, le 1er mars 1996, à raison d'un ensemble de prestations, comprenant à la fois des prestations immatérielles relevant de l'article 259 B du code général des impôts, et d'autres prestations de services, telles que des prestations d'hébergement et de transports, relevant des articles 259 et 259 A de ce code ; qu'il a entendu soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée, non le montant total facturé à la société ACT par la société portugaise Animatografo, mais une partie de ce montant correspondant aux seules prestations immatérielles visées à l'article 259 B du code général des impôts ;

Considérant que la société ACT conteste ce rappel en soutenant que les prestations de la société portugaise Animatografo constituaient en totalité une unique prestation réalisée au Portugal qui aurait à tort été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en France par l'administration, et pour laquelle la société portugaise Animatografo a, à la suite d'un contrôle fiscal, établi une facture mentionnant l'IVA portugaise ; qu'elle ne conteste toutefois pas que ces prestations comprenaient pour partie des prestations immatérielles visées à l'article 259 B du code général des impôts ; que la circonstance que la société portugaise Animatografo a, à la suite d'un contrôle fiscal, établi une facture mentionnant l'IVA portugaise a raison de ces prestations, est sans incidence sur le bien-fondé du rappel dont elle a fait l'objet ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. (...) la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est : a. celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ;

Considérant que, si la société ACT conteste la remise en cause, par le vérificateur, de la déduction de la taxe sur la valeur ayant grevé l'achat de certains matériels auprès du mandataire liquidateur de la société Auditel-France, il résulte de l'instruction que cette remise en cause n'a, compte tenu des factures d'achat qu'elle a produites à l'appui de ses observations, porté que sur un montant de 120 098 francs ; qu'elle ne produit devant la cour aucune autre facture d'achat de nature à justifier de déductions supplémentaires ;

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la contribution sur l'impôt sur les sociétés :

Considérant, en premier lieu, que si la société ACT conteste la réintégration au résultat imposable de son exercice clos en 1996 de la somme mentionnée ci-dessus, d'un montant de 1 500 000 francs, qu'elle a reçue de la société Coficine sur son compte ouvert auprès de la Banque Transatlantique, sans la comptabiliser parmi ses recettes, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que sa contestation ne peut qu'être écartée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le redressement notifié à raison d'une subvention d'un montant de 500 000 francs, reçue du Centre national de la cinématographie a été abandonné par l'administration dans sa réponse aux observations du contribuable ; que la contestation de la société requérante sur ce point est sans objet ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable aux personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient dès lors au contribuable, pour l'application des dispositions précitées de l'article 39, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code précité que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'informations en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Camera One a conclu avec la société ACT un contrat de production d'un film intitulé Le Barbier de Sibérie , devant être tourné au moins en partie au Portugal ; que la société ACT s'est adressée à la société portugaise Animatografo avec laquelle elle a le 8 juillet 1997 conclu un contrat pour l'exécution de cette mission ; que cette société lui a délivré une facture d'un montant de 5 150 000 francs à raison des prestations qu'elle a effectuées ;

Considérant que le vérificateur a remis en cause la déduction de la charge correspondante au motif que la société ACT ne pouvait pas justifier que la société portugaise Animatografo avait respecté la totalité de ses obligations et que la carence de cette dernière société dans l'exécution de ses obligations était établie par le fait que le vérificateur, ayant exercé son droit de communication auprès de la société Camera One, avait constaté que des factures avaient été établies par des fournisseurs portugais ou espagnols au nom de la société ACT pour l'exécution de prestations devant incomber à la société portugaise Animatografo ;

Considérant que la société ACT soutient que c'est par erreur que ces fournisseurs, sous-traitants de la société portugaise Animatografo, ont établi des factures à son nom, et fait valoir qu'elle n'a pas honoré les factures en cause qui ont été réglées par la société portugaise Animatografo ;

Considérant que, si le ministre se réfère aux factures établies par ces fournisseurs au nom de la société ACT pour soutenir qu'il n'est pas établi que la société portugaise Animatografo aurait réalisé la totalité des prestations qui lui incombaient selon le contrat mentionné ci-dessus, il résulte de l'instruction que les factures obtenues par le vérificateur dans l'exercice de son droit de communication ne sont qu'au nombre de quatorze, n'émanent que de dix fournisseurs, ne représentent qu'un montant total de 241 701 francs et ne permettent pas de mettre en doute les prestations effectuées par la société portugaise dans le cadre de la réalisation du film ; qu'ainsi les seuls éléments apportés par l'administration, ne pouvaient justifier la remise en cause de la déduction d'une charge totale de 5 150 000 francs ; qu'en l'absence de tout autre élément de nature à étayer une contestation du caractère déductible de la dépense, la société doit être déchargée du redressement correspondant à cette remise en cause ; qu'elle est également fondée à demander la décharge de la contribution de 10% sur l'impôt sur les sociétés à proportion des conséquences de la diminution de la base imposable au titre de l'impôt sur les sociétés de 1997 et d'imposition forfaitaire annuelle de la même année en fonction de la modification du chiffre d'affaires de cette même année ;

Considérant, qu'il résulte de ce qui précède que la société ACT est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande concernant ce redressement ;

Sur les conclusions de la société ACT, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société ACT, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La base d'imposition de la société ACT à l'impôt sur les sociétés au titre de son exercice clos en 1997 est réduite d'une somme de 785 112,44 euros (5 150 000 francs).

Article 2 : La société ACT est déchargée des droits et pénalités d'impôt sur les sociétés correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 1er ainsi que des droits et pénalités de contribution de 10% de l'impôt sur les sociétés de l'année 1997 résultant de la modification de l'impôt de référence servant de base à la liquidation de cet impôt et des droits et pénalités d'imposition forfaitaire annuelle au titre de la même année résultant de la modification du chiffre d'affaires de cette année.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0214097du 29 février 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société ACT la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société ACT est rejeté.

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N° 08PA02468

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA02468
Date de la décision : 04/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe Niollet
Rapporteur public ?: M. Goues
Avocat(s) : PASCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-02-04;08pa02468 ?
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