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14/01/2010 | FRANCE | N°08PA04830

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 janvier 2010, 08PA04830


Vu la requête et le mémoire en production de pièces, enregistrés les 17 septembre et 31 décembre 2008, présentés pour la société VIATEL OPERATIONS, ayant son siège social ..., par Me Dupuis-Toubol et Me Bloch ; la société VIATEL OPERATIONS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0424200 du 11 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Paris à lui restituer la somme de 1 433 568, 38 euros correspondant à des trop-perçus au titre des redevances d'occupation du domaine public qui lui o

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Vu la requête et le mémoire en production de pièces, enregistrés les 17 septembre et 31 décembre 2008, présentés pour la société VIATEL OPERATIONS, ayant son siège social ..., par Me Dupuis-Toubol et Me Bloch ; la société VIATEL OPERATIONS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0424200 du 11 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Paris à lui restituer la somme de 1 433 568, 38 euros correspondant à des trop-perçus au titre des redevances d'occupation du domaine public qui lui ont été facturées depuis 1999, assortie d'une somme de 101 126, 68 euros au titre des intérêts au taux légal ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui restituer lesdites sommes ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 5 000 euros ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu le code des postes et communications électroniques ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de M. Demouveaux, rapporteur,

- les conclusions de M. Bachini, rapporteur public,

- et les observations de Me Bloch, pour la société VIATEL OPERATIONS, et de Me Drain, pour la ville de Paris ;

Sur la régularité du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant que, le 9 avril 1999, la ville de Paris a conclu avec la société VIATEL OPERATIONS une convention d'occupation domaniale autorisant cette dernière à déployer ses câbles de communication électronique dans le réseau d'assainissement de la ville de Paris ; qu'en contrepartie de cette autorisation, la société VIATEL OPERATIONS a été assujettie au paiement d'une redevance dont les modalités de calcul ont été précisées à l'article 4.1 de la convention ; qu'en application de l'article 4.2 et de l'annexe V du même texte, cette société a en outre consigné auprès de la Caisse des dépôts et consignations une garantie financière d'un montant égal à celui de la redevance minimum fixé à l'article 4.1 ; qu'à l'appui de sa demande tendant à ce que la ville de Paris lui restitue une partie des redevances versées en exécution de cette convention et procède à la déconsignation des sommes demandées en garantie pour les années 2003 et 2004, la société VIATEL OPERATIONS a soutenu devant les premiers juges que le montant de la redevance était excessif, en ce qu'il méconnaissait l'article L. 45-1 du code des postes et communications électroniques, et qu'il constituait, ainsi que celui de la consignation imposée par l'article 4.2 de la même convention, un abus de position dominante au sens de l'article L. 420-2 du code de commerce ; que la société VIATEL OPERATIONS a entendu ainsi contester la validité des clauses des articles 2.2, 4.1 et 4.2 de la convention susvisée, définissant les modalités de calcul de la redevance, et demander la condamnation de la ville de Paris à lui verser une indemnité égale aux préjudices subis du fait de la nullité de ces clauses ; qu'il appartient au juge du contrat de se prononcer sur de telles conclusions ; que c'est donc à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a déclaré ces conclusions irrecevables ; que ledit jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par la SOCIETE VIATEL OPERATIONS ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non recevoir soulevées par la ville de Paris ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 45-1 du code des postes et communications électroniques :

Considérant, qu'aux termes de ces dispositions, dans leur rédaction applicable à la date de la convention litigieuse : Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier, lorsqu'elles donnent accès à des opérateurs titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 33-1, doivent le faire sous la forme de convention, dans des conditions transparentes et non discriminatoires et dans toute la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation ou avec les capacités disponibles. La convention donnant accès au domaine public non routier ne peut contenir de dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle peut donner lieu à versement de redevances dues à l'autorité concessionnaire ou gestionnaire du domaine public concerné dans le respect du principe d'égalité entre les opérateurs. Ces redevances sont raisonnables et proportionnées à l'usage du domaine. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour définir, à l'article 4.1 de la convention litigieuse, le montant de la redevance annuelle due par la société requérante, la ville de Paris l'a décomposé en trois éléments représentatifs ; que le premier de ces éléments est constitué par l'application à chaque mètre linéaire d'artère d'un barème en francs, dégressif selon la longueur de l'artère, soit de 12,50 à 50 francs pour les années 1998 à 2000, de 15 francs à 60 francs pour les années 2001 et 2002, de 17,50 à 70 francs pour les années 2003 et 2004, de 20 francs à 80 francs pour l'année 2005, et de 25 à 100 francs à compter de 2006 ; que ces montants correspondent à l'occupation d'une artère par un seul câble ou fourreau sur une tranche inférieure à 500 000 mètres ; que si l'artère est empruntée par d'autres câbles ou fourreaux, le nombre, le diamètre et la longueur de ceux-ci sont pris en compte dans le calcul d'un deuxième élément représentatif de la redevance, selon un barème de 6,25 francs au mètre linéaire pour les années 1998 à 2000, 7,50 francs pour les années 2001 et 2002, 8,75 francs pour les années 2003 et 2004, 10 francs pour l'année 2005, 12,50 francs à compter de 2006 ; qu'enfin, si l'opérateur met en place dans le domaine des ouvrages annexes nécessaires au déploiement de son réseau, tels que des chambres, armoires, boîtiers ou coffrets, s'ajoute le troisième élément représentatif, calculé par application d'un barème en francs au rapport V/100, V exprimant en dm3 le volume intérieur de ces ouvrages, soit 250 francs pour les années 1998 à 2000, 300 francs pour les années 2001 et 2002, 350 francs pour les années 2003 et 2004, 400 francs pour l'année 2005 et 500 francs pour les années comprises au delà de 2006 ;

Considérant, en premier lieu, que la ville de Paris justifie ainsi, avec une précision suffisante, des éléments pris en compte pour le calcul des redevances ;

Considérant, en deuxième lieu, que les barèmes en francs ainsi mentionnés ont été adoptés en tenant compte des coûts de construction et de maintenance du réseau public d'assainissement de la ville de Paris ainsi que des avantages spécifiques que l'utilisation de ce réseau est susceptible de procurer à la SOCIETE VIATEL OPERATIONS pour déployer son réseau de télécommunication, comparativement à d'autres infrastructures publiques telles que notamment le domaine public routier ; que ces avantages tiennent notamment au caractère entièrement visitable des égouts de Paris qui permet d'économiser les coûts en génie civil inhérents aux galeries enterrées sous les voies publiques, à leur sécurité et à leur continuité linéaire ; que compte tenu de l'importance de ces avantages, et alors même que ce réseau comporte également des inconvénients, tels que la présence de rongeurs et d'émanations de gaz et les limitations d'accès aux galeries imposées par la société gestionnaire du réseau d'assainissement, la SOCIETE VIATEL OPERATIONS n'établit pas que les montants de redevance qui résultent du choix des barèmes fixés par l'article 4.1 précité ne seraient pas raisonnables et proportionnés à l'usage qu'elle est susceptible de faire de ce domaine, ainsi que l'imposent les dispositions précitées de l'article L. 45-1 du code des postes et des communications électroniques ; qu'enfin elle ne soutient ni même n'allègue que la charge financière des dites redevances ne lui permettrait pas d'exercer son activité dans des conditions économiques satisfaisantes ;

Considérant, en troisième lieu, que la ville de Paris a pu légalement, dans la détermination de l'assiette de la redevance, prendre en compte, d'une part, la mise à disposition de l'opérateur dans son réseau d'assainissement d'une artère de télécommunication d'un volume égal ou inférieur à 10 cm sur 10 cm et, d'autre part, la longueur, le nombre et le diamètre des fourreaux et des câbles compris dans ce même volume ; que les opérateurs qui, telle la SOCIETE VIATEL OPERATIONS, font passer plusieurs câbles et fourreaux dans l'artère qui leur est concédée et ceux qui n'y font passer qu'un seul sont en effet placés dans des conditions différentes qui justifient une différence de traitement ;

Considérant, en quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'article 4.1 de la convention litigieuse a prévu une progressivité des tarifs sur 15 ans afin de tenir compte de la durée d'amortissement du matériel ; que la ville de Paris n'était pas tenue d'accorder cet avantage à la SOCIETE VIATEL OPERATIONS ; que dès lors celle-ci ne saurait utilement faire valoir la circonstance, à la supposer établie, que ses fourreaux et ses câbles seraient, selon un usage de la profession , amortis dans ses propres comptes sur une durée supérieure ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, que la société requérante se prévaut des dispositions des articles R. 20-51 et R. 20-52 du code des postes et communications électroniques, dans leur rédaction issue du décret n° 2005-1676 du 27 décembre 2005, dispositions qui fixent, notamment pour l'occupation du sous-sol du domaine public non routier, un montant annuel maximum des redevances d'occupation de ce domaine supérieur à celui que stipule la convention litigieuse ; que, d'une part, les dispositions de ce décret n'ont pas vocation à s'appliquer aux situations contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur ; que, d'autre part, s'il existe un écart important entre le montant de redevance susceptible de résulter de l'application de ces dispositions et celui qu'a fixé en 1999 la ville de Paris, il ne suit pas de là, eu égard à la portée et à l'objet des dispositions du décret susvisé, que la convention litigieuse serait entachée sur ce point d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 420-2 du code de commerce :

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, est prohibée l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. ; qu'il incombe à l'autorité administrative, affectataire du domaine public, lorsque celui-ci est le siège d'activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération, pour la gestion de ce domaine, non seulement l'intérêt du domaine et l'intérêt général, mais encore les dispositions précitées du code de commerce, dans le cadre desquelles s'exercent ces activités ;

Considérant que la SOCIETE VIATEL OPERATIONS soutient que la ville de Paris dispose, sur son territoire, d'une position dominante sur le marché de l'accès à des infrastructures souterraines permettant le déploiement d'installations de filaires de communications électroniques et que la perception, pour l'occupation de ce domaine, d'une redevance qui revêt, comme en l'espèce, un montant excessif constitue un abus de position dominante méconnaissant les dispositions précitées ; que, toutefois, si la ville de Paris détient une position dominante sur le marché en question, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les tarifs qu'elle a consentis à la SOCIETE VIATEL OPERATIONS ne revêtent pas, contrairement à ce que soutient celle-ci, un caractère excessif ; que la ville de Paris n'a donc pas, en l'espèce, fait une exploitation abusive de sa position ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les clauses des articles 2.2 et 4.1 de la convention d'occupation du domaine public conclue, le 9 avril 1999, entre la SOCIETE VIATEL OPERATIONS et la ville de Paris, déterminant le montant de la redevance due à la Ville par la société requérante, ne sont pas entachées d'illégalité ; que les clauses de l'article 4.2 de la même convention fixant le montant de la garantie financière au profit de la ville de Paris, par référence à celui de la redevance minimum visé à l'article 4.1, ne le sont pas davantage ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la restitution des sommes qu'elles aurait versées indûment à la ville de Paris du fait de la nullité de ces clauses ; que, doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la ville de Paris présentées en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0424200 du 11 juillet 2008 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par la société VIATEL OPERATIONS et les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la ville de Paris présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 08PA04830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08PA04830
Date de la décision : 14/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre DEMOUVEAUX
Rapporteur public ?: M. BACHINI
Avocat(s) : DUPUIS-TOUBOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-01-14;08pa04830 ?
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