Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2008, présentée pour la SOCIETE INEO EI-IDF venant aux droits de la société l'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, dont le siège social est situé 165 rue Jean Jaurès Les Mureaux (78130), par Me Ben Zenou ; la SOCIETE INEO EI-IDF demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0310864/6-2 du 25 mars 2008 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il l'a condamnée à verser au Musée du Louvre la somme de 491 973,99 euros à titre d'indemnités, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 1999 ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par le Musée du Louvre en tant qu'elle conclut à sa condamnation et, à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management à la garantir de toutes condamnations dont elle serait l'objet ;
3°) de mettre à la charge du Musée du Louvre ou de tout succombant la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2009 :
- le rapport de M. Rousset, rapporteur,
- les conclusions de M. Marino, rapporteur public,
- et les observations de Ben Zenou, pour la SOCIETE INEO EI IDF, de Me Maurice, pour le Musée du Louvre, et celles de Me Lacan, pour la société Krendel ;
Considérant que dans le cadre de l'aménagement de l'aile Richelieu, le Musée du Louvre a attribué, par un marché public de travaux notifié le 7 mai 1990, à la société l'Entreprise Industrielle le lot électricité moyenne et basse tension et fournitures d'éclairage normal ; que la société l'Entreprise Industrielle a fait appel à la société Krendel pour la conception, la fabrication et l'assemblage sur place des armoires électriques ; que la réception des travaux est intervenue le 15 novembre 1993 ; que les sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management ont été chargées par le Musée du Louvre de la maintenance des installations d'électricité jusqu'au 30 juin 1999, puis de la seule maintenance des installations d'éclairage à compter du 1er juillet 1999 ; que la société Spie Trindel leur a succédé à compter du 1er juillet 1999 pour la maintenance des installations d'électricité à l'exclusion des installations d'éclairage ; que le 3 octobre 1999, un incendie s'est déclaré dans l'armoire TE 016N1AR située dans un local technique de l'aile Richelieu ; que du matériel électrique et des oeuvres d'art ont été endommagés ; que le Musée du Louvre a recherché devant le Tribunal administratif de Paris la responsabilité solidaire de la SOCIETE INEO EI-IDF, venant aux droits de la société l'Entreprise Industrielle, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, de la société Krendel au titre des principes dont s'inspire l'article 1792-4 du code civil et des sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management à raison d'un manquement à leurs obligations contractuelles ; que la SOCIETE INEO EI-IDF fait appel du jugement du 25 mars 2008 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il l'a condamnée à prendre en charge le coût des réparations des installations électriques et, pour moitié avec le Musée du Louvre, le coût de restauration des oeuvres d'art, pour un montant total de 491 973,99 euros ; que par la voie de l'appel incident, le Musée du Louvre demande à la cour de réformer le jugement en tant que le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur les conclusions dirigées contre la société Krendel, qu'il n'a pas condamné, solidairement avec la SOCIETE INEO EI-IDF, les sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management, d'une part, et la société Krendel, d'autre part, à l'indemniser du préjudice subi, et qu'il a laissé à sa charge la somme de 48 281,89 euros correspondant à la moitié du coût de restauration des oeuvres d'art endommagées à la suite de l'incendie ;
Sur l'appel principal de la SOCIETE INEO EI-IDF :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'incendie a eu pour origine un défaut de mise en oeuvre de l'embout serti sur l'extrémité du conducteur raccordé sur la borne du départ N 46, qui alimentait un rail de luminaires, à l'intérieur de l'armoire électrique TE 016N1 ; que le pliage anormal des brins du conducteur à l'entrée de la cosse a provoqué un échauffement qui a causé le sinistre ; que cette malfaçon, non apparente lors de la réception des travaux, susceptible de compromettre le fonctionnement et la sécurité de l'établissement et de le rendre ainsi impropre à sa destination, était de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant que la SOCIETE INEO EI-IDF fait valoir, en premier lieu, que les pièces de l'armoire incendiée, et notamment la borne N 46, sur lesquelles l'expert judiciaire, M. Gilet, et son sapiteur, M. Meyer, ont fondé leur analyse, avaient fait l'objet d'un prélèvement non contradictoire le 5 octobre 1999 à l'initiative du laboratoire CNPP désigné par le maître d'ouvrage ; que toutefois, il résulte, des écritures non contestées du Musée du Louvre que le prélèvement litigieux a eu lieu en présence du représentant des sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management ; que, de même, ni l'expert ni son sapiteur n'ont exprimé de doutes quant à l'origine et à l'intégrité des éléments endommagés de l'armoire soumis à leur examen ; que dans ces conditions, la SOCIETE INEO EI-IDF, qui ne démontre pas que les pièces analysées ne proviendraient pas de l'armoire incendiée ou qu'elles auraient été modifiées ou altérées après leur prélèvement, n'est pas fondée à remettre en cause, pour ce motif, les conclusions de l'expert ;
Considérant que la SOCIETE INEO EI-IDF soutient, en deuxième lieu, que cette déformation du conducteur ne serait pas intervenue au cours de la fabrication et de la mise en place de l'armoire électrique TE 016N1, mais à l'occasion de modifications réalisées postérieurement par les entreprises en charge de sa maintenance ; que, toutefois, s'il est constant que certains éléments de l'armoire incendiés ont été modifiés après sa mise en service, il ne résulte pas de l'instruction que la borne départ N 46 aurait fait l'objet d'une modification, que l'expert, qui n'est pas sérieusement contesté sur ce point, a jugée peu probable et que le sapiteur n'a pas envisagée dans son rapport du 15 octobre 2000 qui conclut que les pliages, à l'origine de l'incendie, ont été provoqués par l'introduction des brins du conducteur souple dans l'embout de connexion lors de sa pose ;
Considérant, en dernier lieu, que si la SOCIETE INEO EI-IDF fait valoir que les sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management étaient en charge, pour le compte du maître d'ouvrage, depuis 1993, de la maintenance préventive et corrective des installations électriques du Musée du Louvre, et notamment de la borne départ N 46 à l'origine de l'incendie, et que les manquements graves et multiples qui peuvent leur être reprochés dans l'exécution de cette mission contractuelle sont de nature à l'exonérer de toute responsabilité, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le pliage des brins du conducteur à l'intérieur de la cosse n'était pas visible et que seul un contrôle thermographique régulier de l'armoire litigieuse aurait, éventuellement, permis de déceler l'échauffement à l'origine du sinistre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'est cependant pas établi que le contrôle thermographique annuel auquel étaient tenues les sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management, aurait conduit, à la date à laquelle il devait intervenir, à détecter l'échauffement à l'origine de l'incendie, qui, ainsi que l'a noté l'expert, est la conséquence d'un emballement thermique qui a évolué en quelques heures seulement ; que, dans ces conditions, la SOCIETE INEO EI-IDF n'est pas fondée à soutenir que les manquements constatés dans la maintenance des installations électriques du Musée du Louvre, qui n'ont pas participé de manière directe et certaine à la survenance d'un sinistre causé par une malfaçon qui lui est imputable, seraient de nature à l'exonérer, en tout ou partie, de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE INEO EI-IDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser au Musée du Louvre la somme de 491 973,99 euros à titre d'indemnité ;
Sur l'appel incident du Musée du Louvre :
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que la société Krendel soit déclarée solidairement responsable, sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil, des obligations mises à la charge de la SOCIETE INEO EI-IDF au titre de la responsabilité décennale :
Considérant que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ; que la société Krendel a participé, en sa qualité de fabricant, à l'exécution de travaux publics en assurant la conception, l'assemblage et la pose dans les locaux du Louvre des armoires électriques que la société l'Entreprise Industrielle était tenue de fournir au Musée du Louvre en vertu du marché de travaux publics notifié le 7 mai 1990 ; que le Musée du Louvre, qui n'est lié à la société Krendel par aucun contrat de droit privé, recherche la responsabilité de cette société sur le fondement de l'article L. 1792-4 du code civil ; que la juridiction administrative est, dès lors, seule compétente pour connaître de cette demande ; que, par suite, le Musée du Louvre est fondé à soutenir que le jugement attaqué par lequel le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur les conclusions précitées est irrégulier sur ce point ; qu'il doit, en conséquence, être annulé partiellement pour ce motif ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur ces conclusions ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1792-4 du code civil : Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise qui n'est pas contesté sur ce point, que la société Krendel a conçu et fabriqué l'armoire électrique à l'origine du sinistre et qu'elle l'a assemblée et installée dans le local technique de l'aile Richelieu du Louvre, la société l'Entreprise Industrielle se bornant à raccorder l'armoire ainsi montée et posée aux installations électriques du musée ; que, dans ces conditions, la dite armoire doit être regardée comme constituant un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance et mis en oeuvre sans modification par la société l'Entreprise Industrielle ; qu'en conséquence, le Musée du Louvre est fondé à soutenir que la société Krendel doit, en sa qualité de fabricant de l'armoire défectueuse et en application des principes dont s'inspire l'article 1792-4 du code civil, dont la mise en oeuvre n'est pas subordonnée à l'existence d'un lien contractuel entre le maître d'ouvrage et le fabricant, être déclarée solidairement responsable des obligations mises à la charge de la SOCIETE INEO EI-IDF au titre de sa responsabilité décennale ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité contractuelle des sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les manquements constatés dans la maintenance des installations électriques du Musée du Louvre n'ont pas participé de manière directe et certaine à la survenance du sinistre à l'origine du litige ; qu'il s'ensuit que le Musée du Louvre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation des sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a laissé à la charge du Musée du Louvre la somme de 48 281,89 euros correspondant à la moitié du coût de restauration des oeuvres d'art endommagées :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport établi le 27 juin 2000 par le laboratoire CNPP, dont les conclusions ont été approuvées par l'expert, que si compte tenu de l'architecture des locaux, un transfert des fumées vers les salles d'exposition ne pouvait être totalement évité, la propagation des fumées aurait pu être limitée si le local technique dans lequel était installée l'armoire à l'origine du sinistre n'avait pas présenté plusieurs défauts d'étanchéité, qualifiés par le laboratoire CNPP de non conformités , auxquels le Musée du Louvre aurait du remédier ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a fixé à 50 % le montant des sommes restant à la charge du Musée du Louvre au titre de la réparation des dommages causés par les fumées aux oeuvres d'art ; que par suite, le Musée du Louvre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a laissé à sa charge la somme de 48 281, 89 euros correspondant à la moitié du coût de restauration des oeuvres d'art endommagées à la suite de l'incendie ;
Sur les appels en garantie formées par la SOCIETE INEO EI-IDF :
Considérant, en premier lieu, que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ;
Considérant que l'appel en garantie formé contre la société Krendel par la SOCIETE INEO EI-IDF, qui contrairement à ce qu'elle soutient n'est pas subrogée dans les droits et actions du Musée du Louvre, ne peut avoir d'autre fondement que le contrat conclu entre ces deux sociétés pour la fabrication de l'armoire à l'origine du sinistre ; qu'un tel contrat signé entre deux personnes privées présente le caractère d'un contrat de droit privé ; qu'il s'ensuit qu'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître de ce litige ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le sinistre qui a justifié l'engagement de la responsabilité décennale de la SOCIETE INEO EI-IDF, n'est pas imputable aux sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management ; que par suite l'appel en garantie formé par la SOCIETE INEO EI-IDF à l'encontre de ces deux sociétés ne peut qu'être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n' y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SOCIETE INEO EI-IDF, les sociétés Dalkia Sca et Dalkia Facilities Management, le Musée du Louvre et la société Krendel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 25 mars 2008 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La société Krendel est condamnée solidairement avec la SOCIETE INEO EI-IDF à verser au Musée du Louvre la somme de 491 973,99 euros .
Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE INEO EI-IDF tendant à la condamnation de la société Krendel sont rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE INEO EI-IDF, du Musée du Louvre, des sociétés Dalkia Sca, Dalkia Facilities Management et de la société Krendel est rejeté.
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N° 08PA02756